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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Noé Debré
Le Dernier des Juifs
Sortie du film le 10 avril 2024
Article mis en ligne le 22 avril 2024

par Julien Brnl

Genre : Comédie dramatique

Durée : 90’

Acteurs : Agnès Jaoui, Michael Zindel, Solal Bouloudnine, Rony Kramer...

Synopsis :
Bellisha a 27 ans et mène une vie de petit retraité, il va au café, fait le marché, flâne dans la cité... Il vit chez sa mère Giselle, qui sort très peu et à qui il fait croire qu’il est solidement intégré dans la vie active. Le vent tourne quand Giselle s’aperçoit qu’ils sont les derniers juifs de leur cité. Elle se convainc qu’il faut qu’ils partent eux-aussi. Bellisha n’en a pas très envie mais pour rassurer sa mère, il lui fait croire qu’il prépare leur départ.

La critique de Julien

Le nom de Noé Debré ne vous dit peut-être rien. Et pourtant, c’est à lui que l’on doit en partie les scénarios des films « Dheepan » (Jacques Audiard, 2015), « Le Fidèle » (Michaël R. Roskam, 2017) ou encore « Stillwater » (Tom McCarthy, 2021), tandis qu’on lui doit également la création de la série « Parlement » (2020-2024) de France Télévision, ainsi la coécriture de la prochaine série « Zorro » d’Émilie Noblet et Jean-Baptiste Saurel (avec Jean Dujardin dans la peau du légendaire héros masqué), prévue pour fin de l’année. Après également trois courts métrages, « Le Dernier des Juifs » marque donc son premier passage au cinéma en tant que réalisateur, lequel a d’ailleurs écrit seul son film. Tandis qu’il s’ouvre sur un extrait de la Bible (« Heureux qui qui l’attendent », Ésaïe 30:18-22), « Le Dernier des Juifs » est un drame nostalgique sépharade, lequel s’inscrit dans une actualité difficile, tout en y portant un regard humaniste et réconciliateur, lequel est inspiré par le court-métrage allemand « Mazeltov cocktail » (Mickey Paatzsch et Arkadij Khaet, 2020), racontant l’histoire d’un jeune juif russe en Allemagne. Or, l’histoire de Juifs quittant les quartiers populaires n’avait pas été racontée au cinéma. D’origine juive alsacienne, Noé Debré nous immerge alors dans le quotidien raconté par une voix-off d’un jeune juif de cité (Michael Zindel), lequel vit avec sa mère Giselle (Agnès Jaoui), tout en se rendant compte qu’ils sont les derniers membres de leur communauté à y vivre...

Sans être une adaptation du roman de Jacques Derrida (« Le Dernier des Juifs », éd. Galilée, 2014), « Le Dernier des Juifs » s’avère est un film d’une nostalgie douce-amère, tourné d’ailleurs avec le chef-opérateur Boris Lévy en format 1/66, lequel rappelle le style cinématographique des années 70. Nous sommes alors au cœur d’une relation maternelle, où mère et fils se protègent mutuellement, lesquels vivent dans leur petite bulle et appartement de banlieue. Bellisha, 27 ans, s’occupe alors de celle-ci, malade, fait les courses, apprend le Krav-maga et flâne le reste du temps, tandis que sa mère, elle, en tant que minoritaire dans son environnement, commente la population changeante aux abords de leur immeuble, et cela avec des pensées racistes sur les Noirs et les Arabes. Pourtant, celles-ci sont inconséquentes, étant donné qu’elle ne renferme aucune part de méchanceté, de racisme, au sein d’un film qui désamorce d’autant plus la violence des propos des uns et des autres, dont à l’encontre ici des Juifs, et cela par sa poésie, mais également l’existence quelque peu naïve, désuète et décalée et cette famille monoparentale. « Le Dernier des Juifs » se veut même transgressif dans sa manière de mélanger les populations, l’antihéros lunaire de cette histoire couchant ainsi en cachette avec une voisine musulmane mariée.

La nonchalance de son acteur principal Michael Zindel, au timbre de voix fluet, découvert dans les courts-métrages de Noé Debré, participe également à la légèreté de l’ensemble, face finalement à l’antisémitisme qu’il sous-tend. Son personnage, Bellisha, est d’ailleurs comme déconnecté de la réalité, et très souple, voire éloigné de la religion, préférant ainsi rapper vulgairement (en déformant sa voix à l’aide d’une application), au contraire de son père (Pierre-Henri Salfati), très érudit, lequel va réapparaître dans sa vie à un moment crucial, contrastant avec autorité et gravité la relation maternelle préalablement installée. Agnès Jaoui, justement, est une nouvelle fois très juste, bien qu’on aurait aimé en savoir plus sur la mélancolie et la fragilité de son personnage, et son histoire.

S’il est donc question ici d’une métaphore au dernier des Juifs d’une cité à devoir plier bagage, le film de Noé Debré marque aussi une note d’espoir envers tout Juif qui veut s’émanciper loin de la tradition, prendre en main, accepter son destin, qui est ici - dans le cas de Bellisha - celui de l’errance, du nouveau départ, malgré la tragédie. Dommage alors que le film de Noé Debré peine à nous entraîner dans son histoire, la faute à un montage qui manque cruellement de rythme, d’efficacité, au contraire d’une construction émotionnelle déchirante. Cependant, on se questionne sur le pourquoi de cette histoire, laquelle ne parvient jamais à interroger, à problématiser ce qui s’y vit, à savoir l’exil des Juifs. On reste dès lors perplexe face à cet ovni, qui se vit heureusement à hauteur du jeu de son interprète principal...



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