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CINECURE
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Laura Wandel
Un Monde
Sortie du film le 20 octobre 2021
Article mis en ligne le 24 octobre 2021

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 72’

Acteurs : Maya Vanderbeque, Günter Duret, Karim Leklou, Laura Verlinden...

Synopsis : :
Nora entre en primaire lorsqu’elle est confrontée au harcèlement dont son grand frère Abel est victime. Tiraillée entre son père qui l’incite à réagir, son besoin de s’intégrer et son frère qui lui demande de garder le silence, Nora se trouve prise dans un terrible conflit de loyauté. Une plongée immersive, à hauteur d’enfant, dans le monde de l’école.

La critique de Julien

Présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 2021 dans la section Un certain regard où il a fait sensation en recevant le prix de la critique internationale (le Prix FIPRESCI), « Un Monde » est le premier long métrage de la cinéaste belge Laura Wandel, qu’on pourrait finalement définir de moyen métrage, étant donné ses septante-deux minutes d’images. Mais il n’en fallait pourtant pas une de plus pour nous confronter au malaise auquel la réalisatrice nous invite.

En nous plongeant dans une cours d’école, et à hauteur d’enfant, étant donné une caméra au plus près du visage de sa jeune interprète principale, Maya Vanderbeque, la cinéaste Laura Wandel parvient à nous immerger dans ce lieu commun auquel nous avons tous été un jour confronté, et duquel nous avons également tous eu peur, à un moment ou à un autre. Ici, il s’agit de la jeune Nora, qui rentre en primaire, alors que son frère, lui, est « chez les grands ». Vu comme une bouée de secours, et une manière de s’intégrer indirectement à ce nouveau microcosme, la jeune fille va alors se retrouver dans les jupes de son frère, elle qui refuse, par peur et détresse, d’aller vers l’autre dans un premier temps. Mais son frère, Abel (Günter Duret), va alors être victime de moqueries d’autres garçons, et subir un cruel harcèlement, dans le dos des éducateurs, lors des récréations et temps de midi. Nora, sans forcément assister à la violence frontale faite à son frère, va alors se retrouver tiraillée dans une délicate situation, où d’une part son frère lui demande de garder le silence, et d’autre part sa petite conscience lui dit de l’aider face aux horreurs supposées, lesquelles ne vont, d’autant plus, ne pas la rassurer face à ce nouveau monde...

Film d’ambiance, et de parti-pris scénaristique, « Un Monde » est une expérience de cinéma qui nous rappelle forcément des souvenirs. Certes, il ne s’agit pas forcément des mêmes circonstances, mais on reconnaît bien en ce film le climax de méfiance et de rejet de la petite enfance envers autrui. Aussi, par cette situation, la cinéaste met en scène une fraternité mise à mal par un monde malsain, elle qui se questionnera, victime à son tour d’une violente injustice à son égard. Plus adulte qu’elle n’y paraît, cette situation nous interroge sur la question d’identité. En effet, faut-il dès lors rejeter son identité pour se frayer un chemin d’intégration dans une communauté ? Mais ce qui est d’autant plus déstabilisant ici est de constater que des souffrances vécues, et non-pansées, ont des conséquences à leur tour néfastes, lesquelles vont alors bien souvent se reproduisent indirectement dans une boucle où la violence entraîne la violence. D’où l’importance d’en sortir, ce qui est évidemment plus facile à dire qu’à faire, surtout lorsqu’on la vit, enfant, sans pour autant la comprendre, l’apprivoiser, et sans qu’il n’existe également des moyens pour se faire entendre ; le monde adulte étant ici représenté dans son insuffisance face à la détresse ici cachée, sans que pour autant que sa cinéaste en porte un jugement.

Laura Wandel filme alors les différentes étapes traversées par sa victime indirecte, et met en scène le processus, les affects et le cheminement psychologie de premier degré qu’elle doit mettre ici en place pour s’en sortir elle-même, certes par rapport aux codes du monde adulte qu’elle a reçu de son papa (joué par Karim Leklou), mais sans pouvoir les maîtriser, ni les comprendre. Absolument terrassante, la jeune Maya Vanderbeque crève ici l’écran, et porte le poids de toutes les émotions traversées, tandis que son frère de jeu, Günter Duret, reflète quant à lui les ravages du harcèlement insidieux, et des pulsions de violence gratuites et inconscientes de l’humain, elles qui viennent bien de quelque part...

Avec ce film aux thèmes forts, tourné avec une photographie grisâtre à l’Athénée Royal Andrée Thomas à Forest, la cinéaste choisit évidemment d’en montrer une vision assumée, et pensée comme telle, et loin d’être éloignée de la réalité. Alors certes, il ne faut pas catégoriser « Un Monde » à toutes les cours de récréation, mais les messages qu’elle met ici en scène sonnent justes, et ne sont jamais représentés dans la surenchère, elle qui prône d’ailleurs davantage ici l’utilisation du hors-champ. Or, la force de frappe de son film est bien sa capacité à retranscrire, d’une part, l’inconfort d’une rentrée dans un univers inconnu et, d’autre part, la violence qu’on y croise, et à laquelle on doit faire face, et finalement à tout âge...



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