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CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Jean-Jacques Annaud (2015)
Le dernier loup (Wolf Totem)
Sortie le 25 février 2015
Article mis en ligne le 7 février 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : 1969. Chen Zhen, un jeune étudiant originaire de Pékin, est envoyé en Mongolie-Intérieure afin d’éduquer une tribu de bergers nomades. Mais c’est véritablement Chen qui a beaucoup à apprendre – sur la vie dans cette contrée infinie, hostile et vertigineuse, sur la notion de communauté, de liberté et de responsabilité, et sur la créature la plus crainte et vénérée des steppes – le loup. Séduit par le lien complexe et quasi mystique entre ces créatures sacrées et les bergers, il capture un louveteau afin de l’apprivoiser. Mais la relation naissante entre l’homme et l’animal – ainsi que le mode de vie traditionnel de la tribu, et l’avenir de la terre elle-même – est menacée lorsqu’un officier du gouvernement central décide par tous les moyens d’éliminer les loups de cette région.

Acteurs : Dou Shawn, Feng Shaofeng.

Avertissement : Voici ce que j’ai publié à chaud sur le forum dvdclasssik après la vision presse :
"Le dernier loup (Jean-Jacques Annaud) : 10/10
Une note partiale, philosophique, humaniste, « animale »... que j’assume totalement malgré des imperfections.
Un coup de cœur, une interpellation qui me laisse KO !
"
S’il s’était agit d’un autre film, j’aurais probablement coté à 8,5/10... mais ici, j’ai été à un tel point interpellé que je souhaite défendre le film au nom de mon (in)humanité en assumant totalement ma partialité !

 Du roman au film

À la base du film, un roman chinois, publié sous un pseudonyme, qui a traversé la censure : Le totem du loup (Láng Túténg). L’œuvre est autobiographique (du moins en partie) et a eu un succès complètement inattendu en Chine, passant les fourches caudines de la censure pour être publiée à plus de vingt millions d’exemplaires (y compris « piratés » et sans compter que plus de vingt pays ont acquis les droits !). Le roman se passe en 1967 et nous montre la rencontre, voire la confrontation entre un jeune étudiant et le peuple mongol qu’il vient pour « instruire » - à la demande des autorités - fort de son instruction en ville. L’auteur invite à être des « loups » et non pas des « moutons », face au dragon (symbole du pouvoir). On lira avec profit cet article de L’Express dont voici une version en PDF.

 Des hommes et des bêtes !

Il a fallu de nombreuses années de préparation pour ce film, en particulier l’élevage des loups et toute la gestion des animaux, dont les loups sauvages et donc difficiles à dresser. le tournage a nécessité « 480 techniciens, 200 chevaux, près d’un millier de moutons, 25 loups, et la cinquantaine de dresseurs et soigneurs qui s’en occupaient… dont des gardes armés, certains fermiers du coin ambitionnant de nous « emprunter » quelques-uns des loups pour les accoupler avec leurs chiennes… ».

Les rôles principaux nécessitant des dialogues ont été joués par des acteurs professionnels, en particulier les rôles principaux (ceux des deux étudiants). Les autres ont été interprétés par des habitants de Mongolie. Le contrôle de la justesse des langues (mandarin et mongol) a été nécessaire. Le tournage de certaines scènes a nécessité l’utilisation de drones (silencieux, contrairement aux hélicoptères). Il s’agissait en particulier de celles de l’attaque des chevaux par les loups qui a dû demander beaucoup de précautions. Impossible de faire « jouer » ensemble chevaux et loups (on comprend pourquoi) sans un maximum de précautions. Si des « couloirs » étaient réservés à chacun, il a fallu la présence des dresseurs habillés totalement en bleu pour les faire disparaître en postproduction. Le réalisateur a recouru le plus possible à l’utilisation de véritables animaux (en fait dans 99% des cas ; 1% étant le fait de CGI ou d’effets spéciaux). Aucun animal n’a été maltraité ou blessé durant le tournage (ce qui n’empêche - notamment pour le réalisateur - des coups de griffes ou autres de la part de loups !). Pour clore ce point sur les questions relatives à la réalisation du film - on pourrait écrire des dizaines de pages, mais ce n’est pas l’objet de cette critique - il a fallu deux louveteaux (dont l’un sera « dressé » et l’autre pas) pour jouer avec Shaofeng Feng (qui interprète Chen Zhen).

 Tel est pris qui croyait apprendre !

Il y a cinquante ans, ces jeunes étudiants sûrs de leur mandarin face à des Mongols qu’il faudra éduquer à la culture citadine sous l’impulsion des autorités ont dû être surpris de la confrontation entre tradition et « modernité ». Eux qui doivent apprendre aux paysans une culture qu’ils n’ont pas découvriront une autre culture et une sagesse qu’ils n’appréhendaient pas. C’est que ces Mongols vivent en communion ou plutôt en interaction contrôlée avec le monde qui les entoure, ou plutôt la nature. Face aux loups (splendides au demeurant) de Mongolie, et confrontés à la nécessité de garder leurs troupeaux (de moutons, notamment) en vie - car il y a va de leur survie - ils devront intervenir dans les processus « naturels » afin de contrôler les naissances. Mais il ne s’agit pas de faire n’importe quoi. En effet, les loups sont nécessaires dans la chaîne vitale et toute modification a des interactions en aval. C’est donc avec beaucoup de prudence et de discernement qu’ils agissent pour une régulation des naissances animales alors même que l’explosion de celles chez les humains impose de conquérir de nouveaux territoires et de les soustraire aux hommes et aux animaux qui les habitent. Le film nous invite donc à voir ces processus naissants il y a cinquante ans et qui se sont amplifiés depuis (en Chine ou ailleurs).

 La violence et le sacré

Il ne s’agira pas non plus d’idéaliser une communion avec la « nature ». De penser l’homme mauvais face à une « Nature » bonne et pacifique. C’est que sans l’homme, il y a une violence présente, intrinsèque à la chaîne alimentaire dont tous les maillons sont intimement liés. Mais confrontés à cette violence, les humains du terroir vont le vivre sous le mode du sacré. C’est à un divin qu’il faut rendre compte de la violence, qu’il faut offrir ces louveteaux que l’on envoie vers le ciel avant qu’ils ne retombent sur le sol pour s’y fracasser et mourir. Et au terme de la vie du mongol, citoyen de la Terre, on ne va pas enterrer son corps mais le laisser disponible, en offrande et compensation pour les vies ôtées avec violence. Et toute action violente aura d’ailleurs été précédée d’une adresse au « divin », aux dieux pour y être autorisée en quelque sorte et pour reconnaître d’une certaine manière que cette action vient inférer dans le cours naturel des événements.



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