Synopsis : James Donovan, un avocat de Brooklyn se retrouve plongé au cœur de la guerre froide lorsque la CIA l’envoie accomplir une mission presque impossible : négocier la libération du pilote d’un avion-espion américain U-2 qui a été capturé. (ci-contre : affiche US)
Acteurs : Tom Hanks, Amy Ryan, Alan Alda, Eve Hewson, Billy Magnussen, Mark Rylance.
Une histoire vraie
Avec ce Pont des espions (Bridge of Spies), Spielberg adapte pour l’écran une " histoire vraie", datant des années soixante, en pleine guerre froide entre l’Union soviétique et les Etats-Unis, celle de l’avocat James B. Donovan qui prendra la défense de l’espion russe Rudolf Abel [1].
A la demande de son cabinet et contre l’avis de ses proches et du public, il acceptera d’être le défenseur de celui qui apparaît aux yeux des Américains comme le traître par excellence. La CIA tentera de le mettre sous pression et au fur et à mesure de l’évolution de l’enquête, quasiment bâclée, il fera valoir l’importance de respecter le droit américain et la Constitution. Il fera tout pour que la sentence de mort ne soit pas appliquée (le jury avait déclaré son client coupable de tous les chefs d’accusation) et soit commuée en trente années de réclusion. Un de ses arguments sera de faire valoir que Rudolf Abel (qui n’a jamais trahi son pays) puisse servir de monnaie d’échange si un Américain devait être fait prisonnier par les Russes.
C’était prémonitoire parce que quelque temps plus tard un jeune pilote américain qui fera de l’espionnage photographique a très haute altitude sera capturé en Union soviétique après le crash de son avion et le fait qu’il n’ait pas choisi de se suicider avec du cyanure comme ses supérieurs le lui avaient demandé avant de l’envoyer en mission avec les autres aviateurs. Ce pilote est Francis Gary Powers (1929-1977) qui avait préféré s’éjecter de l’avion. Celui était un U-2, abattu le 1er mai 1960. Cet incident entraîna une dégradation des relations entre les deux grandes puissances. Après avoir été emprisonné durant dix-sept mois, il sera échangé en février 1962 au pont de Glienicke (reliant Berlin-Ouest à Potsdam) - pont auquel le film doit son titre - ainsi qu’un autre jeune américain, Frederic Pryor qui a été arrêté et détenu sans inculpation par les Allemands de l’Est. Il suivait des cours à l’Université libre de Berlin-Ouest depuis 1959 [2]. Lui sera libéré quelques instants avant le pilote, au Checkpoint Charlie.
Une adaptation très classique
Aucune surprise dans le scénario puisque l’histoire de cet échange est connue et elle a marqué les esprits à l’époque. Spielberg nous offre donc un film d’espionnage très classique (trop disent certains) qui est en tout cas très loin de l’espionnage comme nous le fantasmons ! Nous serions donc plus du côté de Tinker Tailor Soldier Spy (La taupe) et A Most Wanted Man que de celui de James Bond et consorts.
Le film est au début un classique film de procès, selon les procédures judiciaires américaines et la façon habituelle de filmer ces scènes. Ensuite, l’accent sera placé sur le deal pour mener à l’échange des espions grâce à notre avocat qui n’aura aucun mandat, aucun statut pour agir puisque tout se fera dans les interstices d’un non dit. Et ce sera justement toute la force et l’importance de ce film que de nous montrer ces enjeux entre ce qui peut être dit et ce qui ne peut l’être grâce, justement, à la "parole", celle d’un homme dont la profession est de causer pour faire avancer une cause. Ici ceux-ci seront multiples entre l’Ouest et l’Est d’abord, ensuite, entre Soviétiques et Allemands de l’Est. Il importe que personne ne perde la face, d’une part, et plus encore que tous puissent sortir gagnants et sans perte dans l’histoire. Les choses sont déjà difficiles pour un échange un contre un mais elles se corsent lorsque James B. Donavan prend l’initiative d’ajouter le jeune Frederic dans les données du "deal" pour obtenir un échange un contre deux !
Nous serons alors en mode thriller : alors que les Russes veulent gagner du temps en interrogeant le pilote pour obtenir les aveux, il y a le jeu qui se joue entre Allemands et Soviétiques qui s’ajoute jusque et pendant le moment crucial et proprement libératoire qui mènera à l’échange sur le pont.
Pour classique cela soit, ce cinéma qui peut sembler dater des années 60/70, arrive avec beaucoup de justesse a créer l’ambiance paranoïaque de l’époque, mais également les lieux, les costumes, ainsi qu’une pointe d’humour de Rudolf Abel (Mark Rylance). Tom Hanks campe avec sobriété cet avocat pour qui le droit au service de l’homme est quelque chose de fondamental. Le film nous fait découvrir que malgré une situation critique où tout peut basculer dans un drame voire tourner en confrontation internationale, le pouvoir de la parole est capital. Ici, comme moyen d’expression et de communication entre les hommes, mais aussi, au moins pour la langue française, l’importance de la "parole donnée".
Les professeurs et étudiants qui souhaiteraient entamer une réflexion après avoir vu le film trouveront ici un lien vers un dossier pédagogique qui pourrait leur être utile.