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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

M. Night Shyamalan
Knock at the Cabin
Sortie du film le 01 février 2023
Article mis en ligne le 6 février 2023

par Julien Brnl

Genre : Thriller

Durée : 100’

Acteurs : Dave Bautista, Jonathan Groff, Ben Aldridge, Nikki Amuka-Bird, Rupert Grint, William Ragsdale...

Synopsis :
Alors qu’ils passent leurs vacances dans un chalet isolé en pleine nature, une jeune fille et ses parents sont pris en otage par quatre étrangers armés qui exigent d’eux un choix impossible afin d’éviter l’imminence de l’apocalypse. Alors qu’ils n’ont pratiquement aucun moyen de communication avec le reste du monde, ils vont devoir seuls prendre et assumer leur décision.

La critique de Julien

M. Night Shyamalan, maître (incontesté) du twist et de la désillusion, revient au cinéma un an et demi après la sortie de son précédent métrage « Old », librement adapté du roman graphique « Château de sable » (paru en 2010 aux Éditions Atrabile). Et comme d’accoutume, le cinéaste intriguait avec son nouveau scénario, lequel est, d’après lui, le plus rapide qu’il ait écrit dans sa carrière, tout en étant adapté ici du roman « The Cabin at the End of the World » de Paul G. Tremblay, publié en 2018. Et malgré des débuts tonitruants, ce qu’il en fait parle de lui-même... Mais vous, que feriez-vous si, en vacances dans un chalet isolé, quatre étrangers vous prenaient en otage, avec votre famille, avec cependant la particularité de ne vouloir vous nuire, mais bien de vous faire prendre un choix impossible qui, s’il n’était pas pris, entraînerait l’apocalypse sur Terre ?

Alors que Wen (Kristen Cui), sept ans, est donc en vacances avec ses pères adoptifs Eric (Jonathan Groff) et Andrew (Ben Aldridge) dans leur chalet isolé de la campagne de Pennsylvanie, un mystérieux et imposant inconnu nommé Leonard (Dave Bautista) s’approchera d’elle, tout en lui disant qu’il veut devenir son ami, et qu’il a à parler avec ses parents (sans savoir qui ils sont), et cela afin de sauver le monde. Paniquée, la petite s’enfuira pour avertir ses papas, barricadant quant à eux, et comme ils peuvent, leur habitation, avant que Leonard et trois autres personnes y pénètrent par effraction, avec des armes de fortune, Eric subissant une commotion cérébrale en tentant de défendre les siens. Mais qui sont ces gens ? Sont-ils là de leur plein gré, ou envoyés ? Pourquoi s’en prennent-ils à cette famille ? Quel est donc ce message si important qu’ils ont à leur communiquer ? Une chose est certaine : il sera d’autant plus difficile pour ces deux hommes de croire à leurs propos qu’ils se sentiront ciblés par la haine et la folie étant donné leur homosexualité...

« Knock at the Cabin » démarre sur les chapeaux de roue, avec un Dave Bautista à contre-emploi, échangeant sereinement avec une petite fille, dans ce qui semble être un Jardin d’Eden, entourant ladite cabane, tandis qu’ils tentent d’attraper des sauterelles, lesquelles symbolisent, dans la Bible, l’un des fléaux de l’Apocalypse, alors que, dans la conscience collective, celles-ci sont plutôt annonciatrices de joie, de rêves et vœux qui se concrétiseront. Pourtant, pour ces quatre inconnus, ce sont plus des cris et des visions horrifiques qui les ont amenés, d’une part, à discuter entre eux via les réseaux et, d’autre part, à se rendre dans cette cabane, sans savoir qui ils y trouveront. M. Night Shyamalan installe dès lors une inquiétante ambiance, pesante et malsaine, étant donné cette prise d’otage forcée, bien qu’ambiguë, aux intentions très floues (lesquelles le resteront), face à une famille peu crédule, ayant renforcé ses liens par un passé fait d’épreuves partagées (rejet familial, agression, etc.). Mais cette dernière a le plus important avec elle, soit sa bonne conscience et « l’amour pur » qui l’habite, ne se laissant dès lors pas intimider par ce qu’affirment, déstabilisés, ces gens, bien que les images télévisuelles diffusées par des médias (préprogrammés ou non ?) avancent dans le sens de ces derniers, alors qu’ils s’adonnent, malgré eux, à des rituels mortels (dictés ?) devant les yeux du couple, le tout à mesure qu’il refuse de se plier à faire un choix ; le temps étant compté...

Malgré l’implication des acteurs, et même de flash-back venant jouer dans la balance émotionnelle à l’égard du couple gay, le réalisateur ne réussit pas à nous faire passer la pilule de ce choix inconcevable à réaliser, lequel éprouve tous les maux du monde à nous faire croire à cette histoire, elle qui fonctionnait pourtant à l’écrit (tout en ayant reçu les félicitations de Stephen King lui-même). Dans sa mise en scène, et après une copieuse entame au travers de laquelle il prenait le temps d’y installer ses pions, et nous convaincre ainsi de la chose, Shyamalan passe trop rapidement les vitesses en cours de discours, ce qui tranche formellement avec l’introduction, pourtant dense et mesurée. C’est comme si, au milieu du (dé)compte, son scénario n’avait déjà plus de cartes à jouer pour peser dans la balance et faire ainsi changer d’avis les deux hommes concernés. « Knock at the Cabin » souffre dès lors de son montage, mal pensé, et d’une écriture qui manque de profondeur, de rebondissements. De plus, les effets spéciaux ratés gâchent - pour le spectateur - tout à l’ampleur des propos et des enjeux encourus, sans parler donc du manque de réponses à nos questions. Pourtant, on aurait notamment voulu en savoir plus sur la certaine figure qu’Eric aurait vu dans la « lumière », suite à sa commotion...

L’autre problème du film, c’est finalement qu’il ne s’y passe pas grand-chose, le metteur en scène tardant, dans son quasi huis clos, à nous mettre la pression, ainsi qu’à ses protagonistes (de prime abord) immuables, malgré les horreurs auxquelles ils sont témoins. Quant à nous, nous n’y voyons là que des effets de genre, qui ne suffisent pas à noyer le poisson. Car Shyamalan prend ici de cruelles libertés vis-à-vis du roman duquel il s’inspire, choisissant ainsi d’en abandonner son issue, pour la réécrire. Au contraire de « La Cabane dans les Bois » (2012) de Drew Goddard ou « 10 Cloverfield Lane » (2016) de Dan Trachtenberg, Shyamalan ne va pas jusqu’au bout de ses idées, préférant se dégonfler, pour un final plutôt lâche, sans twist, allant à l’encontre des fondements du film, au moins relationnels ( [1]). Et bien que la question de choix et de la foi fasse partir intégrante de son œuvre, elle est ici sacrifiée sur l’autel de la facilité. Pourtant, les références mystiques à la Bible nous semblaient être importantes à approfondir [2], tandis que l’intégration d’une minorité est ici desservie par des dialogues répétitifs, et qui avancent, en plus, nulle part. L’ensemble aboutit dès lors là où nos propres visions l’avaient malheureusement prévues, loin de toute incongruité préalablement installée. Dommage !

Heureusement, Shyamalan reste un orfèvre de l’image, lequel utilise ici de curieux mouvements de caméra pour filmer ses acteurs. De plus, on reste une fois de plus subjugué par son générique d’ouverture et son choix typographique, aidant à installer rapidement un climax angoissant à souhait, retombant cependant tout aussi vite. L’émotion est également palpable, même si la tournure grotesque des événements la mène en bateau. Dans l’ensemble, « Knock at the Cabin » est donc un thriller décevant, frustrant, qui souffre du syndrome de son auteur, incapable de terminer ses films - plein de promesses - comme il les a commencés.



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