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Todd Haynes
May December
Sortie du film le 24 janvier 2024
Article mis en ligne le 25 février 2024

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 112’

Acteurs : Julianne Moore, Natalie Portman, Charles Melton, Cory Michael Smith...

Synopsis :
Vingt ans après que leur liaison ait fait la une de la presse people, Gracie et son mari Joe se préparent pour les festivités de fin d’étude de leurs jumeaux. Leurs relations familiales sont néanmoins mises à l’épreuve lorsque l’actrice hollywoodienne Elizabeth Berry débarque pour observer le couple et se préparer à son nouveau rôle. Elle doit en effet incarner Gracie. Alors que les deux femmes apprennent à se connaître, leurs ressemblances et leurs différences commencent lentement à s’entremêler.

La critique de Julien

C’est Natalie Portman elle-même qui a envoyé au réalisateur Todd Haynes en 2020 le scénario de « May December », librement inspiré par Samy Burch et Alex Mechanik de l’histoire vraie de Mary Kay Letourneau, laquelle était une professeur de mathématiques américaine ayant fait scandale aux Etats-Unis et de la prison pour avoir eu des relations sexuelles avec l’un de ses élèves, alors âgé de 12 ans...

Présenté en Sélection officielle en compétition à Cannes en mai dernier, « May December est un film envoûtant dans lequel le cinéaste interroge notamment les frontières sensibles et répercussions des relations amoureuses illicites, et le regard que l’on porte sur celles-ci, à postériori, entre fascination, remise en question, raison et culpabilité. En effet, vingt ans après que leur célèbre histoire d’amour ait fait les choux gras des tabloïds pour leur relation »may december" (étant donné leur grande différence d’âge), Gracie (Julianne Moore) et son mari Joe (Charles Melton) vont céder à la pression alors qu’une actrice, Elizabeth Berry (Natalie Portman), s’apprête à incarner au cinéma la matriarche, tout en faisant pour cela des recherches sur elle, et en s’immisçant dans son quotidien afin d’étudier la femme qu’elle incarnera, et les vies qu’elles a menées depuis avec sa famille, née d’un scandale...

Porté par ses deux actrices troublantes et jumelées, offrant une interprétation mutuelle et en miroir, « May December » est un thriller psychologique qui explore le caractère volatil de l’amour, face au mépris de la société. Pourtant, ledit couple a résisté contre vents et marées, et a depuis construit une famille, malgré donc le caractère immoral et interdit de leur relation initiale, quitte à se voiler aujourd’hui encore la face, elle qui avait 36 ans à l’époque, et lui 13. Car Joe, dont le seul passe-temps est d’élever des papillons monarques, n’a, semble-t-il, pas encore trouvé sa raison de vivre, lequel n’a ainsi connu que Gracie dans sa vie, se formatant, sans doute trop jeune, à l’idée de l’aimer, et de ne jamais la blesser, elle qui est instable, voire manipulatrice...

Par l’observation qu’en fera l’actrice en question, le film permet dès lors à ses personnages de se regarder pour la première fois dans le miroir, en face-à-face, et d’ouvrir les yeux. Des vérités perfides et des sentiments enfouis éclatent alors au travers de ce délicat et ambigu processus d’identification d’une actrice jouant une actrice, et au travers duquel ce qui ne devait être au départ qu’une simple immersion va se transformer peu à peu en une interrogation, en un étonnant et multiple tourbillon réflexif. Les deux femmes, capables de se voir en elles-mêmes, et le mari vont alors silencieusement se confronter à leurs choix, sans finalement qu’aucun d’entre eux n’ait (eu) tort ou raison dans toute cette histoire...

D’après un scénario écrit à deux mains, Todd Haynes intrigue et nous immerge alors dans un hypnotisant, curieux et triple portrait inconfortable. Mais le cinéaste peine cependant à l’assumer pleinement, lequel reste, en effet, aussi impénétrable et évasif face à cette histoire que le sont ses personnages naïfs. On aurait donc aimé plus de subversion, si pas de tension, notamment pour rythmer « May December », lequel baigne dans une mise en scène langoureuse et aussi silencieuse que bavarde, alors portée par la sublime photographie granuleuse et à l’ancienne de Christopher Blauvelt, et l’envahissante musique de Marcelo Zarvos, laquelle est d’ailleurs une réorchestration de la musique de Michel Legrand pour le film « Le Messager » (1971) de Joseph Losey...



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