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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews. Si celui-ci produit des émissions consacrées au cinéma sur la radio RCF Bruxelles, celle-ci n’est aucune responsable du site ou de ses contenus et aucun lin contractuel ne les relie. Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques.

William Brent Bell
Esther 2 : les Origines
Sortie du film le 17 août 2022
Article mis en ligne le 25 août 2022

par Julien Brnl

Genre : Thriller

Durée : 99’

Acteurs : Isabelle Fuhrman, Julia Stiles, Rossif Sutherland, Hiro Kanagawa, Matthieu Finlan...

Synopsis :
Une jeune femme arrive à s’évader d’un dangereux asile psychiatrique situé en plein cœur de l’Estonie. Si elle ressemble à une enfant, elle est loin d’être innocente. Pour s’enfuir du pays, elle se fait passer pour Esther, la fille disparue d’une riche famille américaine. Arrivée aux Etats-Unis, elle est accueillie à bras ouverts par le père de famille. La mère, quant à elle, est un peu plus difficile à convaincre...

La critique de Julien

Longtemps resté dans les placards, « Esther 2 : les Origines » n’est pas une suite à proprement parler du film très stressant et machiavélique de Jaume Collet-Serra sorti en 2009, mais bien son préquel. Or, pour la petite originalité, son actrice principale, Isabelle Fuhrman, âgée à l’époque de 12 ans, reprend ici son rôle d’Esther, alors que l’intrigue de ce film se situe pourtant deux années avant les événements survenus à la famille Coleman (jouée à l’époque par Vera Farminga et Peter Sarsgaard). Souvenez-vous, la jeune actrice y interprétait une petite fille orpheline adoptée par cette famille, sauf que la jeune fille était en réalité une femme de 33 ans, souffrant d’un dérèglement hormonal très rare, le panhypopituitarisme (une forme de nanisme), lui donnant l’apparence d’une fillette de 9 ans, laquelle leur faisait alors vivre un véritable enfer, espérant séduire le père. Inspiré de faits réels, c’est justement une nouvelle affaire de ce genre, très médiatisée en 2019 à la suite à de nouvelles déclarations, qui a lancé la production de « Orphan : First Kill » (en VO), où une famille américaine (les Barnett) avait alors été accusée en 2014 pour avoir abandonné leur fille adoptive ukrainienne de 6 ans (Natalia Grace), eux-mêmes l’accusant d’être une sociopathe de 22 ans, qui les menaçait et les terrorisait. La réalité rattrape donc toujours la fiction, ou bien l’inverse...

Dans « Esther », on en apprenait déjà brièvement (et suffisamment) sur le passé de la soi-disant gamine, née en Estonie, elle qui, avant d’être placée dans un orphelinat (et recueillie par les Coleman), avait résidé à l’institut Saarne, un hôpital psychiatrique, après avoir tué plusieurs personnes, tandis que la dernière famille qui l’avait adoptée avait vu sa maison familiale partir en fumée dans d’étranges circonstances. Et étonnement, plutôt que de s’intéresser aux vraies origines d’Esther (comme le titre le laissait pourtant présager), le film de William Brent Bell, d’après une histoire écrite par David Leslie Johnson-McGoldrick et Alex Macé (déjà aux manettes de celle du premier film), nous invite à découvrir l’arrivée de la demoiselle dans ladite « dernière » famille adoptive, en Amérique, et la manière dont elle y est arrivée, en s’échappant de l’institut, et en se faisant passer pour ce qu’elle n’est pas, avant le drame. On se questionne dès lors encore sur le titre original du film, qui annonce un « premier meurtre », alors qu’au moment où commence celui-ci, Esther en a déjà commis quelques-uns...

« Les Origines » débute alors par un détour en Estonie, dans l’asile où Leena Klammer est enfermée. Et le mauvais goût s’installe déjà au travers de la caméra du cinéaste. Outre ses gros plans enneigés et sa manière caricaturale de filmer un institut lugubre aux couleurs cliniques, Brent Bell et son chef opérateur Karim Hussein nous proposent une photographie stéréotypée, floutée et blanchâtre, très vieillotte, comme si un brouillard traversait littéralement l’hôpital en question, dans le but sûrement d’appuyer la personnalité trouble de son personnage principal. Et la débandade continue aussitôt. Après une évasion trop facile, le film nous ressort exactement le même scénario que son prédécesseur (même s’il se situe temporellement après). Place donc à une nouvelle famille, qui va voir débouler dans sa vie Esther, mais pour une raison cependant que celle des Coleman (mais on ne vous gâche pas l’effet de - mauvaise - surprise). Il y a ainsi sa nouvelle mère Tricia (Julia Stiles) et Allen (Rossif Sutherland, second fils de l’acteur Donald Sutherland, et demi-frère de Kiefer), lesquels vont « se retrouver » depuis qu’Esther est arrivée dans leur famille, et cela devant le regard plein de jalousie de la jeune femme (!). On peut aussi compter sur l’insupportable frère aîné Gunnar (Matthew Finlan), lequel va vite se méfier de sa petite sœur, en plus de supporter les moqueries de ses propres amis au sujet de celle-ci. Sans oublier plusieurs victimes collatérales, dont un inspecteur de police un peu trop curieux, et dès lors dangereux vis-à-vis de l’identité cachée d’Esther. Bref, « Esther 2 » ne joue pas la carte de l’originalité, avant pourtant d’opérer un retournement de situation qu’on n’avait, certes, pas prévu, mais malheureusement trop méchamment grotesque pour convaincre, en plus de cumuler les incohérences et facilités scénaristiques. On a eu tort de croire en tout cas qu’Esther était la plus tordue, au sein d’une histoire qui tourne en eau de boudin...

De retour donc dans la peau du personnage, Isabelle Fuhrman, toujours aussi inquiétante (malgré un ignoble accent russe), fait ici le job, sans effets spéciaux majeur à clef, mais bien des plans rapprochés, des doublures, des prothèses sur le visage, un corset aplatissant sa poitrine, des costumes sur-mesure à col lui donnant ainsi la silhouette d’une petite fille, ou encore l’utilisation de bottes à plateforme de taille XXL par ses camarades de jeu, afin qu’elle paraisse bien plus petite qu’eux sur le plateau de tournage, et dès lors devant la caméra, tout en compter sur des heures de squats pour paraître également plus petite. Quant à ses partenaires, la tournure des événements (façon du jeu du chat et de la souris) leur fait perdre toute crédibilité. Où quand l’imposture appelle à l’imposture...

Reposant sur le champ-contrechamp et les jump scares prévisibles à des kilomètres à la ronde, la réalisation de William Brent Bell n’est donc pas le digne héritier du film de Jaume Collet-Serra, qui avait étonné son monde lors de sa sortie, en plus d’être une œuvre non-adaptée, mêlant le thriller psychologie et le drame familial. Car oui, son film prenait place dans un contexte qui nourrissait d’autant plus toute l’horreur que le personnage faisait vivre à la famille en question, portée la très convaincante Vera Farmiga. Or, ici, tous les personnages, aussi inintéressants soient-ils, semblent aussi déséquilibrés que l’antagoniste de l’histoire. Dès lors, le virage pris par « Esther 2 : les Origines » a beau être osé, il se révèle surtout totalement surfait, inhumain, et absurde... Bref, le film réussit donc à tuer dans l’œuf les tenants, tout en connaissant les aboutissants, de l’histoire d’Esther...



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