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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Tom McCarthy
Stillwater
Sortie du film le 22 septembre 2021
Article mis en ligne le 23 septembre 2021

par Julien Brnl

Genre : Drame, thriller

Durée : 139’

Acteurs : Matt Damon, Camille Cottin, Abigail Breslin, Deanna Dunagan, Anne Le Ny...

Synopsis :
Un foreur de pétrole débarque à Marseille du fin fond de l’Oklahoma, pour soutenir sa fille qu’il connait à peine mais qui purge une peine de prison, accusée d’un crime qu’elle nie avoir commis. Confronté au barrage de la langue, aux différences culturelles et à un système juridique complexe, Bill met un point d’honneur à innocenter sa fille. Au cours de ce cheminement intime, il va se lier d’amitié avec une jeune femme du coin et sa petite fille tout en développant une conscience élargie de son appartenance au monde.

La critique de Julien

Disons-le d’emblée : « Stillwater » n’est pas le thriller sous tension que vendent les différents lancements qu’on en voit. Il est bien mieux que cela, mais dans un autre registre. Réalisé et coécrit par Tom McCarthy, lequel avait reçu l’Oscar du meilleur scénario et du meilleur réalisateur pour son précédent film « Spotlight » (2015), ce drame social, carcéral et culturel emmène Matt Damon à Marseille. Il y incarne Bill Baker, un foreur de pétrole originaire de la ville américaine de Stillwater, en Oklahoma, lequel se rend sur la Côte d’Azur afin de soutenir sa fille Allison (Abigail Breslin), dont il ne s’est jamais vraiment occupé dans son enfance, elle qui purge actuellement depuis cinq ans une peine de neuf ans de prison, après avoir été reconnue coupable, à tort, d’après elle, du meurtre de sa colocataire et amante infidèle, Lina. Alors que le dossier est clôt, et qu’il croit en sa fille, Bill décidera de rester à Marseille et d’enquêter lui-même sur l’affaire afin de trouver de nouveaux éléments qui permettront une révision du procès de sa fille, afin de l’innocenter. Dans sa quête de rédemption et de vérité, Bill, qui ne parle pas un mot de français, aura fort à faire pour se faire comprendre, et comprendre. Il rencontrera alors Virginie (Camille Cottin), mère célibataire de Maya (Lilou Siauvaud), et comédienne de théâtre, qui l’aidera dans sa tâche...

Tourné fin de l’été 2019 à Marseille, et notamment dans les quartiers de l’Estaque et à Bonneveine, « Stillwater » a été présenté hors compétition au Festival de Cannes 2021, ainsi qu’en ouverture du dernier Festival du cinéma américain de Deauville. Vaguement basé sur l’histoire d’Amanda Knox, cette dernière a condamné sur Twitter les auteurs du film, étant donné la déformation de la réalité, renforçant soit disant ici une image d’elle en tant que personne « coupable, et indigne de confiance ». Pourtant, il s’agit bien là d’une fiction, qui ne remet nullement ici en cause son innocence. « Stillwater » ne cherche en effet pas à créer la polémique, mais bien à susciter de l’empathie.

Malgré une image étonnement nette et stable, le film débute de manière assez lourde, avec l’arrivée en France d’un Américain qui va devoir passer au-dessus de la barrière linguistique afin de trouver des réponses à ses questions, telle une aiguille dans une botte de foin. Mais c’est seulement après avoir installé ses enjeux et essayé d’avancer dans son enquête que « Stillwater » devient intéressant, soit quand il commence à poser ses valises. En effet, nous n’avons pas vu là un thriller à la « Taken », mais une histoire bien plus profonde, et humaine. Au travers du parcours de cet homme droit, réservé, n’ayant connu que la malchance dans sa vie, et les problèmes, Tom McCarthy dresse le portrait d’un être qui se cherche et recherche (maladroitement) le pardon, ainsi qu’à se racheter une conscience aux yeux de sa fille, à laquelle il n’a jamais rien pu offrir, si ce n’est des ennuis. Pas étonnant en effet que celle-ci ait quitté très tôt le foyer pour s’installer en France et suivre des études, étant donné le passé du père, que l’on devine sombre au détour de répliques parfaitement intégrées, alors que l’image, elle, fait abstraction du passé. Pas la peine donc de chercher ici après des flash-back ; le plus important, c’est ce qui se joue au présent, c’est-à-dire la paix recherchée, aussi bien pour ce père, finalement, que pour sa fille... Mais à force de vouloir sauver autrui, on s’égare soi-même, même si cela nous a ouvert les yeux, et permis de voir les choses différemment... C’est exactement ce qui arrive ici au personnage de Matt Damon.

Par cette plongée dans l’inconnu, « Stillwater » confronte son personnage principal au choc des cultures, ainsi qu’à la barrière de la langue, et ses conséquences, tandis que McCarthy et ses acolytes d’écriture offrent furtivement leur regard par clins d’œil sur des questions de société qui fâchent, tels que le port d’armes, la malnutrition, la gestion des déchets, le racisme, ou encore la corruption, et cela au détour de courtes scènes ou de dialogues succins. Le film a donc plus à nous dire qu’on ne le pense, et notamment sur ses personnages. Car le film n’est jamais aussi bon que lorsqu’il approfondit ses caractères, et les relations qui s’installent entre eux, au risque que certains choix entrepris les détruises. Matt Damon, Camille Cotin et Abigail Breslin (qu’on est très heureux de revoir) forment alors un très beau trio, qui évolue, et se (re)construit devant la caméra, même si c’est par parcimonie. Et on est tout simplement touchés par leurs interprétations, et émus par les sentiments qui pèsent sur ces personnages, et ce qui leur arrive, et leur est arrivé.

Malheureusement, le dernier quart d’heure du film déçoit par la tournure des événements, plus standards dans le genre, moins crédibles, et manquant de rétroaction à posteriori. Car il y a bien ici un après, aussi court, mais important soit-il. Aussi, on vous conseillera de voir le film en version originale, dans le sens où le doublage en version française n’a ici aucun sens. En effet, vous y perdrez toutes les subtilités de langage, du dialogue, notamment liées au décalage de la langue. Et puis, ce dernier crée une frontière entre le personnage principal et autrui, ce qui dictera encore plus sa trajectoire. Enfin, Camille Cottin qui double elle-même son propre personnage, ce n’était pas une bonne idée...



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