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Destin Daniel Cretton
La Voie de la Justice / Just Mercy
Sortie du film le 22 janvier 2020
Article mis en ligne le 28 janvier 2020

par Julien Brnl

Signe(s) particulier(s) :

  • adapté du livre autobiographique « Just Mercy : A Story Of Justice And Redemption » (2004) écrit par l’avocat et militant de la justice Bryan Stevenson, lequel retrace son combat pour défendre des personnes condamnées à tort, et principalement ici de Walter McMillian, qui, avec son aide, a fait appel de sa condamnation pour meurtre ;
  • quatrième film du réalisateur hawaïen Destin Daniel Cretton après « I Am Not a Hipster » (2012), Short Term 12« (2013) et »Le Château de Verre" (2017), et troisième avec lequel il collabore avec Brie Larson.

Résumé : Le combat historique du jeune avocat Bryan Stevenson. Après ses études à l’université de Harvard, Bryan Stevenson aurait pu se lancer dans une carrière des plus lucratives. Il décide pourtant de se rendre en Alabama pour défendre ceux qui ont été condamnés à tort, avec le soutien d’une militante locale, Eva Ansley. Un de ses premiers cas - le plus incendiaire - est celui de Walter McMillian qui, en 1987, est condamné à mort pour le meurtre retentissant d’une jeune fille de 18 ans. Et ce en dépit d’un grand nombre de preuves attestant de son innocence et d’un unique témoignage à son encontre provenant d’un criminel aux motivations douteuses. Au fil des années, Bryan se retrouve empêtré dans un imbroglio de manœuvres juridiques et politiques. Il doit aussi faire face à un racisme manifeste et intransigeant alors qu’il se bat pour Walter et d’autres comme lui au sein d’un système hostile.

La critique de Julien

En s’inspirant de l’histoire vraie de la chroniqueuse mondaine Jeanette Walls d’après son propre roman éponyme autobiographique paru en 2005, le réalisateur Destin Daniel Cretton avait réussi à se frayer un chemin dans notre classement des meilleurs films de l’année 2017 avec « Le Château de Verre ». Chronique familiale et intime racontée entre passé et au présent autour de la nécessité d’évasion, peu en importe les conséquences, tant elles en valent la peine, et cela afin d’échapper à un système tordu, et à une vie familiale difficile, « The Glass Castle » (en version originale) soulevait justement l’importance de la famille et de ses liens de sang indestructibles, et plus particulièrement ici ceux qui unissaient un père (Woody Harrelson) et son enfant (Brie Larson), malgré les comportements impardonnables, et promesses d’une vie non-tenues.

Capable de soulever de justes émotions, et de savoir nous parler avec les bons mots, Cretton monte pourtant ici d’un cran supplémentaire en adaptant une autre histoire vraie, mais à la portée plus puissante et universelle, car sociale, politique, s’attaquant au racisme en milieu pénal, et à la peine de mort.

« La Voie de la Justice » est ainsi tiré des mémoires du procureur de la défense des droits civils Bryan Stevenson, lequel a (notamment) sauvé, avec son organisation privée « Equal Justice Initiative » (basée à Montgomery, en Alabama) plus d’une centaine d’hommes de la peine de mort, mais aussi représenté des pauvres, défendu des personnes en appel et annulé bien des condamnations injustifiées, tandis qu’il a aussi œuvré pour atténuer les préjugés dans le système de justice pénale américain. Le film s’intéresse alors à l’un de ses premiers cas, tandis qu’il venait d’être diplômé en droit de Harvard. Idéaliste, et habillé d’un costume sur-mesure, Stevenson (Michael B. Jordan) découvrira bien vite la dure réalité du terrain, dont le racisme et la corruption rengrénant un système tout entier. C’est ainsi qu’il viendra en aide à Walter « Johnny D. » McMillian (Jamie Foxx), un homme afro-américain reconnu coupable du meurtre de Ronda Morrison, en 1986, et condamné à mort, alors qu’il n’était même pas sur les lieux du meurtre lorsqu’elle avait été tuée. Le jeune avocat mettra alors le doigt sur les (maigres) preuves de son accusation, lesquelles reposent alors entièrement sur un faux témoignage, alors que les vrais, eux, ont purement été écartés par la justice...

D’emblée, ce film renvoie à bien des cas connus de condamnés à mort, mais à tort, et innocentés ou non avant la date de leur exécution. Et quand on sait aux Etats-Unis que plus de 166 personnes situées dans le couloir de la mort ont été innocentées (jusqu’en 2019), et parfois plus de quarante années après leur condamnation pour certains, cela laisse imaginer l’injustice du système judiciaire américain et de la peine de mort, toujours en vigueur dans trente des cinquante États fédérés que compte le pays. Parmi l’une des affaires les plus connues, il y a sans doute celle de l’afro-américain George Stinney Jr, jugé et condamné à mort pour le meurtre de deux jeunes filles blanches alors qu’il n’avait que 14 ans, bien qu’aucune preuve matérielle n’eût été établie contre lui, sauf peut-être le fait d’avoir été le dernier à les avoir vues. Il n’aura alors fallu que quelques heures pour le déclarer coupable, devant un jury composé de douze hommes blancs, soit le 23 mars 1944, lui qui fut exécuté le 16 juin 1944. Et c’est seulement septante ans plus tard que son jugement fut annulé, car reconnu irrecevable, bafoué, en raison d’aveux probablement forcés, lequel n’avait pu alors profiter d’une défense équitable, ce pour quoi s’est justement battu Bryan Stevenson, au cours de sa carrière, toujours en activité.

Voilà le genre de film duquel on ne ressort pas indemne, malgré son classicisme, et même si ce genre d’histoire est connue de tous. C’est que le film de Destin Daniel Cretton est tout simplement bien fourni, joué, écrit, lequel est prenant d’un bout à l’autre, et soulève en plus des situations écœurantes de racisme par des sudistes blancs, sans parler de l’image réaliste d’une justice qui ne fait pas correctement son boulot, alors que des innocents se meurent derrière les barreaux en attendant la date de leur exécution (dans ce cas), tandis que les véritables criminels courent toujours. D’ailleurs, le coupable de l’affaire Ronda Morrison n’a jamais été trouvé... On a donc beau se plaindre au quotidien de nos petits problèmes, mais face à ce que vivent de bien trop nombreux condamnés et innocents, on ravale tout de suite notre salive. Et cela, « La Voie de la Justice » parvient à nous le faire ressentir, notamment via des scènes aussi touchantes qu’explicites de violence, entre espoir et désespoir. Il est donc évidemment que ce film militant produit par un grand studio est à voir et à montrer au plus large des publics, jusqu’à nos jeunes, tant il représente une page sombre de l’histoire, loin d’être encore refermée (que du contraire), tel que nous le montre Cretton. Car le cinéaste nous montre ici une version nuancée et loin d’être simple d’un combat pour la justice, mais face à la justice. Et puis, il questionne surtout sur la sentence de la peine de mort, immorale, alors que l’administration Trump a annoncé en juillet dernier la reprise des exécutions au niveau fédéral après 16 ans de moratoire, elle qui viole pourtant le droit à la vie proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948...

Emmené d’une main de maître par des acteurs intenses dans leurs rôles, par une réalisation sans accro servant des propos renversants et des dialogues qui ne tombent jamais dans l’oubli, « La Voie de la Justice » est l’un des premiers films nécessaires à voir cette année, que ça soit au cinéma, à la maison, ou encore en classe (mais bien entendu en version-originale, qui renforce l’authenticité des émotions et prestations). Bref, à n’importe quel endroit finalement où le message pourra être passé et se faire entendre, pour, on l’espère, empêcher de répéter de telles erreurs. God Bless America…

https://www.youtube.com/embed/HK7jkEBeHR8
La Voie de la Justice - Bande Annonce Officielle (VOST) - Michael B. Jordan / Brie Larson - YouTube

Vu au cinéma Caméo des Grignoux



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