Synopsis : Greg est un lycéen introverti, adepte de l’autodérision, qui compte bien finir son année de terminale le plus discrètement possible. Il passe la plupart de son temps avec son seul ami, Earl, à refaire ses propres versions de grands films classiques. Mais sa volonté de passer inaperçu est mise à mal lorsque sa mère le force à revoir Rachel, une ancienne amie de maternelle atteinte de leucémie.
Acteurs : Thomas Mann, Olivia Cooke, RJ Cyler, Nick Offerman, Connie Britton, Jon Bernthal, Molly Shannon.
Un clin d’oeil au cinéma
Soyez sympas, ne vous débinez pas après les dix premières minutes du film ! C’est que le début pourrait vous donner l’impression que vous avez affaire à une énième comédie adolescente, sans relief, avec juste un peu d’humour et d’introspection. L’histoire d’adolescents qui réalisent des films en se référant à de grands réalisateurs, ce n’est pas nouveau. Après tout, ceux qui auront vibré durant leur adolescence avec Dawson’s Creek se souviendront de son "héros" Dawson Leery (James Van Der Beek, qui semble ne s’être jamais remis ni sorti de cette série !) qui rêvait d’être un nouveau Spielberg. Lui voulait devenir réalisateur et un des sous-textes de la série tenait justement à tout ce qui avait trait au scénario [1]. Ici, avec cette "non-histoire d’amour", Alfonso Gomez-Rejon [2], nous fait découvrir une sous-intrigue pour cinéphiles. C’est que le jeune Greg [3] et son "collègue" Earl [4], qu’il refuse d’appeler son ami, réalisent des films depuis leur enfance. En fait, la réalisation, même si elle peut faire penser à Be Kind Rewind, tient plutôt du pastiche intelligent de films de grands réalisateurs, qu’il s’agisse de Kubrick ou de Michael Powell et Emeric Pressburger. Les fans de cinéma d’auteur apprécieront.
Une question de vie ou de mort
A côté de cette intrigue, seconde, mais loin d’être secondaire, une autre, plus importante et fondamentale va se jouer : la rencontre avec une jeune fille juive, Rachel Kushner [5], atteinte d’une leucémie. A ce stade, le film n’est pas loin des univers évoqués dans 50/50 et The Perks of Being a Wallflower (Le monde de Charlie). Pas loin, mais pas identique cependant. C’est que le premier concerne des jeunes adultes et le second, celle d’un ado qui est le souffre-douleur de ses condisciples. Ici, il s’agit d’adolescents et de l’un d’entre eux qui au contraire tente de se fondre dans la masse, de ne pas se faire d’ennemi, d’être ami avec personne et tous et de tenter d’être invisible. Il évitera tous les conflits. Jusqu’à sa rencontre avec Rachel, à son corps défendant. C’est que la mère de Greg l’oblige à fréquenter, accompagner, aider la jeune cancéreuse. C’est un devoir et un impératif auquel il ne peut se soustraire sinon en parlant franchement avec Rachel. C’est cette franchise qui fera la magie de leur rencontre, de leur histoire qui sera celle du film. Un garçon et une fille qui ne seront pas amoureux, mais qui seront des amis, comment dire, à la vie et à la mort ?
Briser le mur du son !
C’est que ce cancer pose vraiment problème. Comme va-t-il se terminer ? Il nous est donné de voir les conséquences de la chimiothérapie, ainsi la perte des cheveux [6]. Nous sommes témoin de l’évolution de leur relation et de la vie de nos "héros" (notamment le passage potentiel vers l’université) via quelques artifices : certaines "marionnettes" animées, des intertitres qui nous font avancer dans l’histoire et surtout le fait que Greg brise le "quatrième mur", celui du son ! Habituellement, le quatrième mur fait référence à celui côté caméra, étanche pour les acteurs, sauf lorsque le scénario les fait s’adresser au spectateur. Ici, cette adresse nous vient par le biais de la voix off de Greg. Celle-ci nous narre ainsi les atermoiements du jeune adolescent de passage vers la maturité. Il nous prévient aussi de la fin du film. Mais le mot fin est-il le dernier mot d’une histoire quand celle-ci ouvre une porte sur un avenir qui semblait perdu ?
Un film intelligent à voir absolument
Je vous laisse le soin de découvrir l’évolution de l’intrigue et des personnages à l’écran. Sous des airs de presque rien, le film est émouvant, tendre et touchant (même s’il est parfois un peu bavard, notamment dans sa voix off). Sans sombrer dans le pathos excessif, sans l’humour gras habituel des comédies américaines, cette comédie/drame vise au plus juste des relations humaines, affectives. Comme construire son identité et sont avenir ? Comment devenir un homme ou une femme de et pour demain ? Comment vivre l’aujourd’hui et le transit du temps qui file, inexorable jusqu’à la perte de la jeunesse, de ses illusions pour repartir de plus belle.
Injustement boudé aux USA, This Is Not a Love Story y a obtenu le Grand Prix du Festival de Sundance, ainsi que le Prix du public en 2015. Les jeunes acteurs transcendent le film et sont lumineux, aidés avec beaucoup d’intelligence par les acteurs adultes qui jouent ici les seconds rôles avec pudeur, émotion, tendresse et même humour. Un bijou que je recommande très chaleureusement. Le scénariste Jesse Andrews est l’auteur du roman adolescent à la base du film (illustration ci-dessous). Sans être une autobiographie, Jesse y a mis un peu/beaucoup/passionnément de sa vie. Le film a été tourné dans sa maison, son école et les lieux qu’il a fréquentés à l’époque de son adolescence. Ruez-vous dans les salles, il risque de ne pas tenir longtemps face aux blockbusters et ce serait dommage.