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CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Srdjan Spasojevic
Srpski Film (A Serbian Film)
Vu dans le cadre de l’édition 2010 du BIFFF
Article mis en ligne le 1er janvier 2014

par Charles De Clercq

Synopsis : Milos, un acteur porno à la retraite, tente de survivre avec sa famille. Jusqu’au jour où une ancienne collègue lui présente Vukmir, figure influente de l’industrie pornographique, qui va lui faire une offre qu’il ne pourra refuser...

Acteurs : Srdan Todorovic, Sergej Trifunovic

NB : Je reprends ici une présentation du film que j’ai faite sur le forum DVDClassik en 2011 pour faire mémoire (il va de soi que ce n’est pas un film dont j’aurais parlé dans les émissions sur la radio RCF !).

Le ton est donné dès le générique où la substitution du titre est déjà un avant-goût visuel qui invite à un changement de perspective. Ensuite nous entrons dans une séance de film X... pour découvrir qu’il s’agit d’un DVD porno, regardé par un enfant qui s’avère être le fils de l’acteur principal qu’il voit à l’écran.

Nous comprenons alors qu’il y a un passé et que celui-ci est connu de sa compagne (ou épouse ?). Le foyer est en quête d’argent et Milos, le père, ex-star du X, joué par un excellent Srdjan Todorovic (Underground, Chat noir chat blanc...) va accepter de rencontrer quelqu’un susceptible de le faire jouer dans ce qui devrait être le summum de l’art.

Cet « artiste », Vukmir (Sergej Trifunovic), a des projets grandioses dont il n’expose absolument rien de prime abord à Milos sinon lui offrant de signer un contrat plantureux. Milos, acceptera en accord avec celle qui partage son existence.

Suivra alors l’entrée dans un univers auquel il ne s’attendait pas. Dès l’entame Milos sera choqué, jusqu’à la nausée, par la violence et aussi la présence d’une jeune fille. Mais ses questions, réactions, refus ne pourront être résolus. A son corps défendant !!! il devra poursuivre cet itinéraire initiatique (?) vers l’enfer.

Vukmir lui montrera à un moment la « quintessence de l’art », son paroxysme, dans la fameuse scène « newborn porn ». Précisons donc que nous sommes ici dans une « citation » dans le film [un film dans le film, autre encore que le film ou les séquences de film tourné(es) avec et pour Milos]. On (nous) montre (à Milos) les images sur un écran, de ce que Vukmir croit être le summum atteignable et que cela même, ces images et tout ce qu’elles signifient (Milos est conscient alors que la scène ici représentée est « réelle ») vont à l’encontre radicale de ce qu’il est et voulait. Il lui sera impossible de revenir en arrière.

D’ailleurs, il y a une ellipse temporelle dans le film (et dans la mémoire de Milos) quand nous retrouverons quelques jours plus tard le « héros » du film (avec des flash-back hallucinatoires) en quête de ce temps perdu. Et cela ira jusqu’au paroxysme de l’horreur quand, grâce à des vidéos laissées dans le bâtiment (sordide) de tournage, il découvre non seulement ce qui lui est arrivé, mais ce qu’il a fait (sous l’emprise de drogues puissantes qui lui ont été injectées) alors que peu à peu la mémoire lui revient (ainsi que les hallucinations qui furent les siennes sont l’emprise de ces drogues). Pour découvrir notamment qu’il a ainsi abusé de son propre fils (Notons que lors du tournage les enfants n’ont jamais été en contact avec les adultes, qu’ils ont été accompagnés par une autre équipe et que c’est le montage qui donne l’illusion aux spectateurs que tout se passe dans la même pièce). Le visage de Todorovic à ce moment-là m’a fait penser à celui de Michael Fassbender, dans Shame, lors de son ’trip’ avec deux femmes en même temps.

Attention : spoiler, ne lisez pas la suite si vous envisagez de visionner le film !

Je ne vais pas dévoiler toutes les scènes du film, mais les méchants en prendront plein la gueule, et l’un d’eux, mourra non d’un coup de boules mais d’un coup de queue !!! Tous les « mauvais » protagonistes disparus, il ne reste donc pour Milos, sa compagne (violée par son meilleur ami, lui aussi drogué) et leur fils (violé par le père) qu’une issue tragique.

On aurait pu en rester là, mais toute l’horrible « beauté » du film se condense dans le plan final. Il y avait au-dessus de Vikmir un « commanditaire », un maître d’œuvre et cela-même qui semblerait avoir été l’échec de son projet : la mort des membres de l’équipe de tournage, celle du réalisateur – croyant jusqu’au bout à la fulgurance et au bien-fondé de son projet ! - la mort de l’acteur principal et des « acteurs secondaires » que sont la femme et le fils sont ici intégrées dans un plus vaste projet dont les derniers mots de ce commanditaire : « commence par le petit... » disent tout l’aspect effrayant et nauséeux.

Je n’ai donc pas vu un film pornographique, ni même un film gore mais un film qui entend dénoncer quelque chose. On aurait pu écrire un livre, l’histoire aurait été tout aussi horrible et interpellante. Le réalisateur semble être du côté de son protagoniste principal (Milos) pris, bien malgré lui, dans une machinerie dont il ne pourra s’échapper que par un geste ultime, geste dont lui-même n’est pas le maître car, jusqu’au bout, il aura été manipulé.

En ce sens (et plus encore que pour Salo) j’ai pu y voir un discours « politique » (sans pour autant vraiment connaître l’histoire serbe) montrant jusqu’où l’horreur peut aller lorsque l’homme est abusé et manipulé (et donc aussi, un peuple, probablement « personnalisé » par la figure du nouveau-né violé... mais là, il faut probablement être serbe pour comprendre la métaphore).

Enfin, faut-il donner à voir ce film à tous, faut-il le voir ? Probablement pas.
Je me réfère aux images du massacre des bébés-phoques. Pour certains le savoir est suffisant, pour d’autres le voir sera nécessaire et pour quelques-uns, l’ignorer serait mieux.



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