Synopsis : Monsieur Sim n’a aucun intérêt. C’est du moins ce qu’il pense de lui-même. Sa femme l’a quitté, son boulot l’a quitté et lorsqu’il vient voir son père à l’autre bout du monde, il n’a pas le temps de déjeuner avec lui. C’est alors qu’il reçoit une proposition inattendue : traverser la France pour vendre des brosses à dents qui vont "révolutionner l’hygiène bucco-dentaire". Il en profite pour revoir les visages de son enfance, notamment son premier amour, sa fille et son père et faire d’étonnantes découvertes qui vont le révéler à lui-même.
Acteurs : Jean-Pierre Bacri, Mathieu Amalric, Valeria Golino, Isabelle Gélinas, Vimala Pons, Félix Moati, Vincent Lacoste.
Ce film est une sorte de road movie d’un loser solitaire dont la conversation peut être mortellement ennuyeuse. Il repose sur trois récits, dont deux sont imbriqués dans le premier. Celui-ci, le roman de Jonathan Coe à l’origine du film, The Terrible Privacy of Maxwell Sim (2010), a été traduit en français en 2011 sous le même titre que le film qui l’adapte. L’histoire s’appuie sur deux récits qui apparaissent comme une mise en abîme de l’antihéros solitaire : l’histoire vraie du navigateur solitaire et homme d’affaires Donald Crowhurst et celle de Jacques Sim, le père de François. Celui-ci invite son fils à lire un journal, celui d’un amour perdu, celui qui a mené à sa naissance par accident. Nous ne préciserons pas plus, car l’histoire est si particulière qu’il est préférable de la découvrir à l’écran, même si Vincent Lacoste qui interprète le François âgé de 20 ans n’est pas parfait, au contraire de son ami Francis (Félis Moati).
Monsieur Sim, comme la carte du même nom est quelqu’un de terriblement bavard et ennuyeux. Dans un autre film, ce pourrait être un casse-pied qui menait le bal. Mais pour cela, il faut du monde, or il est bien seul, réduit à monologuer avec (la voix de) son GPS [qui lui n’est pas intelligent comme (celle de) l’ordinateur de Her]. Il est dépressif, mais a le souhait de s’en sortir ! Comment ? En mentant et fuyant comme le navigateur solitaire Donald Crowhurst (duquel le film reprend des images d’archives de navigation) ? Quelle sera la porte de sortie de Sim ? Lui faudra-t-il tourner en rond (les scènes de rond-point valent le détour, en interaction avec le GPS sans cesse en calcul d’itinéraire !) ou se retrouver sur une île déserte ? Quelle voix, sinon celle de Samuel (Mathieu Amalric), pourra être son vis-à-vis, voix off du navigateur dans le livre qu’il lui donne à lire, voix finale qui offre un avenir à construire, contrairement à celui que n’a pu créer son père Christian, pour s’être trompé de café à l’âge de 20 ans... mais lui a ainsi donné vie !?
Le réalisateur a écrit le scénario avec son épouse Baya Kasmi et avec l’accord de Jonathan Coe ainsi que celui des ayants droit de Donald Crowhurst dont la vie sera adaptée prochainement à l’écran (le film se tourne actuellement et Colin Firth jouera le rôle principal) [1]. Michel Leclerc nous propose un film tendre, émouvant, qu’il faut voir pour accompagner cet homme sur la route, à défaut de lui acheter une brosse à dents écologique, lui qui roule en voiture hybride (et tient son journal de bord à l’aide d’une caméra de type GoPro - sorte de quatrième récit) jusqu’à ce que les batteries s’épuisent et que meure (provisoirement ?) "Emmanuelle" (C’est Jeanne Cherhal qui prête sa voix au GPS). C’est l’itinéraire d’un tricheur : il triche avec lui-même et avec les autres. Au terme, cependant et pour paradoxal que ce soit, ces (ses) triches le mèneront vers une autre vérité, celle d’une autre nature profonde, finalement pas loin de celle du père et ouverture possible vers la rencontre d’un autre (soi-même ?) !
Enfin, il faut ici avouer que le film a une sorte d’effet pervers. Le personnage de Sim, même attachant, est si crédible, si vrai dans l’ennui qu’il suscite, qu’il arrive que celui-ci gagne le spectateur. Il sera important d’y résister, car cette comédie dramatique est riche en émotion, candeur et humanité et invite, in fine, à une véritable inversion des points de vue !
Un autre effet secondaire du film : il m’a donné envie de lire le roman de Jonathan Coe !
Pour aller plus loin, j’invite à découvrir un livre de 1971...
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On lira aussi L’étrange course de Donald Crowhurst, en pdf ou directement sur ce site web.