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Ilker Çatak
La Salle des Profs (Das Lehrerzimmer)
Sortie du film le 06 mars 2024
Article mis en ligne le 11 mars 2024

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 98’

Acteurs : Leonie Benesch, Leonard Stettnisch, Eva Löbau, Michael Klammer...

Synopsis :
Carla est professeur de mathématique et d’éducation physique. Tout se passe bien avec les élèves jusqu’au jour où une série de vols ont lieu à l’école. Lorsque l’un de ses élèves est suspecté, Carla décide de mener l’enquête afin de faire toute la lumière sur cette affaire.

La critique de Julien

Nominé à l’Oscar du meilleur film étranger, « La Salle des Profs » du cinéaste allemand Ilker Çatak est un drame qui entend bien faire voler en éclat le microcosme d’une école secondaire suivant « une politique de tolérance zéro », et cela au départ d’une suspicion infondée de vol contre x. Titulaire d’une classe, professeure de mathématiques et d’éducation physique quelque peu idéaliste et présente dans l’établissement depuis un semestre, Carla Nowak (Leonie Benesch) va, en effet, mener l’enquête elle-même concernant différents vols dans l’établissement. C’est que la jeune professeure désapprouve l’humiliante manière avec laquelle ses responsables gèrent cette crise (à laquelle elle doit indirectement collaborer), eux qui fouillent notamment les portefeuilles des élèves soupçonnés à tort dans une démarche perfide (« Tout cela est volontaire, mais si vous n’avez rien à cacher, vous n’avez rien à craindre », peut-on entendre ici dire la direction aux élèves, de passage en plein cours - cela ne se ferait plus de nos jours !). Ce sera d’ailleurs le cas d’un des élèves de Carla, d’origine turque, pour la seule raison (outre un racisme déguisé) qu’il avait sur lui une grosse somme d’argent. Dans la salle des profs, Carla laissera dès lors volontairement son portefeuille dans sa veste, tandis que la caméra de son ordinateur portable enregistrera volontairement ce qu’il s’y passe... C’est dès lors à la découverte des images qu’elle verra une personne porter un chemisier avec des motifs étoilés lui voler de l’argent, mais sous un bref angle de vue, sans qu’on ne puisse reconnaître quelqu’un. Or, Mme Kuhn (Eva Löbau), la discrète et appréciée secrétaire de l’administration de l’école, et mère d’Oskar (Leonard Stettnisch), qui est l’élève le plus doué en mathématiques de Carla, porte justement le même chemisier. Le dilemme insoluble dans lequel se retrouvera Carla marquera dès lors le début d’une escalade d’actes aux graves répercussions...

Pour son quatrième film, inspiré par son vécu et celui de son scénariste Johannes Duncker, mais aussi de leurs rencontres avec des acteurs du secteur éducatif, Ilker Çatak agit comme une bombe à retardement avec son film « La Salle des Profs », où tout s’enchaîne à mesure que la rumeur se répand, qu’elle soit fondée ou non. Car la position de l’enseignante n’est ici guère facile, elle qui agissait pourtant de manière bien intentionnée et non intentionnelle, avant de se retrouver menacée, laquelle a cependant doublement agi sans réfléchir, notamment en bafouant le droit à l’image...

Si la machination que filme ici le cinéaste prend des proportions sans doute trop grandes et n’assume pas ses positions étant donné sa fin ouverte (et d’ailleurs très provocante), son film dit bien des vérités intrinsèques, notamment sur la perte de confiance qui se joue entre les acteurs du système éducatif ainsi que des parents envers ceux-ci, sur la difficulté d’insertion des nouveaux professeurs dans le métier ou dans une équipe pédagogique soudée et campant sur ses positions, mais également sur l’aversion de la société envers les boucs émissaires, tout comme de la manière dont se diffusent les fausses nouvelles, sortant dangereusement de leur contexte des propos pour alors en faire « de la com’ », laquelle entend bien faire « triompher la vérité », bien qu’à sa manière. « La Salle des Profs » met aussi en garde le principe de « tolérance zéro » au sein des écoles, tandis qu’il semble de plus en plus difficile d’y agir face au vol sans s’attirer des ennuis. Ilker Çatak met dès lors en lumière un microcosme - au-delà de la salle des profs - dans l’impasse, en pleine ébullition, alors empoissonné par des spéculations, bien qu’il en joue parfois maladroitement, notamment lorsque les élèves de ladite professeure refusent de participer à son cours, à moins qu’elle ne leur dise la vérité, sous prétexte qu’elle « leur doit », où encore lorsque le fils de la présumée coupable « de crime » la menacera suite à son refus de dire la vérité, laquelle ne peut être prononcée, et se décidera au tribunal... Forçant certes les choses, « La Salle des Profs » se regarde alors comme un thriller haletant, bien aidé par la musique inquiétante de Marvin Miller, mais aussi la manière dont Ilker Çatak filme les lieux (cette rampe d’escalier !), et la prestation mesurée de Leonie Benesch...



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