Synopsis : Lors d’un repas de famille, Cédric, la trentaine, vivant toujours chez ses parents, apprend que sa sœur attend un enfant. Alors que tout le monde se réjouit de cette nouvelle, elle provoque chez lui un ressentiment qui va se transformer en fureur. Il tente alors d’établir, aux yeux des autres, le préjudice dont il se sent victime depuis toujours. Entre non-dits et paranoïa, révolte et faux-semblants, jusqu’où une famille peut-elle aller pour préserver son équilibre ? (ci-contre Arno et le réalisateur).
Acteurs : Nathalie Baye, Arno, Ariane Labed, Eric Caravaca, Julien Baumgartner, Thomas Blanchard.
Mise à jour : Le film est sorti en DVD le 16 février 2016.
Si Préjudice sort en Belgique début octobre, mes lecteurs français devront attendre janvier 2016 pour découvrir ce film belge remarquable et qui m’a bluffé. Toute la difficulté est d’en rendre compte sans trahir l’intrigue, car il est important que le spectateur découvre une ambiance, depuis les conflits feutrés, les non-dits accumulés jusqu’à une explosion de violence psychologique et d’agressivité qui nous laisse pantois ! La conclusion du film (qui aurait pu se clôturer sur un chant d’alpage autrichien !) ouvre d’intéressantes perspectives qui obligent à repenser le film, jusqu’à envisager de le revoir sous un autre angle !
Si Préjudice semble avoir des apparences de Festen selon certains confrères, ce n’est pas tellement ce film auquel j’ai songé (d’autant que la thématique n’a rien à voir). C’est plutôt du côté d’autres ambiances, en mode "huis clos" que mon esprit naviguait : Carnage de Polanski pour la violence verbale et psychologique, The Boys in the Band (Les garçons de la bande) de Friedkin pour le déballage de choses tues depuis longtemps (même si le thème - l’homosexualité - n’a rien à voir avec Préjudice) ; à certains moments, Shining de Kubrick n’était pas loin avec une atmosphère angoissante comme si quelque chose allait sourdre de la maison, d’une pièce, d’un couloir, d’on ne sait où, d’autant que la musique extradiégétique était angoissante à souhait.
Bien plus, le réalisateur, en utilisant une grande ouverture d’objectif, place beaucoup d’éléments dans le flou avec un focus sur quelques centimètres, parfois beaucoup moins ce qui rend les ambiances plus angoissantes encore.
Arno est fabuleux dans le rôle d’un père qui seconde et soutient son fils qui rêve de partir en voyage en Autriche et semble s’y préparer depuis longtemps, tant physiquement que (surtout) mentalement. L’arrivée de tiers (en particulier de l’un d’eux par encore né !) va susciter des comportements, poser (des) questions... Nous comprenons qu’il y a un problème avec Cédric (excellent Thomas Blanchard). Pourquoi Cédric est-il ou arrive-t-il déchaîné ? Pourquoi sa mère (Nathalie Baye) rejette-t-elle son fils ? Pourquoi le père se tait-il ? Et pourquoi le silence du beau-frère ? Quel est le secret de cette famille et pourquoi Cédric importune-t-il le petit Nathan, fils de sa belle-soeur, Cyrielle (Cathy Min Jung) ? Et justement, son mari, Laurent (Julien Baumgartner) que fait-il ? Pourquoi est-il absent ? Et s’il vient que se passera-t-il, que fera-t-il ?
Qu’est-ce qui enchaîne les protagonistes, pourquoi et à quoi ? Quel est le lit de leur histoire et pourquoi y est-on lié ? Qui souffre, qui a souffert ? Qui est, a été, sera préjudicié dans cette affaire ? En somme, à quoi tiennent notre raison, notre mental ? Quel est le prix à payer pour sauver (ou condamner) celui qui est différent ?
N’hésitez pas à lire, en complément, la critique de Nicolas Gilson sur "Un grand moment de" qui a également apprécié le film.