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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Veerle Baetens
Débâcle (Het Smelt)
Sortie du film le 25 octobre 2023
Article mis en ligne le 5 décembre 2023

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 113’

Acteurs : Charlotte De Bruyne, Rosa Marchant, Sebastien Dewaele, Spencer Bogaert, Simon Van Buyten, Femke Van der Steen, Amber Metdepenningen...

Synopsis :
De nombreuses années après cet été torride où tout a basculé, Eva retourne dans son village natal avec un énorme bloc de glace dans son coffre. Au cœur de l’hiver, elle devra affronter son passé et se mesurer à ses agresseurs.

La critique express de Julien

Dans le Larousse, une débâcle est un « rupture subite de la couche de glace (d’un cours d’eau) dont les morceaux sont emportés par le courant ». Pour l’actrice Veerle Baetens (vue dans « The Broken Circle Breakdown », « Duelles », et récemment dans « La Petite » de Guillaume Nicloux), il s’agit là de son adaptation du livre de « Het Smelt » (2015) de l’écrivaine belge Lize Spit, et surtout de son premier film en tant que réalisatrice, après cinq ans de co-écriture. Dans cette histoire de détresse psychologique d’une victime d’agression, la cinéaste nous plonge dans une double temporalité, entre passé et présent, à la rencontre d’Eva, jouée respectivement par Rosa Marchant dans sa pré-adolescence, et par Charlotte De Bruyne à l’âge adulte. Tandis qu’elle vit à Bruxelles, loin de son village d’enfance, Eva semble repliée sur elle-même, inadaptée à la vie sociale, comme habitée par un mal-être extrêmement profond, elle qui refuse, de plus, de voir ses parents, au contraire de sa sœur cadette. Confrontée à son passé, Eva prendra alors une courageuse décision, aux conséquences inéluctables, armée d’un bloc de glace. Le film nous emmène, en parallèle, treize ans en arrière, à l’origine du drame qui la ronge depuis tant d’années, soit depuis un été caniculaire, dans une petite bourgade flamande, où elle vivait avec ses parents - dont une mère dépressive et alcoolique - et sa sœur. Mal aimée, négligée (elle portait des vêtements trop petits), Eva passait son temps à traîner avec deux de ses amis, lesquels se livraient à d’irresponsables, inconscients, bêtes, dangereux et vicieux jeux, comme « action ou vérité », ou à celui de « l’énigme », qui consistait à faire se déshabiller devant eux les plus jolies filles du village, où, à chaque erreur, elles devaient enlever un de leurs vêtements. Alors qu’Eva fournissait l’énigme, elle servait aussi d’arbitre pour espérer rester dans le groupe, elle qui était secrètement amoureuse de l’un des deux garçons. Pourtant, ces derniers se comportaient, se méconduisaient pourtant très mal avec elle. Un jour, leur jeu tourna alors au drame...

Difficile de rester insensible face à ce film pessimiste et tragique, lequel met en scène une histoire lourde de sens, et qui résonne particulièrement dans l’actualité. Parfaite directrice d’acteurs, Veerle Beatens nous immerge d’une part dans une ambiance pesante, vis-à-vis de la vie froide et distancée que mène le personnage de l’actrice Charlotte De Bruyne, et, au contraire, heureuse en apparence, bien que triste et solitaire, de celle sa jeune héroïne, interprétée par la lumineuse et poignante Rosa Marchant, récompensée à juste titre pour son rôle au Festival du film de Sundance, aux États-Unis. Rien que ça. Ce n’est ainsi qu’au fil de ces flash-back que l’on comprend où « Débâcle » nous mène, soit vers une fin inéluctable, résultant du poids du malaise, du traumatisme vécu des années plus tôt par Eva, et que les circonstances ont fait garder pour elle, devant le regard de certains adultes, ayant fermé volontairement les yeux. Veerle Beatens mène d’une main de fer son premier film, étouffant, au regard de l’été meurtrier où tout a basculé. Ici, pas de vision clichée de l’adolescence, mais bien l’une de ses parts les plus sombres et horrifiques. La tension est présente, l’empathie est de mise, et notre cœur serré. Malgré un épilogue un brin confus, on ressort bouleversé de ce film, lequel appelle les victimes d’agression à prendre la parole, à déculpabiliser, et à ne surtout pas se refermer sur elles-mêmes, au risque de disparaître, tel un bloc de glace qui fond... « Débâcle » est l’une des claques belges cinématographiques de l’année.



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