Bandeau
CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Emerald Fennell
Promising Young Woman
Sortie du film le 23 juin 2021
Article mis en ligne le 25 juin 2021

par Julien Brnl

Genre : Thriller, comédie dramatique

Durée : 102’

Acteurs : Carey Mulligan, Clancy Brown, Bo Burnham, Alison Brie, Chris Lowell, Jennifer Coolidge, Laverne Cox, Adam Brody, Christopher Mintz-Plasse...

Synopsis :
Tout le monde s’entendait pour dire que Cassie était une jeune femme pleine d’avenir... jusqu’à ce qu’un évènement inattendu ne vienne tout bouleverser. Mais rien dans la vie de Cassie n’est en fait conforme aux apparences : elle est aussi intelligente que rusée, séduisante que calculatrice et mène une double vie dès la nuit tombée. Au cours de cette aventure passionnante, une rencontre inattendue va donner l’opportunité à Cassie de racheter les erreurs de son passé.

La critique de Julien
Pour une première réalisation, on peut dire que la réalisatrice et scénariste Emerald Fennell n’y va pas de main morte avec cette comédie très noire, s’inscrivant dans le mouvement #MeToo (et pourtant écrite avant), tout en réussissant cependant à rester subtil dans sa manière d’amener les messages qu’elle veut faire passer tout au long de son film, lequel est porté par une photographie léchée, une bande-originale... originalement pop (!), et une Carey Mullingan absolument saisissante.

L’actrice nommée aux Oscar interprète ici Cassie, trente ans, vivant dans l’Ohio avec ses parents, elle qui a quitté la faculté de médecine, des années plus tôt, après qu’un drame l’ait durablement touché, concernant sa meilleure amie, Nina Fisher. Depuis, Cassie travaille dans un café, et sort chaque soir dans un club, excessivement relookée au possible afin d’attirer le regard masculin, elle qui feint alors l’ivresse pour qu’un homme la ramène chez lui, et tente ainsi de profiter d’elle, avant qu’elle ne le confronte en révélant sa sobriété lorsqu’il essaie de la violer. Incapable de tirer un trait sur le passé, et l’injustice autour de cette affaire, la demoiselle tient alors un carnet montrant qu’elle a procédé de la sorte avec beaucoup d’hommes, en y notant une barre verticale par « proie », en en alignant trois parallèlement, avant de les barrer au bout de sa quatrième « victime ». Jusqu’au jour où une rencontre avec une ancienne connaissance va lui ouvrir une double porte de sortie...

Inscrit dans le sous-genre cinématographique « rape and revenge », souvent controversé, car accusé de voyeurisme et de complaisance, « Promising Young Woman » prend le temps d’installer son personnage principal et ses motivations, révélant le pourquoi de son comportement, elle qui vit dans le passé avec une plaie profonde qu’elle n’a jamais su guérir, et qu’elle tente, tant bien que mal, de soigner en agissant de la sorte, avant qu’il ne revienne au triple gallot. Récompensée aux Oscar pour son scénario original, Emerald Fennell dresse ici le portrait implacable d’une féminité mise à mal par sa position dans la société où la parole de l’homme est de mise, où le bénéficie du doute lui est octroyé, où ses comportements sont banalisés. Au travers du juste cheminement de son héroïne, en quête de rédemption, de pardon et de punition, la scénariste représente la gent masculine avec une toxicité à n’en plus finir, alors que, Cassie, elle, n’agit que par bonne conscience, par devoir, presque, sans volonté de détruire la vie d’autrui, mais plutôt de faire comprendre que ce qui se passe n’est pas commode, ni (souvent) justice. Profiter ainsi de la situation de faiblesse d’autrui pour succomber à ses pulsions est quelque chose d’effroyable, ce qu’elle tâche ainsi de rappeler à ses bourreaux sans cervelle. Heureusement, tous les hommes ne sont pas logés ici à la même enseigne, notamment par le biais du rôle de Clancy Brown, en tant que père de Cassie, ou encore par celui de Alfred Molina, dans le rôle d’un avocat remplit de culpabilité pour ses actes passés.

Derrière les airs de bonbon acidulé de « Promising Young Woman » se cache bien une tragédie saupoudrée de surréalisme, mais bien actuelle, laquelle joue sur les apparences, souvent trompeuses. Car on sent bien là quelque chose venir, et cette histoire avancer inexorablement vers une issue qui ne sera pas aussi rose et flashy que les tenues de Cassie. Tout ne peut pas évoluer ainsi favorablement, même si la route de son personnage principal est sinueuse (une scène supprimée en post-production montrait d’ailleurs Cassie avec une ecchymose due à une rencontre avec un violeur potentiel qui l’avait mise en danger). Emerald Fennell emprisonne alors son personnage dans une vengeance toute aussi dangereuse que les hommes qui l’entourent. Et c’est sans doute là que « Promising Young Woman » réussit à marquer durablement le spectateur, c’est-à-dire dans sa capacité à nous montrer combien un drame immonde passé sous silence peut en entraîner d’autres, et ce que l’être humain est aussi capable de faire, par amour.



Espace privé RSS

2014-2024 © CINECURE - Tous droits réservés
Haut de page
Réalisé sous SPIP
Habillage ESCAL 5.0.11