Bandeau
CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Tràn Anh Hung
La Passion de Dodin Bouffant
Sortie du film le 08 novembre 2023
Article mis en ligne le 12 novembre 2023

par Julien Brnl

Genre : Drame, romance

Durée : 134’

Acteurs : Juliette Binoche, Benoît Magimel, Emmanuel Salinger, Patrick d’Assumçao, Galatea Bellugi, Jan Hammenecker...

Synopsis :
Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. Au fil du temps, de la pratique de la gastronomie et de l’admiration réciproque est née une relation amoureuse. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle.

La critique de Julien

Récompensé à juste titre du Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2023, et sélectionné pour représenter la France pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2024, coiffant au pot-au(-feu) « Anatomie d’une Chute » de Justin Triet, « La Passion de Dodin Bouffaut » est le septième métrage du cinéaste franco-vietnamien Tràn Anh Hung, lequel s’inspire librement ici du roman « La vie et la passion de Dodin-Bouffant, gourmet » de l’auteur suisse Marcel Rouff (1877-1936), paru en 1924, ainsi que de celui de Brillat-Savarin, « Physiologie du goût », paru quant à lui en 1925. Ouvrant l’appétit, le réalisateur et scénariste met les petits plats dans les grands pour nous raconter une double histoire de passion d’un maître (Benoît Magimel), soit tout d’abord pour la gastronomie, et l’autre, dévorante, pour Eugénie (Juliette Binoche), sa cuisinière...

Contrairement à l’œuvre de Rouff, Tràn Anh Hung a décidé ici de raconter l’histoire qui la précède, imaginant la relation conjugale, complice, et très à la française que cet ancien juriste raffiné, délicat et érudit entretien avec sa cuisinière bien-aimée, mais qui lui résiste encore, Eugénie, éprise de liberté, laquelle est capable de le comprendre, et surtout de suivre et prévenir ses moindres désirs gustatifs les plus subtils. Situé à « l’automne de leur vie », ces êtres qui suggèrent plus leurs sentiments amoureux que ceux qu’ils éprouvent mutuellement pour le goût, ont alors passé ces vingt dernières années à cuisiner ensemble. Jusqu’au jour où Dodin lui cuisinera un plat...

Déconnecté de la réalité, car d’un autre temps, « La Passion de Dodin Bouffant » est rythmé par le cycle des saisons, qui se ressent depuis l’intérieur de la cuisine, notamment par le biais de la subtile photographie de Jonathan Ricquebourg, mais également par le travail pointilleux du son de François Waledisch, où les seuls bruits qu’on entend ici sont ceux, d’une part, des préparations des plats, et donc des aliments qui mijotent, ou de la nature environnant les lieux, par une vitre ou une porte restées ouvertes, et donnant d’ailleurs sur le potager. Les longues séquences filmées en cuisine et les mouvements de caméra traduisent également l’amour de ces cuisiniers pour la bonne nourriture et les plats d’antan, lesquels ont permis à la France d’être la référence en matière de gastronomie au monde. D’ailleurs, le chef triplement étoilé Pierre Gagnaire a servi de consultant sur le film (il y tient également un petit rôle), ainsi que son fidèle collaborateur Michel Nave. Tràn Anh Hung réussit alors à filmer un véritable ballet, et parvient ainsi à nous faire sentir toutes les odeurs des plats préparés par ces personnages, pour leurs convives, de manière passionnée, habitée, eux qui, même sans forcément les goûter, en connaissent les moindres saveurs.

Déroulant son tablier dans la France du milieu des années 1880, « La Passion de Dodin Bouffant » est donc un film aussi raffiné que les plats qui y sont préparés, lequel, s’il manie aussi bien l’art de la gastronomie, épouse également celui de la conversation. Car il s’agit là aussi d’une tragédie amoureuse mesurée, subtile et délicate, il est surtout question ici d’échange et de transmission, d’apprentissage, en la personne de la petite Pauline (Bonnie Chagneau-Ravoire), apprentie d’Eugénie, puis de Dodin. Quant au duo formé par Juliette Binoche et Benoît Magimel, il est d’une justesse folle, d’une complicité parfaitement assaisonnée, lesquels se retrouvent d’ailleurs en costumes, après le film « Les Enfants du siècle » (1999) de Diane Kurys.

Or, malgré tous ses bons ingrédients, le film de Tràn Anh Hung, trop propre et en retenue, manque de consistance en termes d’enjeux narratifs, de dramaturgie, et sans doute de contextualisation. Long de plus de deux heures, c’est également toujours sur un même ton qu’est racontée cette histoire de passion, d’immersion, certes communicative, mais qui peine pourtant à nous rassasier, en plus donc de creuser notre estomac. Mais il en demeure un très beau film, et une véritable déclaration d’amour à la gastronomie française, et à celles et ceux qui la font perdurer depuis des années...



Espace privé RSS

2014-2024 © CINECURE - Tous droits réservés
Haut de page
Réalisé sous SPIP
Habillage ESCAL 5.0.11