Synopsis : Au cœur de l’été, Caroline, parisienne et mère de famille d’une quarantaine d’années, débarque dans un petit village du sud de la France. Elle doit organiser dans l’urgence les funérailles de sa mère, avocate volage, qu’elle ne voyait plus guère. Elle est accueillie par Pattie qui aime raconter à qui veut bien l’écouter ses aventures amoureuses avec les hommes du coin. Alors que toute la vallée se prépare pour les fameux bals du 15 août, le corps de la défunte disparait mystérieusement.
Acteurs : Isabelle Carré, Karin Viard, André Dussollier…
C’est un film étonnant, fantastique et "jouissif" que nous proposent les frères Larrieu. Celui-ci est plus proche, de Les derniers jours du monde que de L’amour est un crime presque parfait. Ce ne seront pas 21 nuits d’une comédie érotique d’été qui nous seront contées, mais plutôt la rencontre de trois femmes, deux plus une ! Une qui parle, la deuxième qui écoute et puis parlera et enfin, la troisième, muette comme une tombe !
Les deux femmes, ce sont Pattie, "libertine ?", interprétée de façon jubilatoire par Karin Viard, tandis que l’autre, c’est Caroline (Isabelle Carré dont on notera les étonnants jeux de regards et les expressions du visage) venue rendre un dernier hommage à sa mère qu’elle n’a plus revue depuis fort longtemps et dont elle connait finalement peu de choses. Le récit fera un long détour par le fantastique, grâce à la soudaine disparition du corps de la mère - oeuvre peut-être d’un nécrophile voire d’un nécrophage ? - et sa tout aussi soudaine réapparition, occasion d’une danse libératoire autour d’une piscine. Cette libération sera aussi celle de sa fille qui pourra, à la fin, accéder au langage avec une verve inattendue et héritée de celle de Pattie. Caroline sera passée auparavant par de possibles tentations, un soir de bal du 15 août (fête symboliquement "virginale" s’il en est !).
Les personnages masculins ne sont pas en reste, qu’il s’agisse de seconds rôles comme celui d’André (Denis Lavant) ou tout simplement de Pierre, le capitaine de gendarmerie (Laurent Poitrenaux), mais surtout celui de Jean (André Dussolier) l’homme inattendu et surprenant, au regard et à l’attitude pénétrants ! C’est qu’au-delà ou malgré son ambiguïté par rapport à la défunte - dont il a ou aurait été l’un de ses amants - il est celui qui manifeste ici une certaine virilité (conquérante ? Pénétrante ?).
Ce que l’on remarquera d’emblée de film, c’est la crudité du langage (bien plus que les corps nus rares et lointains) et la crudité de celui-ci. Surtout de la part de Pattie. Elle exprime de façon crue, technique et très explicite tout ce qui gravite autour du sexe (au double sens du mot : le sexe comme activité et le "sexe" comme organe(s), de l’homme, mais aussi de la femme !). Oserais-je écrire que les mots fondent et roulent dans la bouche de Karin Viard, pardon, de Pattie, comme des bonbons au miel. Ecrivons de suite que l’on déconseille la vision du film à ceux qui seraient choqués par un vocabulaire sexuellement explicite. Les autres, en revanche, découvrirons une façon d’aborder le langage inhabituelle au cinéma, proche peut-être de delui des corps de garde dans l’armée et pourtant pas "pornographique". C’est que cette femme (ces femmes possiblement) va oser parler du sexe comme le font parfois les hommes. Leurs mots sont à la fois englobants, mais également pénétrants. Les mots disent des choses du sexe comme on le ferait pour décrire la dégustation d’un plat dans un restaurant étoilé. Il n’y a pas ici une censure morale qui ferait que certains mots sont "maudits", chargé d’une condamnation morale ! Non, c’est ici candeur première et joie de vivre.
S’il fallait tenter une comparaison pour l’utilisation de l’explicite, nous sommes ici au niveau de la parole par rapport à ce qu’à fait John Cameron Mitchell en 2006 avec Shortbus sur le plan des images. Il s’agit d’un très beau film qui est "non pornographique", mais montre des actes sexuels non simulés. Il n’y a pas de jugement dans l’un ou l’autre film. L’on pourra dire que celui de Mitchell n’est pas pour tous les yeux et celui des frères Larrieu pour toutes les oreilles. En revanche, ils seront heureux, ceux et celles qui vivent une naïveté "seconde" après avoir perdu la candeur première de l’enfance, celle du temps "sans paroles", et en ont retrouvé une autre adulte, assumée. Ils pourront courir avec Pattie, comme des faunes, dans les campagnes de l’Aude. On ne s’étonnera donc pas de ma note, érotique et symbolique, pour cette apologie du désir qui retourne les sens : 69 !
Certains s’étonneront de cette critique, venant d’un prêtre, aussi je conclurai en citant le quotidien chrétien la Croix, au sujet de cette "comédie bien ficelée" : « Traversée de personnages frappadingues et inquiétants (auxquels les comédiens Denis Lavant et Philippe Rebbot prêtent leur talentueux concours), cette comédie bien ficelée au registre scabreux ne se départit pas d’une réelle élégance d’image, souvent poétique, qui tranche d’autant plus violemment avec nombre de dialogues à ne pas mettre entre toutes les oreilles.
Anars dans l’âme, les frères Larrieu s’en amusent, mais tissent aussi, derrière la provocation, un libre propos sur le désir dont Isabelle Carré porte la part la plus sensible. »