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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Jayro Bustamante
Ixcanul
Sortie le 18 novembre 2015
Article mis en ligne le 20 septembre 2015

par Charles De Clercq

Synopsis : Maria, jeune Maya de 17 ans, vit avec ses parents dans une plantation de café sur les flancs d’Ixcanul, un immense volcan du Guatemala. Elle voudrait échapper à son destin, au mariage arrangé qui l’attend. La grande ville dont elle rêve va lui sauver la vie. Mais à quel prix...

Acteurs : María Mercedes Coroy, María Telón, Manuel Manuel Antún…

Le film est précédé d’une aura prestigieuse après son passage à Berlin et on peut le comprendre après avoir vu le film qui a de très nombreuses qualités cinématographiques. En effet, ce sera notamment une occasion de découvrir de beaux plans séquence : par exemple celui d’ouverture du film où l’on découvre Maria que l’on pare pour une fête (un mariage ?), plan analogue à celui qui fermera le film.

Le cadre nous invite à découvrir de bien curieuses situations où l’animal, l’humain et la nature semblent faire corps, où rien ne semble se détacher, sinon le volcan, la montagne qui bloque l’horizon. Car derrière celui-ci il y a l’Amérique... mais pour y accéder, il faudra tout d’abord traverser le Mexique. Double frontière donc à traverser : le volcan et le grand territoire mexicain. Ce ne sont pas les seuls obstacles. Il y a aussi un monde très animal : qu’il s’agisse des serpents dangereux (et nous verrons durant le film à quelles conséquences peuvent mener une morsure quasi mortelle) ou de ces cochons à qui il faut donner une cuite au rhum pour qu’ils acceptent de copuler ! Animalité des rapports quand on découvre la jeune Maria, promise au fils du chef de la plantation de café, se "donner" à un autre qu’elle aime ou croit aimer, le jeune et beau Pete (qui lui ne rêve que de partir aux USA). Même "animalité" quand les parents de Maria ont une relation sexuelle avec parfois des mots explicites alors que leur fille entend tout ce qui se passe à quelques centimètres d’elle, puisqu’elle partage le même lit.

Les USA, justement sont également présents, malgré les frontières qui font barrage. C’est que tout ce qui vient de là-bas est bon, doit être bon, en particulier les produits chimiques qui pourront être épandus dans les plantations ou qui extermineront (ou pas) les maudits serpents. L’on découvrira aussi la frontière entre le rationnel et l’irrationnel, car, même si le pays est christianisé, il y un véritable syncrétisme entre les prières chrétiennes et les cultes et pratiques animistes. On ne peut pas véritablement parler d’évangélisation - au sens d’adhésion au message de l’évangile - mais plutôt de diverses pratiques religieuses proches du paganisme, malgré le fait que les mots utilisés sont ceux des prières de l’Eglise [1].

Autres frontières qui divisent et séparent, celle entre les riches et les pauvres, entre les patrons et les ouvriers, entre l’homme qui décide et domine et la femme qui doit être soumise. Ici, le réalisateur nous propose d’autres images, notamment celle de Maria avec sa maman, prenant ensemble un bain de vapeur mais d’autres aussi où il nous fait découvrir la complicité d’une mère pour sa fille, en particulier lors de ces transgressions, lorsqu’elle a tenté de franchir, justement, des frontières, en particulier en se retrouvant enceinte d’un jeune ouvrier sans le sou et non de celui à qui elle est destinée.

Des frontières encore, celles des langues. Il est question ici de Mayas (et nous ne pouvons pas saisir, comme Occidentaux la richesse des multiples dialectes mayas - ici la plupart des acteurs sont des Cakchiquel [2]) confrontés à la langue des Occidentaux. Occasion de trahir par le biais de la traduction ! En plusieurs circonstances, cruciales, voire vitales ceux qui savent et traduisent disent autre chose et abusent ainsi de leur savoir jusqu’à les déposséder de ce qu’il y a de plus précieux.

Au final, Maria dépossédée de tout ce qui compte pour elle, ne gardera que le sentiment d’une perte immense, d’un poids sur les épaules, comme une brique, non pas dans le ventre, mais à porter et qui alourdit le chemin pour dire un dernier adieu à ses amours et ses espoirs, elle ne pourra que retourner au pied du volcan pour subir le destin tracé pour elle à son corps défendant. Nous verrons alors à l’écran son dernier regard, témoin d’une fatalité subie à défaut d’être acceptée.



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