Synopsis : Kate et Geoff Mercer sont sur le point d’organiser une fête pour leur 45ème anniversaire de mariage, mais avant que celle-ci ne puisse avoir lieu, une lettre arrive et annonce que l’on a découvert le corps du premier grand amour de Kate, qui se trouve être congelé dans la glace des Alpes Suisses. (ci-contre : Andrew Haigh)
Acteurs : Charlotte Rampling, Geraldine James, Tom Courtenay, Dolly Wells, David Sibley.
Deuxième long métrage de fiction du réalisateur après Greek Pete (2009), Weekend (2011, mais sorti en Belgique et en France en 2012) et la production de la série Looking [1] (hélas abandonnée), 45 Years me conforte dans le fait que nous avons affaire à un réalisateur de talent. Andrew Haigh quitte le microcosme gay ou queer qu’il rendait avec excellence, proche de ses acteurs, de leur corps, dans l’intime et aussi dans les émotions et les sentiments, pour s’intéresser à d’autres corps, un homme et une femme aux termes d’une existence et d’une relation. Le générique fait appel à un son que certains ne connaissent pas, mais qui est présent dans la mémoire de spectateurs ainés et il trouvera son application/explication aux 2/3 du film. 45 Years (95’) est d’une durée équivalente à celle de Weekend (96’) [2]. Le film aurait d’ailleurs pu s’intituler Week car il décrit six jours de la vie d’un couple qui s’apprête à fêter ses 45 ans de mariage. C’est surprenant de fêter les noces de vermeil (45) et non celles d’émeraude (40 ans). C’est qu’un malencontreux pontage cardiaque de Kate a empêché cette célébration. Ces noces seront celles du souvenir et l’épouse qui les prépare confiera même les références des chansons qui ont "en-chanté" le jour de leur union. Fête d’aujourd’hui qui s’enracine dans le passé pour le célébrer au présent.
Mais un autre passé surgit des glaces éternelles en Suisse. C’est que 50 ans auparavant Kate a perdu son grand amour dans les montagnes. Hors ce corps a jamais disparu refait surface et la Suisse en informe celui qui était son compagnon d’escalade un demi-siècle auparavant. Nous ne verrons jamais ce corps glacé car le réalisateur ne va pas la jouer façon Hibernatus ou à la mode science-fiction. Mais la lettre qui annonce la découverte de ce corps retrouvé dans les montagnes suisses va faire jaillir des souvenirs qui vont refroidir la relation de Kate (Tom Courtenay) avec son épouse Geoff (Charlotte Rampling). Nous les accompagnerons six jours durant, une petite semaine, depuis la lecture de la lettre venue de Suisse et la célébration des noces de vermeil. Pourquoi et comment cette relation s’altère-t-elle à cause du souvenir ? Quelle a été la relation de Kate avec cette femme ? Pour Geoff, c’est la lettre d’une inconnue car elle ne sait rien de cette femme, de ce qui est au sein de la relation avec celui qui est son époux depuis si longtemps. Quelle image peut-elle avoir de cette femme qu’elle n’a jamais vue ? Comment découvrir les fruits d’un passé qui n’a pu naître à cause de la montagne ? Et ne se fait-elle pas justement une montagne d’une taupinière ? Et lui, qu’était en définitive cette femme pour lui ? Quel souvenir en garde-t-il et quel futur voyait-il pour eux ? Toutes ces questions seront traitées avec finesse et émotion par Andrew Haigh qui peut ici aussi filmer les émotions et les corps avec autant de tendresse, d’amour, de chaleur, de distance et de proximité qu’il le faisait pour Weekend. A la fin du siècle, pas de place pour un septième jour de repos, parce qu’il faut danser et figer les corps.
Une main s’accroche, retombe et là se dit tout l’indicible qui n’a pu se dire 45 ans durant. Un film (et des acteurs) bouleversant(s) à voir absolument.