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Just Philippot
Acide
Sortie du film le 20 septembre 2023
Article mis en ligne le 21 septembre 2023

par Julien Brnl

Genre : Drame, fantastique

Durée : 99’

Acteurs : Guillaume Canet, Laetitia Dosch, Patience Munchenbach, Marie Jung, Valentijn Dhaenens...

Synopsis :
Selma, 15 ans, grandit entre ses deux parents séparés, Michal et Elise. Des nuages de pluies acides et dévastatrices s’abattent sur la France. Dans un monde qui va bientôt sombrer, cette famille fracturée va devoir s’unir pour affronter cette catastrophe climatique et tenter d’y échapper.

La critique de Julien

C’est en juin 2021 qu’est sorti sur les écrans français le premier film du cinéaste parisien Just Philippot, intitulé « La Nuée », labélisé Festival de Cannes 2020 pour sa sélection à la Semaine de la Critique. Précédé d’une excellente réputation, nous faisions alors le choix de traverser la frontière pour le découvrir. Et nous avions doublement bien fait, étant donné que son film n’avait pas trouvé de distributeur chez nous (Netflix s’étant chargé de sa distribution mondiale). Et c’est peu dire que nous avions adoré ce film à la croisée des genres, situé entre le thriller agricole aux accents fantastiques et film d’auteur social, lui qui était un formidable cauchemar éveillé, dont on ressortait sous tension et la gorge particulièrement nouée, alors porté par les jeux éprouvants de Suliane Brahim et de la jeune Marie Narbonne. Or, à l’époque, en parallèle de la réalisation de « La Nuée », le cinéaste s’était déjà lancé sur le terrain de l’adaptation de son court-métrage « Acide » (2018), conservant le sujet central de celui-ci, à savoir des pluies acides, mais pas ses personnages principaux. Écrit avec Yacine Badday, qu’il a rencontré lors de leurs études à l’Université Paris VIII, ce second film sur fond de thriller social et sur l’urgence climatique était donc attendu au tournant, après avoir été présenté en « Séances de minuit » lors du dernier Festival de Cannes. Or, malgré les nombreuses qualités de son second essai, Just Philippot ne réitère pas ici l’exploit de son premier film...

On aurait souhaité adorer « Acide », lui qui s’inscrit dans la mouvance du cinéma français du film de genre, tout en conservant un ADN social, et d’urgence (climatique). D’ailleurs, le film s’ouvre sur une action de blocage musclée d’employés d’une usine revendiquant leurs conditions de travail, à la suite d’un accident survenu à une certaine Karin (Suliane Brahim), la compagne de Michal (Guillaume Canet), syndicaliste, et qui y travaille aussi. Filmée à l’aide d’un smartphone, on peut alors y voir ce dernier s’en prendre violemment à ce qui s’apparente être un policier, avant d’être arrêté par les forces de l’ordre, et jugé à la suite d’un procès. Séparé d’Élise (Laetitia Dosch), Michal s’occupe alors partiellement de leur fille Selma (Patience Munchenbach), 15 ans, laquelle est dans un internat pour futurs champions d’équitation, elle qui y est victime de moqueries, étant donné que les images de son père en pleine agression sont devenues virales. Or, ce sont d’autres images qui font également le tour des écrans, soit celles de pluies acides qui tombent sur l’Amérique latine, mille fois plus acide qu’à la normale, cela étant notamment dû à l’hyper-concentration de polluants dans l’atmosphère, alors que la Terre connaît des températures records aux quatre coins du monde. Mais tandis que ces phénomènes météorologiques extrêmes sont voués à devenir de plus en plus fréquents et lourds, ces pluies pourraient bien arriver dans l’hémisphère nord, ce qui va inquiéter ces parents. Très vite, une course contre la montre va commencer pour cette famille explosée, laquelle va tout faire pour tenter de passer entre les gouttes...

Après avoir introduit ses personnages et la crise sociale qu’ils traversent, Just Philippot ne met alors pas très longtemps à faire gronder le ciel, très impressionnant et menaçant, sans pour autant abuser de destructions massives. En effet, son film joue davantage sur l’immersion que sur le spectacle à grande échelle, avec alors à la clef des scènes sous haute tension, où la panique, le danger et la mort - sans pitié - s’immiscent. Outre quelques scènes cruelles, les personnages se retrouvent également impactés ici par les conséquences de ces pluies, comme le manque d’approvisionnement en eau, d’équipement, de communication, et tout simplement de préparation à un tel événement, les poussant dans leurs pires retranchements, sans que la peur triomphe cependant sur l’espoir, et l’amour.

Sombre, nocturne, et même terne, l’action du film - pratiquement tout le temps en mouvement - ne laisse alors aucun répit à ceux qui essaient de survivre à ces pluies acides diluviennes, meurtrières et inéluctables. Haletant, le film se suit comme un survival percutant, et surtout comme une métaphore d’un monde qui s’écroule, sans qu’on ne puisse y changer grand-chose, si ce n’est peut-être via nos enfants, à qui demain appartient. Le spectateur se retrouve alors autant pris d’assaut que le sont les personnages, détruits et impuissants, et parmi lesquels brillent Guillaume Canet, dans le rôle sur-mesure d’un père qui, sans moyens, a préféré fuir et trouver l’amour ailleurs, plutôt qu’agir et réagir avec responsabilité, notamment pour sa fille. Pourtant, son instinct paternel finira (tardivement) par revenir, lequel risquera sa vie pour sauver Selma, elle qu’on a d’ailleurs bien eu du mal à supporter, en pure égoïste...

Malgré la mise en scène de Just Philippot et la catastrophe qu’il filme, le véritable orage qui traverse « Acide », c’est bien son scénario... En effet, ce dernier ne tient pas la route, lui qui souffre de malheureux et prévisibles hasards, en plus de manquer de contextualisation, et d’échelle. Notre patience est dès lors mise à rude épreuve, tandis qu’on ne sait comment évoluent et se déplacent les nuages en question (si ce n’est vers le nord), ni leur étendue géographique au fil de l’intrigue, avançant quant à elle à l’aveugle, et sans véritable fin. Par contre, ce qui est certain, c’est que les personnages, eux, vont toujours dans la mauvaise direction (à défaut - il est vrai - d’obtenir des informations), et cela en passant notamment par le fort d’Émines pour aller à Anvers (pourquoi pas). Au fur et à mesure de cette traversée (isolée) du désert de la campagne belge, « Acide » perd alors, d’une part, en justesse de propos et, d’autre part, en naturel. Que dire également du personnage de Patience Munchenbach, agissant toujours à côté de la plaque, comme si elle le cherchait ? On ne comprend pas non plus comment il se fait que l’herbe soit si verte en arrière-plan, malgré les dégâts - de premier plan - causés par l’acide sulfurique, notamment sur les maisons, les voitures (mais pas les pneus !), les humains, et normalement sur les sols, comme cela sera pourtant bien visible à de nombreuses reprises... Bref, tout cela manque de crédibilité dans la finalité et est aussi fiable qu’un bulletin météorologique...



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