Synopsis du BIFFF : Quelques mois après l’assassinat brutal d’une jeune femme, sept hommes décident de former une milice afin de venger cet acte abominable. Ils savent que le meurtre a été commandité et que la chaîne des responsabilités comporte sept maillons, qu’ils vont s’employer à rendre encore plus faible que les nombreux clients du zapping qui se tapent la honte chez Laurence Boccolini. Comment ? En traquant, kidnappant et torturant chacun des responsables jusqu’à ce que ceux-ci bavent leurs aveux en faisant acte de contrition… Mais, si les petites mains du crime se dédouanent très vite en se cachant derrière les ordres donnés, le haut du panier crapuleux a plus de mal à se mettre à table. Et le clou rouillé sous l’ongle va vite céder sa place à d’autres techniques de torture, à foutre la nausée au plus tenace des bourreaux. Une montée dans les tours de l’horreur qui va doucement faire douter certains de nos justiciers autoproclamés…
Présentation du BIFFF : Le vingtième film de Kim Ki-duk confirme que le cinéaste reste aussi engagé qu’enragé : le choix du prénom de la victime, Min-ju, qui signifie phonétiquement démocratie, montre tout le bien qu’il pense de son gouvernement. Mais son coup de gueule transcende les frontières et son propos – aussi cru que violent – fait inévitablement écho au classique de Robert Merle (La mort est mon métier) ainsi qu’à la fameuse expérience de Milgram, qui démontrait par A + B(êêêle) que nous sommes tous des moutons en puissance…
Acteurs : Cho Dong-in, Don Lee, Kim Young-min, Lee Yi-kyung
Ce film de Kim Ki-Duk frappe fort et violemment et interroge sur les processus de violence et de vengeance. On songera bien entendu à l’expérience de Milgram (si même celle-ci et sujette à controverse, on lira avec intérêt l’article de Wikipedia - par exemple) mais aussi à des événements dramatiques récents qui amènent certains citoyens à demander le retour de la peine de mort. Nous sommes très loin de certains films plus poétiques du réalisateur, plus proche de certains autres très violents. One on One ne me semble pas son meilleur. Certaines outrances du propos pourront paraître nauséabondes. Il n’empêche, Kim Ki-Duk aborde ici des thèmes qui sont autant de questions sur notre humanité !
Le thème du film est présenté ci-devant. Une jeune fille est mise à mort par trois "exécutants". L’un d’eux informe un N+1 que "c’est fait" ! Celui-ci informe un autre, disons N+2 qui à son tour informe N+3 et le signale à un dernier, N+4. Sept maillons de décision.
À côté de cela, sept citoyens kidnappent un homme et le torturent. Ils ont une structure quasi militaire et veulent garder une certaine discipline. Ils vont interroger puis torturer un homme au sujet d’événements qui se sont déroulés un 9 mai. Deux autres suivront. Il s’agira d’obtenir des aveux avec autant de torture et de violence qui iront en s’accentuant, et cela ad nauseum, tant pour le spectateur que pour des membres de ce groupe des sept dont seul le chef semble être sûr de lui et de son bon droit.
Ici commencent de sérieux spoilers. À ne pas lire donc si vous désirez garder la surprise. Sachez cependant que l’histoire en elle-même n’a pas grande importance au contraire des questions posées, et des interrogations des différents protagonistes. Le "chef" est concerné au premier chef par le meurtre initial. Il s’agit de sa fille et il a recruté des hommes et femmes qui se sentent floués dans une société en perte de vitesse et de repères. Ce sont des gens qui ont été spoliés, abusés, appauvris, expulsés, que le "système" n’a pas reconnus. Ils sont quasiment au ban de la société.
Qui sont ses hommes qui ont exécuté de sans froid, par obéissance, respectant ainsi une chaîne de commandement (dont l’Histoire ne peut que nous rappelé les atroces applications) ? Qui sont ces hommes et femmes qui, en miroir d’une certaine façon, exécutent d’autres ordres pour obtenir la vérité, pour savoir qui et pourquoi ? En miroir parce que la différence est ténue entre les un et les autres qui font appel au plus inhumain dans leur coeur (à moins qu’il ne s’agisse-là de la singularité d’excellence qui nous distinguerait de la "Nature" ?).
La seule différence entre les premiers "bourreaux" et les seconds ? ces derniers s’interrogent à un moment donné sur ce qu’ils font. Tout comme dans l’expérience de Milgram, à un moment donné, les choses vont trop loin et certains ne pourront pas poursuivre. Comment alors justifier ce point d’arrêt et surtout que l’on est arrivé jusque là.
Le réalisateur interroge également sa propre société et sa nation en nous faisant découvrir "l’arrière-pays" de quelques-uns des vengeurs. La violence des promoteurs immobiliers, celle de l’homme sur la femme, celle d’un homme qui vole son meilleur ami... Tant de situations où des individus plutôt que de "rendre compte" vont "régler leurs comptes", demander à la société et à d’autres individus de "payer" la dette, quel qu’en soit le prix.
Et nous entrerons dans une boucle infernale. Question de bien enfoncer le clou dans la tête, Kim Ki-Duk nous fera découvrir qu’une nouvelle itération s’est mise en place lorsque le bourreau est devenu victime et que la victime est redevenue bourreau... pour se retourner vers le bourreau qui fut victime ! Vous suivez ? Peut-être pas ! Ici il s’agit donc de boucles existentielles et non de boucles temporelles comme pour un bon film de science-fiction du BIFFF !
Et s’il s’agissait d’une boucle temporelle quand même ? Si l’histoire se répétait depuis le premier acte de violence ? Symboliquement, en monde judéo-chrétien, cela commence avec Caïn ! Vous êtes sûr ? C’est peut-être Ève, avec cette histoire du fruit de la connaissance du bien et du mal ? Vous êtes sûr ? Et si c’était "Lui", lui qui les créa ? Vous êtes sûr ? Mais Lui" ne tire-t-il pas Adam (adama, la glaise, la boue...) de l’humus (humain), du sol... où nous retournons. J’arrête là, je risque de me perdre dans les boucles !