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CINECURE
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Philippe Le Guay
L’homme de la cave
Date de sortie : 13/10/2021
Article mis en ligne le 10 septembre 2021

par Charles De Clercq

Synopsis : A Paris, Simon et Hélène décident de vendre une cave dans l’immeuble où ils habitent. Un homme au passé trouble l’achète et s’y installe, sans prévenir. Peu à peu, sa présence va bouleverser la vie du couple.

Acteurs : François Cluzet, Bérénice Bejo, Jérémie Renier, Jonathan Zaccaï

Si L’Homme de la cave n’est pas ce que l’on a coutume d’appeler « une histoire vraie » et que le film ne se présente pas comme tel, Philippe Le Guay qui propose un film différent de ceux auxquels il nous avait habitué dit s’être inspiré d’un fait divers : "Il se trouve qu’il y a une quinzaine d’années, un couple d’amis proches a décidé de vendre leur cave à un homme qui souhaitait entreposer des archives. Ils ne se sont méfiés de rien et ont donné la clé de la cave en même temps qu’ils ont encaissé le chèque. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est que l’homme s’installerait physiquement dans la cave…
Cette vente banale s’est transformée en un véritable cauchemar. L’acquéreur s’est révélé être un néo-nazi pur et dur, un des piliers du négationnisme en France. Quand le couple a voulu annuler la vente, c’était trop tard. Sans le savoir, ils avaient scellé la vente puisque dans le droit français ’tant qu’il y a accord sur la chose et sur le prix, la vente est conclue’. Même si l’acte notarié n’a jamais été signé. Mes amis ont entrepris de casser la vente, ils ont eu recours à une première procédure, il y a eu un procès… et ils ont perdu. Il a fallu réengager un autre avocat et reprendre tout à zéro. Ça a duré plus de deux ans…
« C’est donc plus de dix ans plus tard que Philippe Le Guay va s’en inspirer en transformant le néonazi en »simple« négationniste et, surtout en confiant son rôle à un acteur qui sera à contre emploi, François Cluzet, qui sort ainsi de sa zone de confort. Face à lui, les propriétaires de la cave, Simon et Hélène (Jérémie Renier et Bérénice Bejo), et David (Jonathan Zaccaï), le frère de Simon. Une famille »mixte", lui juif, elle qui ne l’est pas.

Le film résonne étrangement avec l’époque actuelle car, il consonne avec les nombreuses théories du complot qui fleurissent actuellement dans le cadre de la crise sanitaire. Elles ne sont pas neuves : elles ont fleuri lors des attentats dits du 11 septembre, ou sont mises en scène dans le film Contagion de Soderbergh qui, en 2011, proposait un film quasiment visionnaire par rapport à la pandémie de SARS-Cov2. Nous sommes dans un cas de négationisme différent de celui abordé frontalement dans le film Denial où il s’agissait de prises de positions d’une historienne de la Shoah mise en cause par David Irving qui niait l’existence de celle-ci. Ici, avec Jacques Fonzic, l’on a affaire à une remise en question insidieuse, justement en (s’)autorisant à poser des questions. Simplement ! « Je ne fais que poser des questions ! » « Les témoignages sont contradictoires ». Il sème et génère ainsi le doute chez ses interlocuteurs. Cela est d’autant plus pernicieux qu’il fait un travail de sape, l’air de rien, sous des airs de gentillesse, bien plus d’une « victime » gentille.

C’est tout à l’honneur de François Cluzet d’avoir donné corps à un personnage, certes exécrable, mais qui arrive à faire douter de tout. Il rejoint et rallie ainsi ceux et celles qui, faute d’informations, faute de moyens suffisants pour chercher, comprendre et analyser vont se retrouver dans l’argumentaire utilisé.

Fonznic va ainsi révéler les failles des uns et des autres, celles d’un couple, celles d’une fratrie, avec une dégradation des relations humaines, à l’image d’une tâche d’humidité au plafond ou d’une blessure à la main qui s’infecte. Il plongera dans les zones sombres des uns et des autres, révélant, non seulement l’antisémitisme (larvé ou avoué) de certains, mais aussi les profondeurs sombres de l’âme et des impensés ; en somme comme cette descente dans les profondeurs sombres et angoissantes des couloirs qui mènent à une cave au fin fond d’un immeuble en co-propriété.

Ce « monsieur si gentil », si serviable pour certains va conduire à des comportements violents, illégaux parfois et souvent contre-productifs ! Il fait penser au récit mythique de la Genèse, avec la figure du serpent qui gauchit la parole de Yahvé ! Dieu vous a dit... mais ce n’est pas exactement ce qu’il a dit mais, finalement, ce que l’on aime et souhaite entendre. Et il est peut-être bon de prendre conscience de cela alors même que nos sociétés se divisent en se fondant malheureusement sur des fakes news qui prennent bien plus de temps à être démontées que le temps qu’il a fallu pour les diffuser.



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