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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

Laetitia Colombani
La Tresse
Sortie du film le 29 novembre 2023
Article mis en ligne le 5 décembre 2023

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 119’

Acteurs : Kim Raver, Fotinì Peluso, Mia Maelzer, Sajda Pathan...

Synopsis :
Inde. Smita est une Intouchable. Elle rêve de voir sa fille échapper à sa condition misérable et entrer à l’école. Italie. Giulia travaille dans l’atelier de son père. Lorsqu’il est victime d’un accident, elle découvre que l’entreprise familiale est ruinée. Canada. Sarah, avocate réputée, va être promue à la tête de son cabinet quand elle apprend qu’elle est malade. Trois vies, trois femmes, trois continents. Trois combats à mener. Si elles ne se connaissent pas, Smita, Giulia et Sarah sont liées sans le savoir par ce qu’elles ont de plus intime et de plus singulier.

La critique express de Julien

À ne pas s’y méprendre, l’affiche de « La Tresse » ressemble étrangement à celles de « Lion » (2017) de Garth Davis (ici et ), en termes de couleur, de typographie, de slogan promotionnel, tandis qu’elles font références à l’Inde, où une partie de chaque film a été tournée. Or, cela n’est en rien étonnant, puisque le film est distribué, en France, par la même maison de distribution, à savoir SND, cherchant ainsi à reproduire le succès du second, tandis que « La Tresse » est d’autant plus l’adaptation du best-seller « La Tresse » de Laetitia Colombani, publié aux éditions Grasset, en 2017, vendu à plus de cinq millions d’exemplaires. Or, c’est son écrivaine elle-même qui réalise sa propre adaptation pour le cinéma, laquelle n’avait plus tourné de film depuis quinze ans avec la comédie « Mes Stars et Moi ». Récit de trois femmes appartenant à des continents et des cultures différentes, mais liées par leur destin, cette histoire de quête d’émancipation et de lutte contre les discriminations est née en janvier 2015, alors que la cinéaste accompagnait l’une de ses amies, malade, dans un magasin de perruques, où elle avait choisi une perruque naturelle en cheveux indiens. En associant cette situation à celle d’un documentaire dans lequel il était question de pèlerins indiens qui offraient leurs cheveux en offrande dans un temple, lesquels servaient alors de base à la confection des perruques, Laetitia Colombani a eu l’idée d’une histoire qui allait émouvoir des millions de lecteurs. Mais le film est-il aussi réussi ?

Alors que les chapitres du livre racontent en alternance (et quasiment dans cet ordre) les histoires de Smita (Mia Maelzer), Giulia (sublime Fotinì Peluso) et Sarah (la rare Kim Raver, vue dans les séries « 24 Heures Chrono » et Grey’s Anatomy), le montage du film, lui, passe d’un profil à l’autre, et dès lors d’une esthétique à l’autre, propre à l’environnement dans lequel vivent les protagonistes. Ces derniers sont filmés, pour l’occasion, de différentes manières, comme la caméra à l’épaule (lumière naturelle, l’immersion, improvisation et liberté de tournage) pour la partie située en Inde, un appareil à la Dolly pour celle au Canada (partie plus froide, relative à ce que dégagent les immenses buildings et bureaux d’avocats), et enfin au Steadicam pour l’Italie (mouvements fluides, grande place aux couleurs méditerranéennes). On y découvre ainsi la vie de ces trois femmes, soit trois énergies distinctes, et leurs combats quotidiens. D’un côté, Smita, en tant qu’Intouchable, se bat pour que sa fille ne perpétue pas par la tradition, rêvant pour elle d’une vie meilleure, loin de toute discrimination. D’un autre, il y a Giulia, qui vit à Palerme, et travaille dans l’entreprise locale de cheveux de son père. Sauf que ce dernier sombrera dans le coma, à la suite d’un accident, laissant à sa fille la charge de l’entreprise, qui croule alors sous les dettes... Enfin, Sarah, une avocate réputée et acharnée de Montréal, apprendra qu’elle est atteinte d’un cancer. Or, laisser couler une goutte de sang dans le monde de requin dans lequel elle travaille n’est aucunement envisageable pour elle...

Au contraire d’un livre, le cinéma, lui, peut facilement prédire l’issue d’une histoire, ne fut-ce que par sa promotion. Ainsi, pour le spectateur que nous sommes, n’ayant pas lu le livre de Laetitia Colombani, nous regrettons que les visuels de « La Tresse » en montrent trop, ne laissant dès lors que peu d’imprévisibilité à la dramaturgie des portraits féminins contemporains racontés dans le livre, ainsi qu’au lien qui les relie, à trois mèches. Passant déjà de manière progressive, mais redondante, d’un profil à l’autre, on comprend de plus rapidement où le film veut en venir, soit à nous émouvoir, quitte à tirer sur la corde sensible et miséreuse, bien aidé pour cela par des interprétations solides, et empathiques, de ses actrices. Alors, oui, c’est une belle (très) histoire, féministe et libératrice, mais le traitement - ici trop mécanique - que lui offre le septième art ne lui rend, selon nous, pas honneur. De plus, « La Tresse », après nous avoir immergé auprès de ces femmes combatives et déterminées, laisse comme un goût de trop peu, voire d’abandon. En effet, une fois la boucle bouclée, Laetitia Colombani abandonne quelque peu ses personnages sur le bord du trottoir, nous laissant ainsi libres d’interpréter la suite de leur combat, ce qui est, dans ce cas, assez frustrant par rapport à tout ce qu’elles ont dû endurer pour arriver là où elles en sont. Or, rien n’est encore vraiment gagné pour elles... Ne reste alors que la puissance de l’évocation et l’espoir pour espérer véritablement offrir un meilleur avenir à ces héroïnes...



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