Genre : Science-fiction
Durée : 122’
Acteurs : Jared Leto, Greta Lee, Evan Peters, Jeff Bridges, Hasan Minhaj, Jodie Turner-Smith, Cameron Monaghan, Gillian Anderson, Sarah Desjardins...
Synopsis :
L’étonnante aventure d’un Programme hautement sophistiqué du nom de Ares, envoyé du monde numérique au monde réel pour une mission dangereuse qui marquera la première rencontre de l’humanité avec des êtres dotés d’une intelligence artificielle...
La critique de Julien
15 ans qu’on attendait ça ! En effet, après des années de gestation, le troisième film de la saga initiée en 1982 par Steven Lisberger débarque enfin dans les salles ! "Ares" succède ainsi à "Tron : l’Héritage" (2010) de Joseph Kosinski, lequel avait été, à l’époque, une déception commerciale, d’où la réticence des studios et l’attente de longue haleine de cette suite. Réalisé par le cinéaste norvégien Joachim Rønning, à qui l’on doit les blockbusters "Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar" (2017) (cosigné avec son collaborateur d’autrefois Espen Sandberg) et "Maléfique : Maîtresse du Mal" (2019), cet épisode situe bien évidemment son intrigue à l’ère de l’intelligence artificielle, alors que ce ne sont cette fois-ci plus les humains qui se retrouvent propulsés dans "la Grille", mais bien les entités numériques de celle-ci qui s’immiscent dans notre réalité...
Un héritage numérique et philosophique
On se souvient du caractère visionnaire du premier opus, "Tron" (1982), véritable pionnier de la représentation du monde numérique au cinéma, dans lequel Kevin Flynn (Jeff Bridges), un concepteur de jeux vidéo, se retrouvait aspiré dans le système informatique qu’il avait lui-même conçu. Dans "L’Héritage" (2010), Flynn ayant disparu, c’était son fils Sam (Garrett Hedlund) qui plongeait à son tour dans "la Grille", découvrant un monde numérique dominé par la figure totalitaire de CLU, la création dévoyée de son père, incarnée par Jeff Bridges, mais dont le visage rajeuni numériquement reposait sur celui de l’acteur John Reardon. Le troisième volet, lui, renverse donc la dynamique. En effet, ENCOM, désormais dirigée par l’endeuillée Eve Kim (Greta Lee), cherche à comprendre les implications éthiques et humaines de la fusion entre réalité et virtuel, alors que des entités issues du monde virtuel semblent désormais capables d’exister dans la réalité, mais pour une durée limitée. En effet, elles ne subsistent pas plus de 29 minutes, d’où l’utilité de trouver le "code de permanence". La demoiselle mettra alors la main dessus en explorant une ancienne base créée par Kevin Flynn. Mais cette découverte attisera la convoitise de Julian Dillinger (Evan Peters, sous les traits du petit-fils de l’ancien antagoniste Ed Dillinger, joué par l’acteur défunt David Warner). Ce dernier tente de créer Ares (Jared Leto), une intelligence artificielle consciente d’elle-même et conçue pour être le "soldat parfait", au sein d’une quête de contrôle absolu et de domination technologique.
Un spectacle visuel et sonore impressionnant
On ne peut pas dire qu’on passe un mauvais moment devant "Tron : Ares", même s’il manque furieusement d’humour et d’âme. Pourtant, ce n’est pas faute de questionner l’humanité face au monde numérique et la frontière poreuse qu’il y présente entre les deux univers, et entre le bien et le mal. Efficace et sans temps mort, le film de Joachim Rønning divertit grâce à son emballage visuel des plus tape-à-l’œil : la photographie de Jeff Cronenweth fait des miracles de couleurs, entre le rouge vif et le noir, où néons, faisceaux lumineux et courses de motos Light Cycles nous en mettent plein la vue. Mais ce sont surtout nos oreilles que le film gâte, lui qui est emmené par une bande originale vrombissante. Et quelle bande originale ! En effet, celle-ci a été concoctée par le groupe de rock industriel Nine Inch Nails, composé de Trent Reznor et Atticus Ross, lesquels n’avaient plus composé de bande originale sous ce nom depuis la musique du jeu vidéo "Quake" (1996), bien qu’ils en aient signé dix-neuf autres depuis ! Succédant à Daft Punk, le groupe nous livre ici une symphonie électrorock viscérale qui claque, en témoigne le titre "As Alive as You Need Me to Be". Et c’est très certainement là l’atout majeur de "Tron : Ares". Mais on ne peut pas en dire autant d’Ares lui-même...
Tron : arrête
L’acteur et musicien Jared Leto interprète certes à merveille Ares, un programme informatique prenant vie dans le monde réel, mais uniquement parce que son jeu est dénué d’émotions, lui qui ne dégage pas grand-chose, et encore moins le charisme d’un "parfait soldat". Il est décidément loin le temps pour l’artiste d’un rôle à la hauteur d’un Oscar, lui qui avait obtenu celui du meilleur acteur dans un second rôle pour "Dallas Buyers Club" (2013) du regretté Jean-Marc Vallée. Souvenez-vous de son dernier égarement en date : "Morbius" (Daniel Espinosa, 2022)... Face à lui, Evan "Dahmer" Peters joue un antagoniste caricatural se brûlant les ailes par avidité de pouvoir, tandis que l’actrice Greta Lee, révélée par le sublime "Past Lives" (Celine Song, 2023), fait ce qu’elle peut pour exister dans ce déluge d’effets numériques à très gros budget. Dommage finalement que toute cette entreprise cinématographique serve un scénario des plus prévisibles et aussi troué... qu’une grille. Certes, nous sommes là face à de la science-fiction, mais lorsque celle-ci devient consciente d’elle-même et tente de nous faire réfléchir sur les enjeux actuels de l’IA, un semblant de crédibilité se doit d’être de mise. Sauf que le film repose sans cesse sur des facilités scénaristiques déconcertantes, déjà datées, et des retournements de situation qui peinent à convaincre. Et ce n’est pas une séquence nostalgique facile et stylisée qui va changer la donne, elle dont les conséquences sur le récit sont d’autant plus irréelles que la science-fiction elle-même. Bref, on était en droit d’en attendre plus de l’univers "Tron", d’autant plus après 15 ans d’attente. Or, si la fin du film appelle un quatrième opus, rien ne garantit qu’il verra le jour, vu l’accueil très tiède réservé à "Ares" dans le monde. À moins que ce ne soit dans trente ans ?
