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CINECURE
L’actualité du cinéma

Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Bénédicte Liénard et Mary Jimenez
Le chant des hommes (Rising Voices)
Sortie le 3 février 2016
Article mis en ligne le 1er décembre 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Ils se nomment Moktar, Najat, Joseph, Gernaz, Duraid, Hayder, Kader, Esma... Ils ont fui la Syrie, l’Irak, l’Iran, le Congo, le Maroc, le Niger... Ensemble, ils décident d’occuper une église. Ils vont risquer leur vie pour des papiers. Le décompte des jours commence ; l’épreuve de force aussi. A l’intérieur, Kader a pris la tête du combat, mais va et vient, secret. Esma organise la vie de cette communauté qu’elle porte à bras-le-corps. La fatigue monte, les tensions affleurent. Mais les liens se tissent et se renforcent. Entre trahisons et fraternités, le groupe va devoir se mettre à l’épreuve. Et faire face.

Synopsis long : Depuis le temps d’une errance qui n’en finit pas, des hommes et des femmes décident de sortir de la clandestinité à laquelle notre monde les condamne. Ils trouvent refuge dans une église, pareille à tant d’autres. Dans une ville d’Europe, comme tant d’autres. Le temps se suspend encore dans l’attente cette fois d’une bataille médiatique et politique qu’il leur faudra gagner pour obtenir le droit d’avoir un nom, un visage, des papiers.

Ils se nomment Mokhtar, Najat, Joseph, Dini, Duraid, Hayder, Kader, Esma... Ils arrivent de Syrie, d’Irak, d’Iran, de Guinée, du Maroc, du Nigeria, d’Afghanistan... Depuis tous ces horizons différents, ils crient ou chuchotent des fragments de leurs histoires, des éclats de douleurs intimes, échos des déchirures du monde... Ensemble, ils luttent avec tout ce qui leur reste : leurs corps, leur dignité, leur image... Ils attendent et font face.

Tandis que dehors le combat s’engage, à l’intérieur, ces hommes et ces femmes se découvrent et se disputent, se protègent et se trahissent, s’organisent et se tiennent par la main... Les stratégies s’opposent, les langues s’entrechoquent, les prières se mélangent. Entre eux, ils vont inventer leur communauté, construire leurs liens, redéployer leur humanité.

C’est le Chant des Hommes, aussi lointain que l’errance d’Ulysse ou l’exode de Moïse, celui des réprouvés et des déracinés, des damnés de la terre d’hier et des migrants d’aujourd’hui.

Avec : Avec Maryam Zaree, Assaâd Bouab, Sam Louwyck, Ahmet Rifat Sungar, Saïda Manai, Duraid Ghaieb, Gernas Haj Chikhmuos, Hayder Helo, Morlaye Conté, Pitcho Womba Konga, Dorcy Rugamba, Zeïnabou Diori, Maria Peredo de Giustino, Alex Cordova, Bouchra Lamsyeh, Yasmina Ghemzi, Afef Ben Mosbah, Seloua M’Hamdi, Marina Istchenko, Anna Wagner-Kile, Michael Kucherov, Monsele Nsele, Clotilde Alloke, Imane Rhorba, Ben Hamidou, Keita Mohamed, Martha Diaz Porto.

Un cinéma du réel ?

Lors de la projection presse,au tout début du film, je me suis tourné vers une consoeur en lui demandant s’il s’agissait d’un documentaire. Elle m’a répondu par la négative. Et, de fait, il s’agit bien d’une fiction même si celle-ci avait toutes les ressemblances avec un documentaire. En effet, le film nous plonge dans des événements encore présents dans notre mémoire, l’occupation d’une église par des sans-papiers. Si ce long métrage ne nous donne d’indication précise de localisation, nous sommes fondés à penser qu’il s’agit de Bruxelles (mais probablement tourné dans une église du Grand Duché). Et si nous avons l’impression d’un "cinéma du réel", cela est lié à l’actualité pas si lointaine de nous, mais aussi à l’expérience des réalisatrices dans le domaine du documentaire ! Cela se ressent aussi dans le parti-pris de ne pas mettre en exergue l’une ou l’autre individualité (même si certaines ressortent plus particulièrement), mais plutôt un groupe, dont la seule cohérence est de n’être bienvenu nulle part. L’on est conscient que les réalisatrices veulent nous interpeller en nous donnant à voir des choses que nous préférerions peut-être ignorer, mais en même temps, elles ne font pas de l’angélisme. Ainsi nous sont montrées les petits arrangements entre amis pour manger un peu de nourriture (jusque des hosties) et lutter contre la faim alors même que l’on est en grève de celle-ci, mais aussi de plus grosses magouilles, financières celles-là, sur le dos de ceux qui partagent la même exclusion.

Le plus gros du film se passe donc dans l’église, même si nous ne sommes pas dans un huis clos. Il y a des figures phares qui émergeront, en particulier un homme Assaâd Bouab dans le rôle - trouble - de Kader, et Maryam Zaree dans celui de Maryam Zaree, ainsi que Sam Louwyck dans le rôle du prêtre (possiblement le curé).

Des acteurs engagés

On ne peut qu’adhérer au projet du film, même si son aspect "documentaire" malgré lui pourra rebuter certains. Ainsi, ma note n’est pas de coeur, mais de "tête", parce qu’au-delà des imperfections du film, celui-ci nous renvoie, comme en miroir, à des situations de détresse on ne peut plus présentes et nous confronte à nos propres positions morales, politiques, philosophiques, mais également à nos désirs, parfois, de garder pour nous des territoires, des possessions, des biens que nous avons ou aurions du mal à partager ! Au crédit du film, notons des acteurs engagés qui "défendent" leurs propres (pays d’)origines à l’écran. Certains, probablement les plus nombreux, sont "non professionnels". A noter aussi que la grève de la faim n’est pas très "crédible". Certes quelques conséquences nous sont montrées mais nous sommes loin d’un travail sur les corps, comme Michael Fassbender, par exemple, dans Hunger, sur la grève de la faim de Bobby Sand.

Tourner dans une église !

Enfin, ce film fut encore une fois l’occasion pour le "professionnel d’Eglise" que je suis de constater combien le décalage du cinéma avec le fait religieux catholique devient abyssal. Après être passés d’une culture de l’opposition à celle d’une indifférence (polie ou pas) nous sommes maintenant en terre d’étrangeté radicale ! Combien de fois ne remarque-t-on pas que les vêtements, les accessoires, les rituels même sont désuets, dépassés, totalement incompris ? C’est un peu comme si émergeaient des brumes d’une catéchèse enfantine - donnée jadis par des personnes qui n’avaient pour elles que leur bonne volonté - les restes d’un vague souvenir religieux fantasmé. C’est comme le ressac qui apporte sur la plage les débris d’un ancien bateau, coulé depuis longtemps. Ce n’est donc pas un procès que je fais au film ou à ses réalisatrices, mais simplement que quelques éléments apparaissent ici folkloriques. Par exemple : tout donne à penser que l’église n’a plus de culte ou qu’en tout cas celui-ci a été suspendu durant son occupation... mais de très nombreuses bougies y sont régulièrement allumées. Il y a aussi des hosties, conservées "à l’air" dans un calice (et non un ciboire) dans une armoire de sacristie ou encore le prêtre qui revêt une étole lors d’un discours qu’il fait aux grévistes. Gageons cependant que très peu remarqueront quelque chose, y compris nombre de fidèles dont beaucoup ont perdu le sens et l’intelligence de leur culte, parfois devenu folklorique voir proche du paganisme ! Ceci est donc totalement second voire même secondaire par rapport à l’objet du film qu’il faudra recommander également aux jeunes en milieu scolaire, avec leurs professeurs.

Pour conclure, je vous invite à lire cet article d’un confrère, Alain Lorfèvre, dans la Libre (version pdf ici).



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