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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Mélanie Auffret
Les Petites Victoires
Sortie du film le 01 mars 2023
Article mis en ligne le 6 mars 2023

par Julien Brnl

Genre : Comédie

Durée : 89’

Acteurs : Michel Blanc, Julia Piaton, Lionel Abelanski, Marie Bunel, India Hair, Sébastien Chassagne, Bruno Raffaelli...

Synopsis :
Entre ses obligations de maire et son rôle d’institutrice au sein du petit village de Kerguen, les journées d’Alice sont déjà bien remplies. L’arrivée dans sa classe d’Emile, un sexagénaire au caractère explosif, enfin décidé à apprendre à lire et à écrire, va rendre son quotidien ingérable. Surtout qu’Alice, qui n’avait rien vu venir, va devoir aussi sauver son village et son école...

La critique de Julien

Coup de cœur du Festival de comédie de l’Alpe Huez, c’est avec les pincettes que l’on attendait le second film de Mélanie Auffret, (après « Roxane », sorti en 2018, bien qu’inédit chez nous), auréolé là-bas du prix spécial du Jury et prix du public. Or, il faut bien dire que les films qui y sont présentés ne riment pas (toujours) avec qualité. Pourtant, « Les Petites Victoires » en est une à elle seule, elle qui est une comédie sociale attendrissante et marrante, tout en traitant avec bienveillance de la désertification des campagnes françaises, et de la question taboue de l’illettrisme dans leurs villages isolés, et cela au travers d’une rencontre bouleversante, créant des étincelles, sans jamais se brûler les doigts...

Son intrigue met alors en scène Alice (Julia Piaton), la maire trentenaire et institutrice « préférée » de Kerguen, soit un petit village breton de 400 habitants, mais où il n’y a ni bistro, ni coiffeur, ni boulangerie, et bientôt plus de... Jeaninne (Marie-Pierre Casey) ! Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la mairie cherche quelqu’un pour reprendre la boutique authentique (et atypique !) du village pour un loyer symbolique d’un euro par mois ! Creusée et blême, Alice - comme l’a fait son père avant elle - offre toutes ses forces et son temps au bien-être collectif, tandis qu’elle enseigne également dans la dernière classe de maternelle de la commune. Et comme si elle n’avait déjà pas assez de soucis à gérer, Alice va se retrouver confrontée au caractère ingérable de Monsieur Menoux (Michel Blanc), un sexagénaire aussi explosif que grossier dans son langage, lequel est en deuil depuis le décès de son frère. Or, c’est ce dernier qui s’occupait des papiers, étant donné que Menoux ne maîtrise ni la lecture, ni l’écriture. Par chantage affectif, Alice va alors l’accepter sur ses bancs d’école, face à son très jeune public, et cela malgré la réticence des parents, étant donné la réputation du monsieur. Mais comme un malheur ne vient jamais seul, l’école se retrouvera menacée de fermeture, étant donné le nombre trop peu élevé d’élèves en son sein...

Feel-good movie sans prétention, « Les Petites Victoires » est une réelle surprise dans son genre, faisant déjà partie - et à n’en pas douter - du haut gratin de la comédie française de cette année cinématographique. La réalisatrice et coscénariste Mélanie Auffret parvient à y raconter une douce histoire de solidarité et de vivre-ensemble, portée par un duo qui fonctionne à merveille, et des personnages secondaires aussi touchants que cocasses. Julia Piaton (qui est l’une des filles de Charlotte de Turckheim) s’est particulièrement investie dans son rôle d’altruiste, effectuant un travail de terrain aux côtés de son cousin et maire d’un petit village normand, ainsi qu’avec une institutrice. La demoiselle qu’elle interprète est dès lors totalement dévouée à ses causes, elle qui ressent indirectement le poids de l’héritage paternel, laquelle a ainsi repris sa place, quitte à s’oublier, à l’image d’une question que lui posera le personnage de Michel Blanc : « Est-ce que tu serais toujours là si ton papa l’était toujours ? ». L’acteur de la troupe du Splendid est quant à lui parfait dans la peau d’un homme un brin sanguin, lui qui prononce un peu trop de gros mots, ce que soulèveront les jeunes élèves qu’il côtoie sur les bancs d’école. On s’amuse dès lors énormément des échanges et de la cohabitation scolaire entre Emile Menoux et ces jeunes bambins, lesquels vont évidemment répéter à leurs parents tout ce qu’ils entendront de sa bouche, au grand dam de leur institutrice, quitte à ce qu’il soit puni, et envoyé sur la chaise de réflexion, et cela devant le fier regard des élèves, disant qu’il a mérité son sort ! Quel formidable Michel Blanc qui s’en donne à cœur joie, et joue le rôle avec énormément d’humanité. L’entendre également réciter oralement, sur le chemin de l’école, la conjugaison au présent simple des verbes marcher et souffler prouve la jolie comédie sociale qu’est ce film, lui qui se retrouvera... essoufflé dans l’exercice, tout en ayant l’impression de march... ander, plutôt que de mériter sa place.

Premier film de fiction de la société française de production et de distribution Zinc., créée fin 2021, « Les Petites Victoires » a été présenté aux quatre coins de l’Hexagone dès septembre dernier, et cela essentiellement dans des communes de moins de 3000 habitants, étant donné que son sujet s’y prêtait. Or, au travers de sa démarche de distribution à petite échelle avant sa sortie nationale début mars, « Les Petites Victoires » nous parle indirectement de l’importance de maintenir la culture de proximité, surtout dans les zones reculées, tout comme l’accès facile, et égalitaire, à l’enseignement. Mais surtout, le film de Mélanie Auffret nous parle de la nécessité des services de proximité, et cela par le prisme de ce petit village qui se bat, ensemble, pour sa survie, quitte à user d’ailleurs, dans l’optique de sauver son école, d’une stratégie audacieuse, à en réveiller les morts, et où chacun y mettra du sien, afin de passer entre les mailles du filet de l’inspecteur (Grégoire Bonnet). Mais au-delà de ses enjeux sociaux et humains entrepris avec plus de sensibilité que de pathos, ce film nous parle de la naissance d’un duo qui va, au-delà de chambouler la vie de ceux qui l’entourent, apprendre mutuellement. En témoigne la très subtile métaphore autour de la notion de périmètre, alors qu’Émile s’emprisonne dans l’un d’eux, tandis qu’Alice, elle, s’impose à vivre injustement dans le sien. Il est donc aussi question ici d’ouverture à de nouveaux horizons, et de passer outre les frontières préétablies, des peurs, et de tourner la page, pour ainsi donner un second souffle à sa vie, quitte à - pourquoi pas - élargir le périmètre de Tinder, ou à être aussi bon en calculs de périmètres que d’aires. On vous le dit, « Les Petites Victoires » est une pépite de joie et de fraternité, tout en parvenant à illustrer des choses graves, bien ancrées dans la réalité rurale. À ne pas manquer !



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