Genre : Thriller, horreur
Durée : 115’
Acteurs : Jodie Comer, Aaron Taylor-Johnson, Ralph Fiennes, Jack O’Connell, Erin Kellyman, Edvin Ryding...
Synopsis :
Près de trente ans se sont écoulés depuis que le virus de la rage s’est échappé d’un laboratoire d’armes biologiques. Aujourd’hui, alors que la quarantaine est toujours imposée de manière impitoyable, certains ont trouvé le moyen de survivre parmi les infectés. L’un de ces groupes de survivants vit sur une petite île reliée au continent par un chemin unique et lourdement défendu. Lorsqu’un des membres du groupe quitte l’île pour une mission dans le cœur sombre du continent, il découvre des secrets, des merveilles et des horreurs qui ont fait muter non seulement les infectés, mais aussi les autres survivants.
La critique de Julien
Dix-huit ans se sont écoulés entre "28 Semaines plus tard" de l’Espagnol Juan Carlos Fresnadillo et ce troisième volet de la saga créée par Danny Boyle. Autrement dit, une éternité ! Et celle-ci est d’autant plus marquée à l’écran puisque l’intrigue de ce film se situe près de trente ans après les événements de "28 Semaines plus tard", embrassant alors pleinement l’écart temporel entre les films, au lieu de s’inscrire dans une suite immédiate - une décision qui souligne l’attente presque générationnelle du public. Souvenez-vous dès lors qu’à l’époque, "28 Jours plus tard" (2002) avait rapporté plus de dix fois sa mise de huit millions de dollars au box-office mondial, lequel avait révélé l’acteur irlandais Cillian Murphy aux yeux – infectés – du monde entier. Puis vient cinq ans plus tard une suite, voyant Boyle revenir uniquement en tant que producteur délégué, tandis que l’écriture avait été réalisé à quatre mains, mais sans celle – au départ – d’Alex Garland. Inscrit au Panthéon des meilleurs films de zombies selon Cinécure, "28 Semaines plus tard" fut alors une véritable déflagration de terreur, digne héritière du film de Danny Boyle. C’est ainsi qu’après de (trop) nombreuses années de gestation, notamment en raison de conflits sur les droits de la franchise, le producteur du premier volet Andrew Macdonald a réussi à racheter les droits de la franchise à Searchlight Pictures, qu’il a ensuite revendus à Sony Pictures à condition qu’ils acceptent d’en financer des suites, ce qui est maintenant doublement chose faite. D’une part, "28 Ans plus tard" débarque au cinéma, mais sa suite, "The Bone Temple", tournée dans la foulée, sortira déjà en janvier prochain, dirigée par Nia DaCosta, à qui l’on doit notamment "Candyman" (2021). Ce film devrait d’ailleurs voir le retour sur grand écran de Jim, soit le personnage joué par Murphy, alors qu’un troisième pourrait voir le jour en fonction de la réception des deux premiers. Or, autant dire qu’il y a bien à boire et à dévorer dans ce troisième volet.
Rien n’a-t-il vraiment changé avec le temps ?
La question est sur toutes les lèvres : est-ce que ça valait vraiment la peine d’attendre si longtemps pour découvrir ce nouveau film ? Autant dire que la réponse est à nuancer, et n’est pas si évidente au regard des espoirs qu’on avait placés en lui. "28 Ans plus tard" marque ainsi le retour de Danny Boyle à la réalisation, d’Alex Garland à l’écriture, et du directeur de la photographie Anthony Dod Mantle, tandis que Cillian Murphy en est coproducteur exécutif. Vingt-huit ans plus tard, le virus de la "fureur" est "éradiqué en Europe occidentale", tel que le générique nous l’apprend (verra-t-on un jour l’assaut de Paris ?). Mais celui-ci sévit toujours en Grande-Bretagne, sous quarantaine indéfinie, laissant dès lors les survivants à leur sort. Sur une île soumise aux marées, et reliée par une chaussée fortifiée au continent anglais, une population insulaire a dès lors appris à vivre avec les virus à ses pieds, dont Jamie (Aaron Taylor-Johnson), son épouse Isla (Jodie Comer), atteinte d’une maladie inconnue (faute de médecin, et donc d’un diagnostic), et leur fils de 12 ans, Spike (Alfie Williams), lequel s’apprête à vivre sa première sortie avec son père sur le continent, tel un rituel initiatique. Spike découvrira alors pour la première fois des infectés rampant au sol et autres Alphas, gonflés à la testostérone, et donc aux membres disproportionnés (de quoi en complexer plus d’un – vive les prothèses !), capables de contrôler d’autres enragés. Bref, de quoi rythmer la balade de ce père et de son fils, lui qui découvrira aussi la splendeur de la nature, de laquelle il est possible de ne plus voir la mer à perte de vue. D’ailleurs, le jeune garçon remarquera au loin, pendant la nuit, un brasier. Bref, il ne faudra plus attendre longtemps - et encore moins 28 ans - avant que les ennuis commencent...
Mieux vaut (18 ans plus) tard que jamais !
Qu’on se le dise, on reconnaît très vite la mise en scène nerveuse et créatrice de Danny Boyle, lequel réinjecte rapidement ici ce qui faisait le sel et l’adrénaline de "28 Jours plus tard". Filmé majoritairement à l’aide d’iPhones 15 Pro Max (posés sur une plate-forme circulaire) et de drones, son film est une immersion post-apocalyptique dans un univers soumis aux lois de... "sa caméra". Or, celle-ci est virevoltante ! Bénéficiant également d’appareils photo et de caméscopes numériques permettant de capter des lieux déserts dans les délais impartis par les autorités, "28 Ans plus tard" donne presque le tournis lors de ses scènes d’action, que ce soit grâce à son large format d’images épousant l’imprévisibilité ultra-violente des infectés ou à la rapidité d’exécution de l’image. Les acteurs ont également pu tourner leurs propres mouvements de caméra, tels en caméra embarquée, nous donnant à voir des plans uniques et insoupçonnés, tandis que le dispositif d’iPhones a permis de filmer simultanément des scènes sous plusieurs angles, offrant à Boyle et à son monteur Jon Harris une plus grande flexibilité de montage. Enfin, certains plans profitent d’un effet bullet time aussi désarçonnant que terriblement original, ce qui donne à voir un décalage, une pause d’une microseconde au moment où, par exemple, une balle est tirée et se loge dans la tête d’un macabé. Visuellement, "28 Ans plus tard" jouit également de séquences nocturnes tournées en infrarouge, mais également de la photographie étendue d’Anthony Dod Mantle, tandis que l’inquiétante bande originale des Young Fathers, bien que n’arrivant pas à la hauteur de celle de John Murphy, participe pleinement à la tension ambiante et au sentiment de menace impitoyable qui rôde tout le long du film. Le travail du son joue aussi de la frénésie propre au virus, tandis que résonne le poème de guerre de Rudyard Kipling, "Boots", interprété par Taylor Holmes (1915), aussi effrayant que désorientant. En d’autres termes, Danny Boyle n’a rien perdu en efficacité, son œuvre baignant dans la folie de ses aînés. Techniquement, "28 Ans plus tard" est à voir, et n’a donc ni à rougir ni à (faire) trembler de terreur face à ses origines virales...
Memento (a)mori : mais à quel prix ?
Scénaristiquement, par contre, les choses se corsent pour "28 Ans plus tard", alors qu’on attendait beaucoup mieux de la part d’Alex Garland, à qui l’on doit les films et scripts de "Warfare" (2025), "Civil War" (2024) et "Men" (2022) – pour ne citer que les plus récents. En effet, bien que sans temps morts, l’histoire de cet opus n’est jamais aussi viscérale que celle de ses prédécesseurs. Toujours en route, "28 Ans plus tard" est davantage une aventure survoltée qu’un véritable film d’horreur en soi, abandonnant d’ailleurs aussi explicitement qu’implicitement certains de ses personnages en chemin, ou s’en séparant bien trop vite. Le manque de profondeur d’écriture de ceux-ci ne permet dès lors aucunement à ses acteurs d’atteindre la puissance et la férocité des jeux de Cillian Murphy ou de l’excellent Robert Carlyle dans les précédents films. Quoi qu’il en soit, derrière cette course contre la montre pour la survie, le film de Danny Boyle construit son récit d’apprentissage autour du passage à l’âge (semi-)adulte d’un garçon (touchant Alfie Williams), évoquant nébuleusement les conséquences du Brexit vis-à-vis de l’isolement du Royaume-Uni et de sa contamination, ou encore l’importance du souvenir et de l’amour, ici par le biais d’une famille elle-même contaminée par cette nouvelle vie. Pour autant, le métrage ne va pas (encore) au bout de ce qu’il entreprend. En effet, en cherchant à se renouveler, ce projet, sans doute audacieux, finit par nous laisser sur notre faim - notamment avec un cliffhanger complètement barré, annonçant la suite des hostilités, qui arrivera plus tôt que prévu. Plus assumé, hallucinogène, voire hétéroclite, et surtout beaucoup moins sombre, "28 Ans plus tard" semble alors prendre une direction qu’on n’avait pas vue venir, ce qui a de quoi déstabiliser, mais aussi intriguer. Bref, s’il ne répond pas à toutes les attentes, le film pose de nouvelles questions. Et c’est peut-être ça aussi, le vrai pari du film : infecter la saga d’une mutation (ir)réversible.