Genre : Drame, science-fiction
Durée : 100’
Acteurs : Jean Dujardin, Marie-Josée Croze, Daphné Richard...
Synopsis :
L’Homme qui rétrécit, nouvelle adaptation du roman culte de Richard Matheson, nous entraîne dans le sillage de Paul, un homme ordinaire, qui partage sa vie entre son entreprise de construction navale, sa femme Elise, et leur fille Mia. Lors d’une sortie en mer, Paul se retrouve confronté à un étrange phénomène météorologique inexpliqué. Dès lors, Paul rétrécit inexorablement, sans que la science ne puisse lui expliquer pourquoi ni lui être d’aucun secours. Quand, par accident, il se retrouve prisonnier dans sa propre cave, et alors qu’il ne mesure plus que quelques centimètres, il va devoir se battre pour survivre dans cet environnement banal devenu périlleux.
La critique de Julien
On attendait beaucoup des retrouvailles entre Jean Dujardin et Jan Kounen, dix-huit ans après "99 Francs" (2007). C’est d’ailleurs Dujardin lui-même qui est à l’origine de cette réunion, nourrissant depuis longtemps le rêve de revisiter "L’Homme qui rétrécit" (1956) de Richard Matheson. Avec le producteur Alain Goldman (déjà à l’œuvre sur "99 Francs"), il a dès lors réussi à convaincre Kounen, séduit, d’une part, par le défi technique que représente cette nouvelle adaptation du roman – après celle de Jack Arnold en 1957 – et, d’autre part, par l’idée de renouer avec un genre qu’il pensait avoir laissé derrière lui. Produit pour 21 millions d’euros (!), cet ambitieux projet est-il seulement à la hauteur du gouffre existentiel qui se joue pour cet homme qui, sans explication scientifique, se met à rétrécir ?
Quand la science s’efface et que naît le vertige existentiel
Récit de survie philosophique, "L’Homme qui rétrécit" s’ouvre sur une citation libre de l’œuvre de Richard Matheson [1], et voit un bon père de famille et mari aimant perdre inexorablement en taille, au même rythme qu’il perd en volume corporel, disparaissant peu à peu de la vie de ceux avec qui il la partage. Une situation inexorable et défiant toute logique biologique, qui deviendra le vertige d’un homme voyant le monde grandir infiniment autour de lui à mesure qu’il rapetisse. Sauf que le film ne tient pas ses promesses, ou du moins passe à côté de la grandeur cosmique, métaphysique et poétique du roman de Matheson.
L’illusion des proportions qui peine à trouver l’émotion
Peu avare en paroles, le film use dès lors d’une voix off à travers laquelle le personnage incarné par Jean Dujardin, Paul, interroge son existence tandis qu’elle s’efface à l’échelle humaine. Or, cela ne sonne pas très naturel à l’écran, et peine à résonner autant que l’imagerie qui s’y déploie. Car techniquement, Kounen joue habilement sur la différence d’échelle, confrontant, par exemple, le regard d’une fillette grandeur nature à celui de son père devenu minuscule, et devenu la figurine de sa maison de poupée. Une illusion rendue crédible à l’écran par le jeu des proportions et la mise en scène du hors-champ. Cependant, le traitement du flou de profondeur rend parfois l’intégration visuelle brouillonne. Mais le réel souci est sans doute ici l’écriture du film...
Rétrécir pour mieux interroger l’infini
Si l’on observe bien l’isolement et le désarroi de cet homme qui rétrécit, on peine pourtant à ressentir, à la mesure de sa diminution, le drame intime qui se joue pour lui et les siens. D’ailleurs, sa famille disparaît trop tôt du récit, soit dès le premier incident où il s’évanouit des radars, privant le film de l’ancrage émotionnel qui aurait pu lui donner une plus grande force. Très vite, sa disparition ne se vit plus qu’à la hauteur du personnage lui-même, comme s’il n’existait déjà plus aux yeux du monde. On s’étonne d’ailleurs qu’aucune mesure n’ait été prévue dans l’éventualité de cette disparition pourtant inévitable (bien qu’il ait refusé toute aide ou traitement). S’ensuit alors un survival en cave, moins inventif qu’incohérent, où Paul se retrouve (presque) seul au monde, face à une "méchante bébête" qu’il avait, à taille normale, refusé de tuer. C’est pourtant dans ce face-à-face final que réside la véritable portée de "L’Homme qui rétrécit" : celle d’un retour à l’humilité, où l’être humain se (re)découvre simple élément d’un vaste écosystème, au sein d’un monde devenu, en quelques mois, soudainement infini. Un vivant parmi d’autres, donc, où chaque espèce est légitime d’exister et occupe, à sa manière, une part du fragile équilibre commun.
