Bandeau
CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Jean-Jacques Annaud (2015)
Le dernier loup (Wolf Totem)
Sortie le 25 février 2015
Article mis en ligne le 7 février 2015

par Charles De Clercq

 Ils sont livrés entre nos mains !

Le film d’Annaud nous fait donc découvrir la violence de ces éleveurs pour protéger leurs moutons et chevaux. Elle pourra horrifier certains alors même que le « divin » vient la pondérer. Il ne s’agit pas ici d’opposer des « sauvages » à des « civilisés ». Je me souviens d’un reportage en juin 2004, sur les conditions de transport des animaux. On les poussait avec des pistolets électriques à sauter de plusieurs mètres dans des wagons, on les levait à l’aide de treuils, par les pattes, ceux dont celles-ci étaient cassées, les laissant tomber-là et agoniser huit ou dix heures durant ! jusqu’à ce que la mort survienne.Quelques mois plus tard, la télévision montrait l’image de transport d’animaux en Europe, pour notre nourriture : quarante heures sans boire, sans manger... No comment : ils sont livrés entre nos mains !
Dix ans plus tôt, en 1994, un théologien écrivait une parabole dans “Quand le ciel touche la terre” : “Quelqu’un a aperçu un ver de terre sur la route. Le soleil rendait l’asphalte brûlant. Si les biologistes ne savent pas mesurer l’intensité de la douleur produite par le système nerveux primitif d’un ver de terre, en tout cas, sur cet asphalte, un ver de terre de cinq centimètres de long représente cinq centimètres de souffrance. Et donc, l’homme transporta le ver de terre hors de la voie routière.”(p. 80).
Et encore, un peu plus loin : “Il y a quinze ans, on était un songe-creux quand on disait : “Il faut donner à une salamandre ou un triton presque autant d’importance qu’à un petit d’homme”. Aujourd’hui, on sait que c’est vraiment ainsi que cela se pose. Il y a trente ans, on était un rêveur quand on disait qu’on devait, à Pâques, faire une marche non seulement pour la résurrection, mais au moins autant pour le désarmement et les objecteurs de conscience. Entre-temps, on sait que nous n’avons plus d’autre solution si nous voulons continuer demain à habiter notre planète. Et sur tous ces chapitres, la compassion serait loin d’être gratuite. Si nous voyons le monde avec les yeux de ceux qui souffrent, il n’est pas impossible que cette vision devienne quasiment insoutenable. (...) La possibilité existe, il suffirait peut-être de commencer, et de tenir bon”. (p. 81).

L’homme dans la Nature
Il ne s’agit donc pas uniquement de la question des abattoirs, des animaux, de salamandres ou de vers de terre mais de notre place au sein de la « nature ». On pouvait croire jusqu’ici que nous payons la monnaie de la pièce de l’instruction biblique de croître, multiplier et dominer (qui inspire encore l’éthique chrétienne, notamment en matière de régulation des naissances). Le film de Jean-Jacques Annaud nous plonge dans une culture où cet impératif biblique n’est pas de mise. Les Chinois cultivés de la révolution culturelle sont eux-mêmes en quête d’expansion de leur peuple et pour cela il faut subordonner la nature. On peut supposer que le fait que les Chinois d’aujourd’hui ont accepté ce film sans finalement le censurer témoigne d’une prise de conscience que cette subordination n’est pas sans conséquence. Il nous faut peut-être nous regarder, nous humains, comme faisant partie du règne animal et de la nature sans prétendre à une extériorité qui nous dispenserait d’en respecter les règles. Car, nous qui cataloguons si facilement les espèces envahissantes sommes peut-être la plus envahissante de toutes, ce qui pourrait donner raison à des pamphlétaires comme Yves Paccalet dans L’humanité disparaitra, bon débarras  !

 Mondialisation

Avant de conclure, je souhaite aborder le point de la mondialisation. Nous vivons dans un monde global. Il ne nous appartient pas. Et pourtant tous voient aujourd’hui la richesse et la pauvreté des uns et des autres. Est-ce que nos modes de vie ne sont pas en cause ? Ne sont-ce pas ceux-ci et les frontières que nous mettons à nos pays, nos villes, nos pays, nos modes de penser et de vivre qui entrainent ces déferlantes de violence religieuse particulièrement depuis le début de cette année mais qui en fait ont toujours existé ?

Nous sommes les gérants d’un monde pour les générations futures… pourtant si peu sûres d’exister encore devant l’impératif de croître et de multiplier ! Et même si quelqu’un nous a dit récemment de ne pas le faire « comme des lapins », il n’empêche que nous ne pouvons continuer à croître de cette façon… si du moins nous voulons vivre à l’occidentale.
Eugen Drewermann déjà cité - écrivait que si nous voulions vivre dans le monde entier selon l’idéal de la technologie occidentale de la fin du XXe siècle nous ne pouvions le faire que si nous n’étions pas plus de trois cents millions d’humains sur la terre !

La seule alternative si nous voulons être aussi nombreux est de partager équitablement le monde pour tous. Cela imposerait alors de tels changements de vie et d’existence au monde, un abandon de nos technologies, de nos modes de transport, d’acquisition de notre nourriture, l’abandon de l’exploitation outrancière de la nature et des animaux…

 Du particulier à l’universel

Voilà donc un film que je recommande chaleureusement. Le ciel y tutoie les horizons de ces montagnes et plaines mongoles. Le réalisateur, partant de cette histoire singulière d’un jeune étudiant venu apprendre la culture à des incultes, en arrive à faire passer un message universel. Car si le jeune étudiant est finalement celui qui a été éduqué à un autre rapport au monde (avec un tribut très lourd à payer, la mise à mort des loups parce qu’ils occupent les territoires que les humains s’arrogent) c’est nous qui cinquante ans plus tard devons apprendre et tirer des leçons.

Pourrons-nous le faire ? Certes, les émotions pourront nous submerger devant les images grandioses, les loups si fascinants et leur mise à mort, devant la cruauté des humains (notre cruauté !), notre rapport obvie au monde dont nous ne sommes pas propriétaires mais usufruitaires au bénéfice de la « nature » (et donc aussi de nos enfants) qu’il n’y a cependant pas lieu de déifier. Et après ? Peut-être un film à réaliser - par qui - dans quelques centaines d’années : Le dernier homme ?

Le dernier loup - bande-annonce VOST
Bande-annonce VOST- Le dernier loup, un film de Jean-Jacques Annaud avec Feng Shaofeng, Shawn Dou, Ankhnyam Ragchaa, Yin Zhusheng, Basen Zhabu.
Le 25 février au cinéma
http://www.facebook.com/Ledernierloup
Synopsis : 1969. Chen Zhen, un jeune étudiant originaire de Pékin, est envoyé en Mongolie-Intérieure afin d’éduquer une tribu de bergers nomades. Mais c’est véritablement Chen qui a beaucoup à apprendre – sur la vie dans cette contrée infinie, hostile et vertigineuse, sur la notion de communauté, de liberté et de responsabilité, et sur la créature la plus crainte et vénérée des steppes – le loup. Séduit par le lien complexe et quasi mystique entre ces créatures sacrées et les bergers, il capture un louveteau afin de l’apprivoiser. Mais la relation naissante entre l’homme et l’animal – ainsi que le mode de vie traditionnel de la tribu, et l’avenir de la terre elle-même – est menacée lorsqu’un représentant régional de l’autorité centrale décide par tous les moyens d’éliminer les loups de cette région.
Mars Distribution


Espace privé RSS

2014-2024 © CINECURE - Tous droits réservés
Haut de page
Réalisé sous SPIP
Habillage ESCAL 5.0.11