Genre : Horreur, thriller
Durée : 99’
Acteurs : Sally Hawkins, Billy Barratt, Jonah Wren Phillips, Sally-Anne Upton, Stephen Phillips, Sora Wong...
Synopsis :
Un frère et une sœur découvrent un rituel terrifiant dans la maison isolée de leur nouvelle mère adoptive.
La critique de Julien
Sorti dans nos salles il y a quelques semaines, et toujours disponible dans les meilleures salles de Belgique (alors qu’il sortira en France le 30 juillet prochain), "Substitution : Bring Her Back" est le second film des frères Philippou après "La Main" (2023). Film d’horreur indépendant ayant révélé le talent des deux réalisateurs au monde entier, "La Main" était un véritable premier coup d’éclat mêlant deuil adolescent, possession démoniaque et horreur psychologique, et ce avec une maîtrise troublante et une mise en scène aussi oppressante que viscérale. S’il manquait encore d’assurance et d’ambition, un bel avenir était cependant promis au cinéma des frères Philippou, tandis qu’une suite à leur film fut rapidement annoncée. Toutefois, ces derniers ont préféré mettre d’abord en scène un film dont on ne pouvait pas ne pas vous parler, à savoir "Substitution : Bring Her Back". Écrit une nouvelle fois par Danny Philippou et Bill Hinzman, on y suit deux jeunes demi-frères et sœurs endeuillés, lesquels vont se retrouver au milieu d’un rituel occulte réalisé par Laura, soit leur mère adoptive, jouée par la toujours atypique Sally Hawkins...
Macabre charge émotionnelle
Difficile de rester insensible face au caractère éprouvant de ce film d’horreur âpre et cauchemardesque, lequel remplit son quota de scènes gores et d’intenses effrois. En effet, les frères Philippou n’y vont pas de mainmorte pour mettre en scène cette histoire de plus en plus inquiétante, vacillant crescendo vers ce qui s’annonce comme inéluctable, malgré une fin prévisibilité, tandis que l’intrigue joue d’une emprise et manipulation psychologique assez classiques. Mais les réalisateurs y font preuve d’une irréprochable maîtrise en matière de suspense, alors que ses deux jeunes – et même trois – protagonistes vont être les victimes de la déraison, et indirectement du mal absolu. Or, c’est bien ici le thème du deuil – sous différentes formes – qui réunit ses personnages, par la perte d’un être cher, la douleur incommensurable et le déni que celle-ci provoque. C’est d’ailleurs cette perte qui va pousser, en plein désespoir, l’inquiétant personnage de Sally Hawkins à l’imparable, jusqu’à un rituel démoniaque, et de surcroît absolument infâme pour ramener celle qu’elle a perdue. Et autant dire qu’on ne pèse pas nos mots, étant donné ici de véritables visions horrifiques à faire froid dans le dos, ou à donner la nausée, d’autant plus que la chose touche ici à des enfants, sacrifiés dès lors sur l’autel de la mort, mais pour redonner paradoxalement la vie. Or, c’est justement ce qui intéresse ici les cinéastes, soit la frontière entre le monde des vivants et des morts, et le danger de chercher à la traverser. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si les frères s’octroient ici de succincts et lumineux instants de poésie, via la symbolique, face dès lors à l’horreur absolue, entre cannibalisme, possession et autres mutilations.
Hantise d’un amour familial destructeur
Outre ses effluves notamment sanguinolentes et ses présences fantomatiques, "Substitution : Bring Her Back" est un film de genre qui tourmente et tisse une toile d’araignée dans laquelle ses protagonistes vont être la proie, avant d’être dévorés de l’intérieur. Pour marquer d’autant plus le coup, et prolonger ainsi l’impact de l’horreur refoulée ici frontalement montrée, Danny Philippou et Bill Hinzman y font côtoyer avec profondeur l’intime et la psychologie de leurs personnages principaux, lesquels révèlent leurs traumas ou conditions au fil du récit, à la fois dense et de plus en plus lugubre. Cela renforce l’empathie envers ces demi-frères et sœurs, surmontant déjà à la base une terrible épreuve, qui réveille à elle seule de terribles démons. Pourtant, ce n’est rien face à ce qui les attend. Joué par le surprenant Billy Barratt et l’actrice malvoyante Sora Wong, ainsi que par le terrifiant Jonah Wren Phillips (l’autre fils adoptif de Laura), ce jeune casting épate et assume son jeu, ce qui invite à croire d’autant plus à leur histoire, laquelle garde d’ailleurs du mystère, à la lisière du réel. Ainsi, on apprécie que la part occulte de celle-ci ne dévoile pas toutes ses réponses, elle dont les mécanismes sont pourtant bien visibles au travers la déformation et la pourriture des corps, ainsi que via de vieilles VHS que la mère adoptive regarde pour réaliser ce qu’elle se doit de faire, et qu’on n’oserait pas regarder seul chez soi. Autrement dit, les frères Philippou assument ici davantage leurs idées, et prennent même étonnamment parti, au regard du final, en eaux troubles. Il s’agit donc là d’une nouvelle réussite, bien qu’on pourrait cependant reprocher quelques déconcertantes facilités d’écriture, lesquelles viennent quelque peu gâcher la tenue exemplaire de ce film d’horreur absolument tragique. Mais "Substitution : Bring Her Back" prouve qu’on n’a pas fini d’entendre parler des frères Philippou, d’ailleurs aidés ici par la photographie pluvieuse et suffocante d’Aaron McLisky, lequel les a donc retrouvés après leur premier film. Il ne sera définitivement pas le seul à leur être fidèle !