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CINECURE
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Eva Ionesco
Une jeunesse dorée
Sortie le 16 janvier 2019
Article mis en ligne le 2 janvier 2019

par Charles De Clercq

Synopsis : Paris 1979, au cœur des années Palace. Haut lieu de la nuit où se retrouvent artistes, créatures et personnalités, guidés par une envie de liberté. Rose, une jeune fille de 16 ans issue de la DASS, et son fiancé Michel, 22 ans, jeune peintre désargenté, vivent leur première grande et innocente histoire d’amour. De fête en fête, ils vivent au jour le jour, au gré des rencontres improbables de la nuit. Lors d’une soirée, Rose et Michel font la connaissance de Lucille et Hubert, de riches oisifs, qui vont les prendre sous leur aile et bousculer leur existence.

Acteurs : Isabelle Huppert, Melvil Poupaud, Galatea Bellugi, Lukas Ionesco, Alain-Fabien Delon.

Deuxième long métrage d’Eva Ionesco, après le largement autobiographique My Little Princess en 2011, où l’on retrouve Isabelle Huppert dans un autre rôle. Et si Une jeunesse dorée est autobiographique, il l’est moins que celui qui narrait son enfance troublée du fait de sa mère. Ici, il s’agit bien de la réalisatrice derrière le rôle de la jeune Rosa (Galatea Bellugi, découverte dans Keeper) qui ici va mettre son fils Lukas au service de son récit (l’on y reviendra). « Il l’est moins » parce que certains éléments sont purement fictifs, ainsi le couple formé par Lucile et Hubert (étonnant et détonnant Melvil Poupaud !).

Durant le film deux choses ont émergé. La première renvoyait à ce verset du livre de l’Ecclésiaste « Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité. » ( 1,2) tant le milieu dans lequel vivent, vibrent et surfent cette jeunesse dorée et d’autres, moins jeunes, et, probablement, prédateurs, semble vain et superficiel. Certes la chandelle se consume par les deux bouts, tout comme la vie de ceux et celles qui se noient dans ce milieu qui se dit ou se veut artistique. A tel point que le spectateur, au sortir de la salle, pourra s’interroger longtemps sur le vide sidéral de l’époque pour ces gens-là, mais aussi sur le même vide du film, voire la vanité de celui-ci. Il ne saura pas si c’est intrinsèque au support lui-même ou si ce long métrage a si bien réussi à confondre le signifiant et le signifié ! Nombre de confrères et consoeurs se sont interrogés et ont exprimé leurs doutes par « tout cela pour ça ! ». La deuxième est que nous avons dû manquer quelque chose de ce tout début des années 80, et pour cause, un brusque changement d’orientation « professionnelle » nous faisait quitter un corps de police d’élite pour entrer au séminaire ! Sans y être cloitré, loin de là, il était cependant difficile d’appréhender ce qui se vivait dans un autre monde. Une « liberté » (mais le terme ne parait pas approprié, car elle s’exprime dans une cage ou une prison dorée !) qui s’exprimait notamment dans une sexualité débridée et où les questions de genre s’exprimaient « naturellement » sans se poser explicitement (ainsi de Lucile qui lorgne aussi bien sur Michel que sur Rose ; et d’Hubert, pour Rose... et Michel). Il ne s’agit pas de « fluidité sexuelle », comme l’aborde la documentariste Patricia Chica dans son court-métrage (de fiction !) Morning After en 2017. Fluidité qui n’y est pas vaine, mais tendre et jubilatoire, tout au contraire de Jeunesse dorée.

Il faut revenir ici sur « l’utilisation » de Lukas Ionesco. L’on ne reprochera pas ses (vrais) tatouages d’être anachroniques par rapport à l’époque du film, mais plutôt le fait que sa mère l’ait choisit « lui », son fils. Comme si l’histoire « familiale » se répétait. Comme si, se reproduisait ici un schéma, l’exploitation d’un fils par sa mère succédant à celle d’une fille par sa mère ! Involontaire probablement et cependant troublant. Parce que le fils, l’acteur, sort d’une expérience qui a pu être ou a été traumatisante. C’est qu’encore adolescent, il fut « recruté » par Larry Clark soi-même pour tourner dans The Smell of Us. Film controversé qui fut cependant classé quatrième dans le top 10 des Cahiers du cinéma en 2015. S’il faut convenir que Larry Clark a été un grand cinéaste de l’adolescence, poussant certains jeunes aux limites en les filmant sans probablement distinguer réel, fiction et fantasmes du réalisateur, il faut aussi se dire que depuis, il y a eu l’affaire Weinstein ou plutôt Kevin Spacey. Larry Clark a aussi utilisé le jeune Ionesco, à son corps défendant (et l’on joue ici sur les mots et les maux de l’expression !). L’on renvoie ici à cet article des Inrocks : « Je ne serai jamais un des kids de Larry Clark » qu’il faut cependant « pondérer » (?) par celui-ci (par exemple) « Presque sans regrets, ​Lukas Ionesco renaît » sur le site i-d.vice.com. Restent toutes les questions que l’on (se) pose sur Larry Clark et ses relations avec ses (jeunes) acteurs. Pour légitimes qu’elles soient, il faut aussi éviter de (re)lire le passé à la lumière de l’éthique du présent, si ce n’est pour en tirer des leçons pour aujourd’hui.

Difficile donc de savoir ce qu’il faut penser de cette « Jeunesse dorée » ! Le kid (d’)Ionesco n’est plus celui de Larry Clark, pour autant qu’il l’ait été... mais il n’empêche que sa propre mère lui fait tourner ici le rôle de son compagnon de fugue, celui de ses premières amours... Un trouble qui ajoute à l’exaspération induite par la vanité du film dont on lira avec plaisir d’autres critiques plus positives que celle-ci.

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UNE JEUNESSE DORÉE ISABELLE HUPPERT 2019 Trailer - YouTube


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