Synopsis : Dans la campagne anglaise de l’époque victorienne, une jeune héritière, Bathsheba Everdeene doit diriger la ferme léguée par son oncle. Femme belle et libre, elle veut s’assumer seule et sans mari, ce qui n’est pas au goût de tous à commencer par ses ouvriers. Bathsheba ne se mariera qu’une fois amoureuse. Qu’à cela ne tienne, elle se fait courtiser par trois hommes, le berger Gabriel Oake, le riche voisin Mr Boldwood et le Sergent Troy.
Acteurs : Carey Mulligan, Matthias Schoenaerts, Michael Sheen, Juno Temple, Tom Sturridge, Jessica Barden, Eloise Oliver.
Vingt ans après avoir fondé Dogme95 avec Lars Triers, Thomas Vinterberg nous propose un film qui est aux antipodes de cette charte cinématographique. Rupture de ce voeu de "chasteté" donc.
Vinterberg adapte le roman homonyme de Tom Hardy (1901, après une parution dans la revue Cornhill Magazine en 1880). Il s’agit de la troisième adaptation au cinéma. La première de Laurence Trimble, en 1915. La deuxième, remarquable est celle de de John Schlesinger, en 1967, avec Julie Christie, Terence Stamp et Alan Bates. On trouvera la bande-annonce de ce dernier à la fin de cet article.
Fallait-il une nouvelle adaptation de cette oeuvre ? Poser la question, c’est probablement y répondre. Tout comme d’autres films (tout récemment Journal d’une femme de chambre), il est toujours risqué de s’attaquer à de tels chefs d’oeuvre. La comparaison avec le modèle risque d’être cruelle. C’est donc le cas ici, comme l’ont signalé plusieurs confrères journalistes à la fin de la projection presse. Ils chérissent encore et à juste titre, le film de Schlesinger et ses remarquables interprètes. Si la comparaison est au préjudice de Vinterberg, son film est-il pour autant mauvais ?
Honnêtement, non ! Mais je dois vous avouer que je suis un garçon sensible et que j’aime parfois les films sentimentaux, à l’eau de rose, propres à faire pleurer dans les chaumières. Sentimental, ce film l’est assurément. Mais il est beau. La photographie est superbe. Tout cela est filmé de façon admirable. Bien entendu, Carey Mulligan n’arrive pas à la hauteur de Julie Christie. Manque-t-elle de crédibilité pour autant ? Pas spécialement pour moi, dans la mesure où elle représente une femme "moderne" en cette fin de XIXe siècle, mais dont la fraligilité n’est qu’apparente dans ce monde dominé par les hommes, entendons ici les "mâles". Matthias Schoenaerts, quasi mutique, est ici égal à lui-même et c’est bien là non pas le problème, mais ce qui risque de devenir un handicap pour lui. S’il excelle dans ce rôle, il risque d’être enfermé dans un genre. Il devrait d’urgence être engagé dans d’autres rôles, même à contre-emploi pour pouvoir nous montrer d’autres facettes de son jeu. S’agissant d’un film qui surfe sur la vague sentimentale, le contrat est largement respecté, et cela de façon très honorable.
Pour qui l’a lu et/ou a vu le Schlesinger, aucune surprise à l’horizon. Les autres trouveront que l’histoire est tissée de fils blancs... qu’elle est prévisible. Certes, mais hormis l’une ou l’autre scène, cette adaptation de 2015 est fidèle à celle de 1967 et toutes deux respectent le roman écrit selon les conventions littéraires de l’époque. On ne peut reprocher à Vinterberg d’avoir été fidèle au roman. Mais dans la mesure où il a été infidèle à son voeu de Dogma95 (ce qui est son droit bien entendu !), pourquoi ne pas être infidèle aux conventions romanesques et nous bousculer dans la foulée en nous proposant un film qui relirait le roman avec les intuitions de Festen et l’atmosphère de Jagten ? Espérons cependant que malgré ces réserves le film rencontre un succès auprès du public. Après tout il y a bien d’autres films bien plus décevants pour le critique et qui sont très largement appréciés du public. L’histoire, même convenue et la beauté des images de ce film en costumes font qu’il mérite très largement le détour par une salle.
Enfin, j’ose espérer que si le film a du succès, un éditeur en profitera pour nous sortir une version restaurée en Blu-Ray de celui de John Schlesinger.
bande-annonce en VO
Bande-annonce du film de John Schlesinger, UK, 1967