Synopsis : Victoria, fillette noire de milieu modeste, n’a jamais oublié la nuit passée dans une famille bourgeoise, à Paris, chez le petit Thomas. Des années plus tard, elle croise de nouveau celui-ci. De leur brève aventure naît Marie. Mais Victoria attend sept ans avant de révéler l’existence de l’enfant à Thomas et à sa famille. Sous le charme de la petite fille, ils lui proposent alors de l’accueillir régulièrement. Peu à peu, Victoria mesure les conséquences de cette générosité...
Acteurs : Catherine Mouchet, Alexis Loret, Pascal Greggory, Pierre Andrau, Guslagie Malanda, Nadia Moussa, Elise Akaba.
Au départ, il y a une nouvelle de Doris Lessing (1919-2013), Victoria and the Staveneys, parue dans le recueil dans le recueil The Grandmothers : Four Short Novels en 2003. Celle-ci se situe à Londres. Jean-Paul Civeyrac la transpose à Paris.
A l’arrivée : un film sans voix ! En effet, dès l’entame de cette adaptation au cinéma (je n’ai pas lu le roman), une voix off - envahissante - nous raconte, jusqu’à la fin du long métrage, l’histoire de Victoria. Elle sera narrée en plusieurs chapitres : Edouard, Thomas, Sam, Marie...
Ceux-ci nous font découvrir les rencontres, les amours de Victoria mais également la dépossession de sa vie ou au moins de son aînée, Marie. Le choix d’une voix off dépossède l’héroïne de sa propre vie. S’agit-il d’une option volontaire (est-ce présent dans la nouvelle ?) ? Si c’est le cas, la voix choisie ne convient pas et surcharge le film. Si ce n’est pas le cas, le réalisateur ajoute à la dépossession de l’enfant, celle de sa propre histoire au long des vingt années environ qui nous sont narrées.
Le film semble aborder (comme le faisait la romancière) les questions sociales, raciales et les ambiguïtés de la bourgeoisie. Malheureusement, cela ne fonctionne pas bien. Outre - encore - la voix off narrative beaucoup trop artificielle - écrasant les images et, paradoxalement la narration - certains personnages manquent de crédibilité. Ainsi, les parents de Thomas et d’Edouard Catherine Mouchet et Pascal Greggory surjouent un rôle quasiment caricatural de bobos. Ils sont de gauche dans un appartement luxueux et immense. Ils sont acteurs, ouverts... mais envahissants, condescendants parfois et surtout possessifs vis-à-vis de Victoria et ensuite de sa fille Marie.
C’est que leur cadet est le père de celle-ci. Thomas est interprété par le jeune Pierre Andrau. C’est son premier long métrage. Et s’il arrive à bien incarner son personnage à l’adolescence, il manque sérieusement de crédibilité lorsqu’il est censé avoir une petite dizaine d’années en plus ! Il parait là si fragile, si frêle, beaucoup trop jeune alors qu’il est confronté aux responsabilités d’un jeune adulte. En revanche, le tout jeune Balthazar Dejean de la Batie (son premier rôle) est émouvant et crédible dans le rôle du tout jeune Edouard qui sent naître en lui une attirance pour la plus jeune Victoria.
Je reste donc sur une impression mitigée. Le thème ouvrait de larges horizons. Ceux-ci sont bloqués par des défauts ou des artifices dans la construction du film et le jeu de certains acteurs. Mon amie Victoria est sorti en France l’an dernier, et sera projeté en Belgique à Flagey de mi-mars à fin mai. Malgré cette impression en demi-teinte, le film peut se laisser voir : les images sont belles avec de bons sentiments exprimés. Si vous y allez en famille, ce pourrait être l’occasion d’un échange entre adultes et adolescents pour réfléchir aux enjeux que le réalisateur a tenté d’atteindre dans son film.