Genre : Science-fiction, action
Durée : 129’
Acteurs : David Corenswet, Rachel Brosnahan, Nathan Fillion, Isabela Merced, Edi Gathegi, Skyler Gisondo, Anthony Carrigan, Maria Gabriela de Faría, Nicholas Hoult, Frank Grillo, Bradley Cooper, Sean Gunn, Pruitt Taylor Vince, Wendell Pierce...
Synopsis :
En juillet, DC Studios et Warner Bros. Pictures vous invitent à découvrir une nouvelle vision du tout premier super-héros moderne, réalisée par James Gunn. Avec son style unique, James Gunn nous livre un film spectaculaire, drôle et touchant, et dresse le portrait d’un SUPERMAN animé par la compassion et guidé par une foi inébranlable en la bonté humaine.
La critique de Julien
Pendant que le MCU de Kevin Feige mord la poussière chez Marvel Studios, et espère sauver l’honneur avec la Phase VI de son univers, laquelle débutera en juillet 2025 avec la sortie très attendue des "Quatre Fantastiques : Premiers Pas" (de Matt Shakman), James Gunn, lui, dégaine plus vite que son ombre pour DC Studios. Souvenez-vous : Walt Disney Company avait licencié le cinéaste à la suite de plusieurs tweets controversés, avant de faire finalement volte-face pour qu’il puisse offrir un digne départ aux "Gardiens de la Galaxie" ; trilogie qu’il a entièrement dirigée. Warner Bros. avait alors profité de la situation pour l’engager comme scénariste et réalisateur de leur prochain blockbuster issu des DC Comics, "The Suicide Squad" (2021), sauf qu’il avait également créé la série spin-off "Peacemaker" (2022) pour le service de streaming HBO Max. De l’eau a coulé sous les ponts, et Gunn est depuis devenu co-président de DC Studios avec le producteur Peter Safran. La suite, on la connaît : avec autant d’ambition que de crainte, ces derniers ont définitivement mis fin à l’hémorragie du DC Extended Universe, clôturé avec le douloureux "Aquaman et le Royaume Perdu" (James Wan, 2023). Place désormais au DC Universe, et au premier chapitre de celui-ci, intitulé "Gods and Monsters", lequel s’ouvre avec "Superman", réalisé par Gunn lui-même. Mais un peu plus de dix ans après avoir découvert chez Zack Snyder une nouvelle version du kryptonien grâce aux traits d’Henry Cavill, n’était-il pas un peu trop tôt pour relancer une histoire que nous connaissons déjà tous ?
Pas une origin-story, mais un nouveau départ
Inimitable, le cinéma de James Gunn transparaît frontalement dans "Superman", et offre un coup de pied aux fesses moulées du héros extraterrestre, lequel a l’intelligence de ne pas raconter ici une énième origin-story. En effet, dans cet univers, des méta-humains dotés de super-pouvoirs sont apparus sur Terre depuis trois siècles, tandis que le plus puissant d’entre eux, Superman, agit à Metropolis depuis trois ans. Mais alors que le monde vacille, tiraillé par des tensions géopolitiques, notamment entre la Boravie et le Jarhanpur, et qu’une méfiance croissante vise les surhumains, Lex Luthor va profiter de la situation pour discréditer Superman, et servir ses propres intérêts politiques et militaires. Clark Kent (de son nom civil), journaliste au Daily Planet et compagnon de Lois Lane, se retrouvera alors grièvement blessé en affrontant un mystérieux ennemi, appelé le Marteau de Boravie, bien qu’il soit secouru par son chien Krypto qui, malgré sa loyauté, ne semble pas toujours obéir. Après avoir pris parti pour les Jarhanpuriens, opprimés dans le conflit contre la Boravie, Kal-El sera dès lors mis à mal. Pour se réconforter, il réécoutera alors depuis sa Forteresse de la Solitude le message d’adieu de ses parents biologiques – ou du moins, la première moitié de celui-ci, qui l’exhorte à être un symbole d’espoir pour l’humanité. À moins que sa venue sur Terre ne réponde en réalité à un tout autre dessein ? Telle est la question au cœur de ce métrage, Superman voyant ici son identité ébranlée. Heureusement, son sensible père adoptif lui rappellera que ce sont ses choix, ses actions qui font de lui ce qu’il est vraiment : le plus humain des extraterrestres !
L’effet Gunn
Sans temps mort, "Superman" relance donc les dés, et fait un coup gagnant. Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance, étant donné que nous n’attendions pas de sitôt une redite de l’histoire du tout premier super-héros moderne, créé par Jerry Siegel (scénariste) et Joe Shuster (dessinateur) en 1938, apparu dans le numéro 1 de Action Comics publié par DC Comics (alors National Allied Publications). Pourtant, il était donc quelque part logique de renouveler l’univers cinématographique DC avec ce personnage ayant largement contribué à définir les codes du genre, joué ici avec à la fois suffisamment d’assurance et de vulnérabilité par David Corenswet, succédant ainsi au charismatique Henry Cavill. Face à lui, Rachel Brosnahan n’est pas dupe sous les traits de l’intelligente et fougueuse Lois Lane, tandis que Nicholas Hoult est génialement machiavélique en Lex Luthor, l’ennemi juré de Superman, rongé par l’envie d’être reconnu pour son génie scientifique téméraire. Nouveau casting, donc, pour un super-souffle de fraîcheur qui dépoussière les aventures de Superman, inspirées ici – entre autres – par celles de la bande dessinée "All-Star Superman" (2005-2008) de Grant Morrison et Frank Quitely. Et ce n’est pas tout, puisque James Gunn y introduit également la Justice Gang, composée du présomptueux Guy Gardner (Nathan Fillion, alias Green Lantern), de Hawkgirl (Isabela Merced) et de Mister Terrific (Edi Gathegi). Ce dernier vole d’ailleurs irrésistiblement la vedette à ses coéquipiers avec sa redoutable nanotechnologie et ses T‑Spheres multifonctions, ce qui compense aisément son absence de super-pouvoirs, entre rigueur scientifique et ingéniosité. Même si l’on est frustré du manque de développement de l’ensemble des personnages, certains arrivant là comme un cheveu dans la soupe, Gunn fait également exister au temps soit peu une galerie de seconds rôles autour de Superman, lesquels font, un moment ou un autre, leurs preuves : Anthony Carrigan en Métamorpho, Skyler Gisondo en Jimmy Olsen, un jeune photographe et collègue le plus proche de Clark et Lois, en passant par Sara Sampaio en Eve Teschmacher, l’assistante et petite amie "cruche" de Luthor ; mais alors seulement en apparence. Sans oublier Krypto ! L’écriture rafraichissant - à défaut d’être novatrice, non sans facilité et prévisibilité - de James Gunn, et l’implication de tout ce beau monde font dès lors de ce film une réussite, portée par la marque de fabrique significative de son metteur en scène, à savoir son humour sincèrement irrévérencieux, son amour éclatant pour les super-héros (aussi glorifiés, marginaux ou rejetés soient-ils) et la virtuosité de sa mise en scène, pop, trash, et tendre à la fois, entre équilibre émotionnel et visuel assumé.
"Levez la tête", et profitez du spectacle (pas si) attendu !
Certes, le "Superman" de James Gunn est bien un film de science-fiction avec tout ce que cela appelle d’effets numériques sans demi-mesure, à l’image de la dimension de poche, soit un espace alternatif confiné et hors du temps accessible par de puissants moyens technologiques. Riche d’action, le film ne lésine donc pas sur les CGI, lui qui a profité d’un budget de production de 225 millions de dollars. Son réalisateur dote alors sa mise en scène d’une photographie à l’étalonnage de couleurs chatoyant et stylisé, grâce au travail d’Henri Braham, lequel l’accompagne sur tous ses films depuis "Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2" (2017), tandis que Gunn fait une nouvelle fois preuve d’ingéniosité visuelle. Ainsi, Gunn n’offre pas ici qu’un florilège d’effets spéciaux sans âme, et raconte avant tout la quête et la reconstruction identitaire d’un être dont l’humanité est remise en question, d’un "immigrant venu d’ailleurs et qui a peuplé le pays" (d’après les propos de James Gunn recueillis par le Times). "Superman" nous montre aussi comment il est facile de retourner l’opinion publique (naïve) contre autrui, la bonté humaine étant facilement pervertie ou instrumentalisée à des fins souvent idéologiques, économiques, autoritaires ou politiques. Toute ressemblance - même appuyée - avec la réalité n’est évidemment pas fortuite. Efficace, et mariant à la fois émotion, chaos et légèreté humoristique, "Superman" ne joue donc définitivement pas dans la même cour que la version de Zack Snyder, sans être de plus une bouillie numérique telle que sa suite, "Batman v Superman : L’Aube de la justice" (2016). Cependant, tout n’est pas à sauver dans le film de James Gunn, dont justement ce trop-plein de scènes de studio, sur fonds verts. Cela dit, cela n’engage en rien notre appréciation du film, étant donné qu’on ne voit pas comment réaliser un film de science-fiction super-héroïque sans images de synthèse, et d’autant plus "Superman". De plus, l’assurance et l’entrain avec lesquels James Gunn s’approprie le mythe pourraient énerver, lui qui ne peut s’empêcher d’y injecter du second degré, mais toujours bien dosé, et au service de son intrigue. Qu’à cela ne tienne, c’est justement pour ce point, et la personnalité qu’il confère au personnage de David Corenswet, qu’on aime son film. On en ressort donc en partie rassuré pour la suite, c’est-à-dire pour "Supergirl" (de Craig Gillespie) et "Clayface" (de James Watkins), eux qui sortiront – si tout va bien – l’année prochaine. Mais dans l’absolu, dire que le film a un quelconque intérêt cinématographique reviendrait à dire que la kryptonite est un remède pour Superman...
