Synopsis : Malgré un tragique accident survenu pendant leur jeunesse, Victor, scientifique de renom, est depuis toujours heureux avec Lena. Un jour, avec son assistant Titus, il fait une découverte révolutionnaire : il serait possible d’envoyer des mails... dans le passé. L’envie de changer l’histoire, tout particulièrement celle de Lena, est irrépressible et Victor n’hésite pas longtemps à cliquer sur "envoyer". Mais aussi anodine que puisse sembler une intervention dans le passé, elle risque d’avoir de terribles répercussions.
Acteurs : Koen De Graeve, Matteo Simoni, Robrecht Vanden Thoren, Karina Smulders, Charlotte-Anne Bogaerts, Bart Hollanders.
J’ai apprécié ce film bien que je trouve qu’il souffre de quelques failles qui ne sont pas temporelles, mais qui ne devraient pas gâcher le plaisir des spectateurs belges flamands et bruxellois. En revanche, les Wallons et nos amis français risquent de ne pas avoir l’occasion de découvrir ce film en salle et j’ose espérer qu’il sortira en DVD avec des sous-titres français [1].
Le film nous fera voyager à plusieurs reprises dans le temps (mais pas dans l’espace, car nous sommes essentiellement à Leuven) d’une quinzaine de jours en arrière à 25 ans dans le futur. La plupart des acteurs sont bien connus dans le nord du pays, en particulier pour avoir joué dans des séries TV.
Nous sommes dans l’exploration d’un thème classique de la science-fiction : le voyage temporel. Il ne s’agira pas ici de faire voyager des humains, mais, "tout simplement" de l’information, à savoir des emails que des savants du futur envoient dans le passé, en particulier à des personnes dont la mort est imminente afin de diminuer le risque de modifier le futur de façon trop importante. Un savant, se rendant compte des risques liés à ce qui s’appelle l’effet "Casimir" dans le jargon scientifique du film, va demander à son collaborateur de ne pas utiliser l’invention... tout en l’utilisant lui-même, une seule fois pour faire en sorte que Lena, sa compagne et future mère de leur enfant, échappe à un accident qui l’a paralysée 25 ans plus tôt. On se doutera bien que l’on ne joue pas impunément avec le passé et avec le temps.
Le thème du retour dans le temps pour changer le passé grâce à une information obtenue du futur est présent dans la série Tru Calling [2] où une femme travaillant dans une morgue revient de quelques heures dans le passé et tente d’empêcher la mort de quelqu’un qui l’a "appelée à l’aide" après sa mort. Une information du futur qu’elle seule connait va lui permettre de changer le destin.
Ici, dans le film de Lukas Bossuyt, l’information obtenue du futur par email ne va pas permettre une issue heureuse. En réalité, les choses iront de plus en plus mal ou, du moins, chaque tentative de résoudre un problème en entraînera d’autres. On ne manquera pas de faire des liens avec Los cronocrímenes (Timecrimes), réalisé par Nacho Vigalondo en 2007. Là, Héctor, le "héros", voyage physiquement dans le temps, mais se trouvera confronté à plusieurs versions de lui-même et nous verrons les impasses et paradoxes temporels se déployer sous nos yeux. Un excellent film tourné avec peu de moyens et quatre ou cinq acteurs. Un autre film, Prédestinations, réalisé en 2014 par Michael et Peter Spierig met en scène une nouvelle de Robert A. Heinlein, All You Zombies, publiée en 1959 et qui est à ma connaissance un des plus brillants paradoxes temporels dans le domaine de la fiction.
Si Terug naar morgen n’est pas du niveau des deux précités il montre les enjeux liés au désir de changer le cours des choses plus que de nous montrer des boucles ou des paradoxes temporels. Il faut bien sûr un deus ex machina grâce à un message que des protagonistes se font parvenir au besoin par personnes interposées.
Il y a cependant quelques faiblesses. Une partie de l’action se situe le 11 mai 2015 et une autre 25 ans plus tard. Hélas, ce futur ressemble assez bien à celui d’aujourd’hui. On circule bien en vélos électrique (enfin, il y en a un à l’écran !), mais identique à ceux d’aujourd’hui. Idem pour les écrans tactiles et si les smartphones sont transparents, ils sont très proches de ceux d’aujourd’hui. De même, les adresses courriel n’ont pas changé et nous sommes toujours au standard quasi bloqué des IP4 (nous arrivons à saturation).
Difficile aussi d’imaginer que Victor qui a 6/7 ans en 2015 se retrouve professeur d’université et chef d’un projet hyper ambitieux dans la petite trentaine. Admettons... Mais si Matteo Simoni joue bien, son personnage âgé est peu crédible. C’est que le jeune acteur de 27 ans peut jouer un jeune de 20/25 ans sans problème, son vieillissement pour le faire passer à 45/50 ans ne passe pas à l’écran. Ce n’est pas la faute de l’acteur. Ou bien, il fallait un autre acteur ou un bien meilleur grimage.
Cela n’a pas gêné d’autres confrères et c’est probablement le geek fan de SF que je suis qui a regretté le manque de vraisemblance du futur (en acceptant bien entendu les conventions du genre). Malgré cela, le film est sympathique, agréable et nous montre les risques entraînés par les apprentis sorciers... même si c’est, en partie, par amour. Et quand on se rendra compte que tout commence par une bouse de vache !