Synopsis : A 51 ans, après 20 mois de chômage, Thierry commence un nouveau travail qui le met bientôt face à un dilemme moral. Pour garder son emploi, peut-il tout accepter ?
Acteurs : Vincent Lindon, Karine De Mirbeck, Xavier Matthieu.
Dès les premières images du film, j’avais l’impression que le prix d’interprétation deVincent Lindon était amplement mérité. L’acteur met ici tout son talent au service d’un scénario qui nous place face à des réalités auxquelles nombre de nos contemporains sont confrontés.
La majorité des acteurs sont des non professionnels et le rôle qu’ils jouent est souvent proche de leurs activités dans la "vraie vie". Tourné avec très peu de moyens, le film paraît plus être un docu-réalité plutôt qu’une fiction. Il m’est arrivé de penser aux documentaires Strip Tease produit par la télévision belge francophone.
Beaucoup de scènes sentent le "vécu" et nombre de spectateurs y reconnaîtront des situations dans lesquelles des amis, voire eux-mêmes, se sont retrouvés. A l’heure où la "Loi du marché" s’impose comme une règle qui transcende toutes les autres règles de gestion de la vie sociale et économique ce film est donc un coup de poing et probablement un coup de gueule auquel on ne peut qu’adhérer. Qu’il s’agisse des situations absurdes ou kafkaïennes auxquelles sont confrontés les chercheurs d’emploi, de la pression des banques, de la dévalorisation des individus à qui on "offre", comme une aumône, un emploi hors de leur qualification et bien entendu une rémunération rabaissée.
Deux tiers du film sont consacrés à la vie de Thierry avant qu’il ne trouve un emploi de vigile dans un supermarché. Plusieurs tranches de vie et autant d’expériences, parfois humiliantes, sont proposées, comme autant de leçons : Thierry au pôle emploi, Thierry à la banque, Thierry a la maison, Thierry avec son fils handicapé, Thierry vend - ou plutôt marchande - sa caravane, Thierry en entretien d’embauche (analysé par d’autres demandeurs d’emploi)... Ces différentes scènes enrichissent le propos du film car elles nous montrent soit des impasses, des avilissements et en tout cas les difficultés existentielles et humaines que Thierry rencontre dans son parcours pour obtenir un emploi, quel qu’il soit. En même temps, ce sont autant de hiatus dans la narration qui peuvent donner une impression de manque de fluidité.
C’est ainsi qu’au détour d’un plan nous découvrons que Thierry est vigile (nous ne saurons rien du comment, du pourquoi, des conditions). Nous le voyons aussi pousser sa voiture et ensuite prendre le bus sans trop comprendre ce plan, sinon peut-être plus tard parce qu’il sollicite un prêt et qu’il a besoin d’une voiture d’occasion. Ce travail de vigile n’a rien de passionnant : ce sera de la surveillance dans le magasin ou via les caméras de sécurité. De très voire trop nombreux plans nous montrent ces images de l’intérieur du magasin, manquant de définition. On y suit des client potentiellement voleurs... (voire des caissières) mais sans aller jusqu’à la visualisation des délits. Ce sera dans une salle d’interrogatoire, un espace très confiné, que serons amenés des clients ou employés qui ont été filmés et vus par les vigiles. Il s’agit parfois de peccadilles et Thierry devra prendre conscience de son implication dans des situations tragiques. On pourra toujours se dire qu’il n’y a pas mort d’homme, sauf que si ! En effet, celle d’une femme, d’une caissière va être l’occasion pour Thierry de commencer à réfléchir aux conséquences de ses actes. Mais quel en sera le prix à payer ?
Pour prolonger la réflexion...
Une invitation à lire cet article d’Alice Babin, étudiante en journalisme : ’Loi du marché, honte de cette cruauté’, dans Libération.