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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Carine Tardieu
L’Attachement
Sortie du film le 19 février 2025
Article mis en ligne le 16 mars 2025

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 106’

Acteurs : Valeria Bruni Tedeschi, Pio Marmaï, Vimala Pons, Raphaël Quenard, Juliette Armanet, César Botti...

Synopsis :
Sandra, une quinquagénaire farouchement indépendante partage soudainement et malgré elle l’intimité de son voisin de palier et de ses deux enfants. Contre toute attente, elle s’attache peu à peu à cette famille d’adoption. Mais qui est-elle pour eux ? Qui sont-ils pour elle ?

La critique de Julien

On se devait de vous parler du dernier film de Carien Tardieu, "L’Attachement", tant qu’il est encore à l’affiche, lequel vient d’ailleurs de franchir la barre des 600 000 entrées en France, devant ainsi son plus grand succès. Adapté du roman "L’Intimité" (2001) d’Alice Ferney, c’est Fanny Ardant qui lui avait conseillé de l’adapter au cinéma, la réalisatrice l’ayant quant à elle dirigée dans son précédent métrage, "Les Jeunes Amants" (2022). Et comme le bon vin, force est de constater que son cinéma ne cesse de se bonifier, laquelle nous livre là un film d’une extrême sensibilité réconfortante. "L’Attachement" raconte l’histoire de Sandra, une cinquantenaire célibataire affirmant son indépendance affective, laquelle tient une librairie féministe. Cependant, la rencontre avec la famille qui habite l’appartement du même palier va voir ses certitudes voler en éclats.

Ballet de portes qui s’ouvrent

"L’attachement" fait partie de ces films qui nous arrachent d’emblée aussi bien une larme qu’un sourire. Il y a, certes, le décès d’une mère de famille en mettant au monde sa fille, Lucille, et dès lors le chagrin et l’incompréhension d’un père, Alex (Pio Marmaï), et de son jeune garçon de six ans, Elliot (César Botti), mais il y a aussi leur véritable rencontre avec la voisine, Sandra (Valeria Bruni Tedeschi). Sans jamais forcer les choses, Carine Tardieu ouvre alors les portes pour laisser rentrer l’affection et l’empathie dans des vies solitaires, ici en deuil ou défaite d’attrait, dont envers les enfants. Avec son écriture au cordeau, la scénariste et écrivaine traite alors de thèmes universels avec une délicate précaution et une justesse qui bouleverse.

Valeria Bruni Tedeschi comme vous ne l’avez jamais vue

C’est tout en retenue et sobriété que l’on découvre ici Valeria Bruni Tedeschi, à des années-lumière de l’expansivité qu’on lui connaît et, par exemple, de son rôle dans "La Fracture" (Catherine Corsini, 2021). Exceptionnelle, l’actrice est troublante dans la peau de cette femme moderne qui a bâti sa vie loin des diktats de patriarcat, entre indépendance et célibat assumés, et sans véritablement chercher l’affection d’autrui. Pourtant, l’arrivée impromptue dans son appartement d’un petit garçon - en attendant que ses parents se rendent à l’hôpital pour la naissance de sa petite sœur - va tout changer, et d’autant plus le drame vécu par celui-ci et son père, désormais veuf. Tout comme Carine Tardieu a dû apprendre à devenir une bonne mère pour sa fille adoptive, le personnage de Valeria Bruni Tedeschi va construire un certain attachement pour cette famille en reconstruction, tout en gardant toujours une certaine distance nécessaire à sa propre survie. Or, c’est justement ce subtil équilibre entre émotion et lucidité avec lequel Sandra va laisser entrer dans sa vie l’impossible lutte contre l’attachement qui fait notamment de ce film une touchante réussite, lui qui nous prend alors par la main sans qu’on ne veuille la lâcher. Outre une voisine, Sandra va ainsi devenir un substitut affectif au sein de l’épreuve du deuil, mais surtout une amie fidèle, elle qui ne pensait pas en être capable un jour... Pour autant, Sandra n’est pas le troisième sommet du triangle que construit ici en place Carine Tardieu, mais plutôt son centre de gravité.

La vie après la mort

Outre à Valeria Bruni Tedeschi, la réalisatrice offre également ici un magnifique rôle à Pio Marmaï, qui incarne un père à la dérive, lequel doit surmonter la disparition de son épouse, la naissance de sa fille et, entre eux, s’occuper d’Elliott, en plein éveil. L’acteur, sur le qui-vive de l’émotion, est troublant dans le rôle de cet homme épuisé en quête de sens, de réponse, mais également d’une épaule sur laquelle s’appuyer pour rebondir, quitte à se perdre face à la violence des sentiments qui le frappent. Pourtant, celui-ci choisira de regarder du côté de la vie, du moins pour les enfants, dont Elliott, incarné par le très jeune César Botti, 5 ans et demi au moment du tournage, et pourtant formidable de curiosité et de répondant. Dans ce triangle en (re)construction, Carine Tardieu laisse alors la place au troisième sommet à la possibilité de la famille recomposée, par le prisme du personnage joué par la révélation Vimala Pons. Occupant une place difficile, Émilia ne sera alors jamais l’épouse qu’Alex a perdue, ni la mère qu’Elliott n’aura plus. Son intégration à petits pas dans la cellule familiale s’avère dès lors ici désarçonnante de courage et d’intériorité, elle qui marchera sans cesse sur des œufs, et devra accepter d’occuper une position délicate, et sans doute insatisfaisante, tapie dans l’ombre. D’ailleurs, l’attachement, ça ne s’invente pas, et ça ne s’impose pas...

Une ode à la force et à l’imprévisibilité de l’attachement

Carien Tardieu nous livre avec sa nouvelle réalisation une œuvre d’une jolie finesse d’écriture, laquelle nous invite ainsi dans la vie de personnages terriblement humains, lesquels, las, auraient sans doute préféré que la vie ne les fasse jamais se rencontrer. Pour autant, cette histoire nous montre que les insurmontables épreuves de celle-ci peuvent être soulagées lorsque l’on accepte, quelque part, de briser les chaînes qui nous préservaient jusque-là, et de s’ouvrir aux autres. Si ce n’est une dernière partie qui cherche sans doute trop à offrir un point de vue aux différents protagonistes, quitte à nous éloigner un peu trop de certains (c’est qu’on s’y... attache !) pour se rapprocher d’un autre et de ses enjeux au sein de cette magnifique histoire, "L’Attachement" est un film coup de cœur, où l’abandon est synonyme de réparation, de (re)naissance.



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