Synopsis : Cinquante Nuances de Grey, d’après le roman éponyme, best-seller mondial et véritable phénomène de société, est l’adaptation littéraire pour l’écran la plus attendue.
L’histoire d’une romance passionnelle, et sexuelle, entre un jeune homme riche amateur de femmes, et une étudiante vierge de 22 ans.
Acteurs : Dakota Johnson, Jamie Dornan, Luke Grimes, Jennifer Ehle, Max Martini, Eloise Mumford, Marcia Gay Harden.
Gris or Grey ?
Ma note, équivalente à un petit 2,5/10 témoigne de la réception de nombreux critiques cinéma. On pourrait ne pas critiquer ce film, laisser tomber. Mais il y a aussi des choses qui étonnent. Dès lors, je vais traiter de cette adaptation, malgré le fait que nous découvrons, à défaut de l’homme sans qualités un film sans qualités ! Il y a en effet un énorme buzz sur la Toile : un nombre incroyable de places achetées en pré-vente (en Belgique 75.000 au moment où j’écris ces lignes ; un multiplex namurois qui le projette dans toutes ses salles - douze - le jour du lancement) : un roman sulfureux - que je n’ai pas lu -, un embargo pour les journalistes jusqu’au mercredi 11 février à 10h00, y compris les médias sociaux. Voilà qui laissait augurer d’une expérience extraordinaire. Quel souvenir en ai-je gardé ?
En fait, ce qui m’aura le plus marqué et qui reste le plus en mémoire de la vision presse, c’est le dress-code qui imposait la cravate grise ! C’est donc tout de gris vêtu que je suis allé en vision presse. Mes « gris » tout en nuances... mais en fait le gris est de peu d’importance dans le film dont l’histoire tient sur un bout de papier. Il me semblait que le synopsis était bien léger et que j’en découvrirais plus à l’écran. En réalité, tout était déjà dans le résumé. Par ailleurs, en fait de gris, il s’agit de Grey, de M. Grey, donc, multimilliardaire de 27 ans (dans le roman).
Un goût de Twilight ?
Pendant la projection j’ai pensé à plusieurs films - j’y reviendrai - mais je me suis dit à certains moments : "c’est comme un Twilight sans vampires" ! En préparant cette chronique, je découvre en lisant l’article Wikipedia consacré à la romance érotique (de la Britannique E. L. James) de 2012 que : "La trilogie Cinquante nuances de Grey a d’abord été une fanfiction basée sur l’univers de Twilight et s’appelait à l’origine Master of the Universe. James la publiait petit à petit sous le pseudo « Snowqueen’s Icedragon » sur différents sites de fanfiction. Les personnages centraux étaient à l’origine Edward Cullen et Bella Swan, issus de Twilight, de Stephenie Meyer. Le roman est alors considéré comme une romance érotique. Après avoir reçu des avertissements concernant le contenu explicitement sexuel du texte, James a supprimé l’histoire de ces sites et l’a publiée sur son propre site, FiftyShades.com."
Il y avait donc bien quelques échos à cette saga adolescente mais, en fait, l’essentiel - si essentiel il y a - n’est pas là. En Belgique, le film est interdit aux moins de 16 ans (18 ans en Grande-Bretagne ; 17 aux USA). On nous annonce 20 minutes de scènes de sexe cumulées (seul Michael Winterbottom aurait fait mieux avec 9 songs, un film musical, romantique, érotique avec des scènes de sexe explicite). A l’arrivée, difficile d’y voir un film à ce point scandaleux dans ces scènes qu’il faille l’interdire aux moins de 16 ans. Je pense que 12 ans, comme en France, correspond mieux à ce que l’on voit (ou plutôt ne voit pas !) à l’écran.
« Pretty Woman » ?
Dès les premières minutes du film certains spectateurs pourront penser au film The Devil Wears Prada (Le diable s’habille en Prada). C’est ce que l’arrivée d’une jeune fille en total décalage vestimentaire dans l’immeuble hyper luxueux de la société Grey, propriété du jeune multimilliardaire du même nom, pouvait laisser penser. Mais les échanges de regards lors de la petite interview (la jeune fille remplace sa colocataire pour cet entretien destiné au journal du lycée) laissent entendre que ce ne seront pas les vêtements qui seront l’enjeu et qu’il ne sera pas question de mode. C’est plutôt du côté de Pretty Woman qu’il faudrait se tourner, s’agissant d’un homme riche qui tombe amoureux (ou pas - telle est la question au terme du film !) de cette jeune fille.
Prenons une image : le film serait donc une sorte de shaker avec un cinquième de Pretty Woman, un soupçon de Eyes Wide Shut, voire de Loft ; on mélange le tout avec un mauvais alcool, on fouette ensuite et nous avons quelques nuances de Grey… dans un appartement hyperluxueux (sans compter voitures, hélicoptère, planeur...). Le film semble d’ailleurs prétexte à un placement de produits luxueux et à nous montrer une maison tout aussi luxueuse que l’on imagine très bien dans des revues sur beau papier glacé pour faire rêver dans les chaumières… sans luxe !
Sadomaso, vraiment !?
Tout l’intérêt du film consiste(rait) alors à nous faire découvrir une relation de soumission (elle) et de domination (lui) sur base d’un contrat à négocier - le cas échéant - sur les pratiques acceptées ou pas par la « soumise ».
Les scènes de relations et/ou de sexe SM (sado-masochiste) sont assez bien filmées, avec sensualité : c’est une réalisatrice qui est aux commandes. En revanche, c’est la relation SM qui ne fonctionne pas à l’écran. La beauté éventuelle des images ne résout pas tout. Et les scènes paraissent bien artificielles, même si l’on devine derrière certains mots échangés qu’il doit y avoir un peu de « psychologie » à quatre sous qui permettra d’interpréter l’attitude de M. Grey (notamment l’enfance difficile d’un enfant adopté). S’agissant de relation SM, Lars von Triers était autrement plus convainquant dans Nymphomaniac II avec le chapitre consacré à la relation SM entre K (Jamie Bell) et Joe (Charlotte Gainsbourg). Ici, c’est trop sage, trop beau, trop artificiel, pour que tout cela soit crédible.
Le film se termine sur la fermeture d’une porte d’ascenseur, laissant de chaque côté les protagonistes, chacun prononçant le prénom de l’autre. Ouverture probable ou potentielle à une ou plusieurs suites…
Mise à jour : Lien vers la critique d’un de mes amis, jeune critique cinéma et rédacteur en chef de Cinephilia. Thibault est, vous lirez, beaucoup plus négatif que moi (assez souvent "bon public") !