Synopsis : Un message cryptique venu tout droit de son passé pousse Bond à enquêter sur une sinistre organisation. Alors que M affronte une tempête politique pour que les services secrets puissent continuer à opérer, Bond s’échine à révéler la terrible vérité derrière... le Spectre.
Acteurs : Daniel Craig, Monica Bellucci, Christoph Waltz, Ralph Fiennes, Léa Seydoux, Naomie Harris, Dave Bautista, Ben Whishaw, Rory Kinnear.
Une auditrice et amie me demandait de lui résumer le film. Je lui ai répondu que ce serait gâcher le plaisir de découvrir l’histoire se déployer sur grand écran [1]. Ce à quoi elle a rétorqué qu’elle "avait peur d’avoir peur". Je lui ai répondu qu’elle n’avait rien à craindre, car Bond gagnait à la fin. En fait, Bond gagne toujours !
Une histoire de chat, mais pas seulement !
Le 24e épisode de la saga ne déroge pas à la règle. Il y a des "clichés" typiques de la franchise qui font que Bond est Bond. Alors même que l’acteur change, ce qui importe c’est l’univers dans lequel il gravite. On peut certes comparer les six acteurs qui ont incarné l’espion mythique, juger du travail de onze réalisateurs différents, peu importe. C’est à la limite comme Rex [2] qui en vingt ans verra se succéder cinq maîtres différents. C’est Rex qui reste le personnage principal de la série, même s’il y a eux cinq chiens qui tinrent le rôle-titre (sans parler des doublures). Le héros, c’est Rex. Ou encore dans le domaine des séries, il y a la saga Doctor Who dont la naissance à la télévision est contemporaine de celle de Bond au cinéma. Si les concepteurs de Doctor Who ont trouvé une astuce de scénario pour "expliquer" le changement des acteurs par la régénération du docteur, il n’en est rien pour Bond. Nous sommes invités à faire "comme si" ! L’acteur, doit d’effacer derrière Bond. Et l’on comprend alors les questions qui se posent dans les méandres de la Toile : jusqu’où peut-on aller pour choisir l’interprète de Bond ? Un noir ? Une femme ? Bond peut-il être gay ? Et l’on pourrait, cas extrême, concevoir que l’espion soit une femme noire et lesbienne... mais pour autant qu’elle soit britannique. Parce qu’il semble bien que ce soit, jusqu’à présent, la limite à ne pas franchir. Bond doit rester britannique ! Aux côtés de Bond, à Londres, ses supérieurs ont les mêmes noms et fonctions, mais les acteurs changent et le sexe parfois également (pour M !). Les personnages récurrents qu’il rencontre dans le monde sont eux aussi interprétés par des acteurs différents. Enfin, quand on parle de chien comme je le fais ci-devant, il faut penser au chat et vous en découvrirez un dans le film, clin d’oeil "adorable" (parmi beaucoup d’autres) à quelques films précédents de la franchise !
Un univers codifié
Entrer dans l’univers de Bond c’est de façon quasi systématique pénétrer dans un monde qui a ses codes et qu’il est bien délicat de modifier. Ainsi le générique graphique, la musique, la scène spectaculaire d’ouverture, les "gadgets", le Martini remué à la cuillère, les voitures, "la" voiture, les femmes, un vrai méchant, des smokings et costumes impeccables...
C’est probablement un des invariants de la saga Bond. Malgré toutes les épreuves, les combats, les endroits (parfois "dégueulasses") où notre héros passe, il ne manquera pas de se retrouver dans une tenue impeccable. Ne vous posez pas la question impie de savoir où il a bien pu cacher ses vêtements, comment il les a transportés. Cela fait partie de la magie Bond. La même magie qui fait que notre héros restera digne, même si on lui donne des coups dans les "boules" ou qu’on lui transperce le cerveau !
Typique aussi de l’univers Bond : le héros solitaire qui va sauver le monde tout en vivant une situation singulière avec une partenaire (tiens, c’est un peu comme dans Doctor Who !). Conjonction de l’intime et de l’universel. Et cet intime, la relation féminine de Bond, aura ceci de particulier qu’elle échouera au terme du film. Je joue ici sur le verbe échouer : de l’échec, mais aussi d’échouer sur le rivage. C’est que Bond ne peut s’embarquer dans une relation amoureuse, physique et passionnelle dans la durée. La seule qui dure est platonique, celle avec Moneypenny. Bond ne fera pas sa vie avec celle qui, durant le temps du film, séduira son intellect, son corps, ses sens...
Ce qui varie, mais reste un "invariant", c’est l’adaptation de Bond à la situation géopolitique du moment. Nous ne sommes plus dans le cas de la guerre froide, d’une opposition entre grandes puissances et, aujourd’hui, la puissance est ailleurs. En cela, les films d’espionnage y sont attentifs, qu’il s’agisse de Kingsman : Services secrets [3] ou de Bond ! Cela permet de coller à l’actualité et à la façon dont nous fantasmons le monde.
Retour aux sources...
Depuis Casino Royale en 2006, on recommence à partir du début, non à partir de rien. L’univers bondien est connu, la structure du récit est respectée. Simplement, on reprend l’histoire et on la réécrit. L’entreprise était risquée. C’est que les fans de la première heure risquaient d’être déçus, car ils allaient forcément comparer à ce qu’ils connaissaient. Et si le succès a été au rendez-vous, malgré les critiques formulées à l’encontre de Quantum of Solace. C’est que l’univers venait de découvrir un grand interprète de James Bond, si pas L’interprète par excellence. C’était un peu comme si Daniel Craig condensait tous les fantasmes des spectateurs et spectatrices et que cet acteur au charisme indéniable arrivait à concentrer toutes leurs attentes. Quoique ! Il manquait un peut quelque chose, un plus pour booster ce "rebond" de la saga. Et c’est à Sam Mendes qu’on doit ce qui pourra paraître comme un revirement.
Avec Skyfall, le récit prendra une autre tournure, plus sombre, presque psychologique. C’est qu’il y aura un autre retour aux sources, celui qui interrogera sur l’identité de Bond. Le "conflit" portera aussi sur les origines et la naissance du héros solitaire. D’où vient-il ? Qui est-il ? Quels sont ses traumas ? Si certains ont amèrement regretté cette tournure, je suis parmi ceux qui ont apprécié ce changement de cap. Skyfall, en voulant remonter à la genèse, la naissance de Bond va nous faire découvrir un personnage très maternel et maternant. Bond est en quête d’Eve et d’une mère. Et celle-ci laissera un bien surprenant héritage comme le fera découvrir une vidéo dans Spectre.
Et ce dernier sera l’occasion de doubler l’aventure de Bond d’une autre quête, celle du "père". Comme s’il fallait équilibrer la mort d’Eve pour trouver son Adam ! Je poursuis sur ces images bibliques (mais c’est un travers professionnel !), car, s’agissant de "genèse", Spectre sera aussi l’occasion d’un combat fraternel, comme si Caïn et Abel se donnaient rendez-vous ! Et pour cela, pour l’ultime combat, il faudra passer par un labyrinthe qui fera voir à Bond des images de son passé et des figures du mal qu’il a rencontrées.
C’est ici que le génie de Mendes apparaît. Bien plus que les quelques gadgets et les habituels clichés bondiens, il revisite complètement son personnage, lui donnant une densité tout autre. A l’image de la psychanalyse des contes de fées, il "analyse" ici un personnage emblématique de la fiction d’après-guerre. Tout en respectant et intégrant le passé de Bond et de la saga, il fait une véritable oeuvre cinématographique respectueuse de son public et du récit qu’il doit lui transmettre. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Une transmission et non une reproduction. Ce n’est pas une copie ou un clone de Bond que le réalisateur nous offre. Il nous transmet un mythe dont il a su tirer la substantifique moelle. Il faut espérer que d’autres réalisateurs sauront à leur tour nous transmettre, nous "livrer" un Bond qui nous fera vibrer !
Les acteurs
Enfin, il faut relever le casting impressionnant de ce film qui gagnerait probablement à être moins long (mais ne boudons pas notre plaisir !). Il y a certes Monica Bellucci (Lucia) pour quelques minutes à l’écran, pas plus en fait que notre compatriote Marc Zinga (Moreau) ou Jesper Christensen dans le rôle de Mr White. Il y a surtout Léa Seydoux, remarquable dans le rôle de la fille de ce dernier, Madeleine Swann et Christoph Walt dans celui du "méchant" de service, Oberhauser. A leurs côtés, à Londres, Ralph Fiennes sera un M très convaincant tandis que Ben Whishaw est toujours excellent dans le rôle d’un Q très jeune encore. Enfin, nouveau venu, le temps d’un épisode, Andrew Scott (Jimmy’s Hall, Pride, au cinéma ou Sherlock à la télévision) sera C qui désire apporter la modernité dans le service et supprimer les 00 ! Mais a vouloir atteindre les cimes, la chute peut parfois être brutale.
Résumé détaillé...
Attention les lignes qui suivent (source Wikipedia) vous dévoilent l’intégralité du film. Nous vous déconseillons donc de les lire pour garder l’effet de surprise. Si donc vous cliquez sur le lien suivant, ce sera à vos risques et périls !
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Bande-annonce
Un message cryptique venu tout droit de son passé pousse Bond à enquêter sur une sinistre organisation. Alors que M affronte une tempête politique pour que les services secrets puissent continuer à opérer...