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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Nathan Ambrosioni
Toni en Famille
Sortie du film le 11 octobre 2023
Article mis en ligne le 17 octobre 2023

par Julien Brnl

Genre : Comédie dramatique

Durée : 96’

Acteurs : Camille Cottin, Léa Lopez, Thomas Gioria, Louise Labeque, Oscar Pauleau, Juliane Lepoureau, Catherine Mouchet, Guillaume Gouix, Saadia Bentaïeb

Synopsis :
Antonia, dite Toni, élève seule ses cinq enfants. Un job à plein temps. Elle chante aussi le soir, dans des bars, car il faut bien nourrir sa famille. Toni a du talent. Elle a enregistré un single qui a cartonné. Mais ça, c’était il y a 20 ans. Aujourd’hui ses deux aînés s’apprêtent à rejoindre l’université. Alors Toni s’interroge : que fera-t-elle quand toute sa progéniture aura quitté le foyer ? A 43 ans, est-il encore temps de reprendre sa vie en main ?

La critique de Julien

On l’a connue au cinéma comme « Connasse, Princesse des Cœurs » (2015), adapté de la mini-série de sketchs « Connasse » créée par Éloïse Lang et Noémie Saglio, et diffusée au sein du Grand Journal de Canal+ de 2013 jusqu’en 2015. Depuis, Camille Cottin a réussi à sortir de son rôle archétype de parisienne snob, arrogante, incongrue et insupportable, et a fait du chemin, elle qui a aussi traversé l’océan Atlantique (pour « House of Gucci » ou encore « Stillwater »). Alors qu’elle est d’ailleurs toujours à l’affiche du « Mystère à Venise » de Kenneth Branagh, c’est devant la caméra du (très) jeune réalisateur Nathan Ambrosioni qu’elle se révèle d’autant plus, dans la peau d’Antonia, dite Toni. Mère célibataire de 43 ans, Toni s’occupe pratiquement à temps plein de ses cinq adolescents, bien qu’elle chante le soir dans des bars, elle qui fut, il y a vingt ans, la starlette du tube « Pas qu’un Peu », après avoir participé à un télé-crochet, poussée par sa mère, ayant rêvé pour elle une carrière de chanteuse. Mais alors que deux de ses enfants s’apprêtent à quitter le lycée, et qu’elle a toujours vécu pour les autres, dont au travers du désir de sa mère, et surtout pour ses enfants, Toni peut-elle enfin espérer rêver pour elle, et reprendre des études, et cela manifestement contre l’avis de ses enfants (« Qui s’occupera de nous, maman ? ») et, plus globalement, d’une société qui, en raison de son âge, ne l’encouragera pas dans cette voie ?

Amoureux de cinéma portraitiste, Nathan Ambrosioni interroge ici le mitan d’une vie, en l’occurrence celui d’une mère ayant dévoué sa vie à sa progéniture, mais qui, dans l’urgence de sa situation sociale et personnelle, va, tels ses deux aînés (à leur niveau), se remettre en question, et opérer un délicat choix de vie, pour se réaliser. Tandis qu’il doit son surnom pour son ambivalence, mais également à l’actrice Toni Collette que le réalisateur et scénaristique affectionne tout particulièrement pour l’ambiguïté qu’elle insuffle à ses rôles, le personnage de Camille Cottin est ici un véritable héros de quotidien, soit une maman, mais à laquelle la vie ne lui a pas (encore) permis d’accéder au savoir. En témoigne ici de nombreuses répliques, notamment celle où l’une de ses filles lui demande si elle sait faire autre chose que de s’occuper d’eux et de chanter, alors que Toni lui fera comprendre qu’elle n’a plus envie de pousser la chansonnette pour ramener des sous (bien qu’aidée par le RSA et les recettes qu’elle touche encore sur son titre), mais bien d’autres choses...

« Toni en Famille », c’est une comédie dramatique optimiste et terriblement attachante, parsemée de magnifiques moments en famille (la scène de la voiture où la tribu chante en chœur le titre de leur maman, celle de la soirée pizza-télévision, etc.), de sourires, de partages, mais aussi de crises, de doutes, de larmes. Les jeunes acteurs qui entourent, tout d’abord, Camille Cottin méritent tous d’être cités : Léa Lopez, Thomas Gioria (vu à 14 ans dans l’exceptionnel « Jusqu’à la Garde » de Xavier Legrand et récemment dans « Adoration » de Fabrice du Welz), Louise Labèque (vue dans « Annie Colère » de Blandine Lenoir), Oscar Pauleau et joli petit minois de Juliane Lepoureau sont d’un naturel assez désarmant, lesquels voient leurs personnages adolescents traités avec autant d’équité que d’humanité, laquelle est aussi bien généreuse qu’égoïste. Si Camille Cottin occupe ici la place, Nathan Ambrosioni n’en oublie donc pas pour autant tous les membres de cette famille nombreuse, et la transmission qu’ils reçoivent de leur maman, lesquels ont chacun une histoire ; leur histoire, leur individualité, mais toujours inscrite auprès des leurs et de l’amour qu’ils se portent. Mais c’est surtout ici la trajectoire de Toni qui nous touche, avec une Camille Cottin sans filtre, mais cependant à des années-lumière de « Connasse ». De tous les plans, l’actrice brille devant la caméra de Nathan Ambrosioni, qui réussit à cristalliser son jeu dans toutes ses nuances, plein d’émotion, laquelle se met donc à nu, avec fragilités et forces. Mais c’est aussi la proximité, et même l’étroitesse avec laquelle il filme ses personnages que le cinéaste parvient aussi à capter toute l’intimité de vie de cette famille, pas tout à fait comme les autres, où la figure patriarcale et amoureuse est - volontairement - absente. C’est aussi écrit avec beaucoup de bienveillance, d’écoute, et de justesse, ce qui rend d’autant plus ce cocon familial des plus réconfortants.

Bien qu’il use de fondus noirs dans son montage et qu’il aurait parfois mérité de plus de rythme, « Toni en Famille » est une douce chronique familiale qui se regarde avec beaucoup d’empathie, laquelle vise l’émancipation à n’importe quel âge, à un moment tournant de l’existence, et dans le respect et l’attention de chacun. On ressort ainsi ressourcés et quelque peu rassurés par ce petit film qui fait du bien, évitant les clichés par la profondeur de son écriture, qui rapproche, malgré des parcours de vie différents entrepris...



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