Genre : Science-fiction
Durée : 139’
Acteurs : Robert Pattinson, Steven Yeun, Toni Collette, Mark Ruffalo, Naomi Ackie, Daniel Henshall, Chelsea Li...
Synopsis :
Pour Mickey, mourir est une habitude. Car il est un consommable, engagé volontaire pour tester les dangers auxquels est soumis l’humanité. En cas de décès, il se trouve régénéré avec la plupart de ses souvenirs. Mais que se passerait-il si Mickey 17 survivait à Mickey 18 ?
La critique de Julien
"Mickey 17", c’est la libre adaptation du roman "Mickey7" d’Edward Ashton, lequel est paru en 2022, soit après la mise en développement de son adaptation cinématographique. Autrement dit, les producteurs du film - dont Brad Pitt et Jennifer Aniston via leur société Plan B Entertainment - se sont empressés d’en acheter les droits, voyant là tout le potentiel de ce récit de science-fiction. Mais surtout, ce dernier a rapidement intéressé le cinéaste sud-coréen Bong Joon-ho. Et on comprend pourquoi. Réalisateur à succès à qui l’on doit - parmi d’autres prestigieux prix - l’Oscar du meilleur film et la Palme d’Or pour "Parasite" (2019), "Mickey 17" nous transporte au sein d’un voyage galactique dans lequel Robert Pattinson interprète un "remplaçable", soit un humain réplicable au service de la recherche scientifique. Après avoir été maintes fois repoussé pour cause de grève SAG-AFTRA (en 2023) ou suite à un retard de montage (pour lequel son metteur en scène aurait eu le privilège de la version finale), "Mickey 17" est-il, lui, unique en son genre ?
Nous sommes alors en 2054, où Mickey Barnes (Pattinson) fuit la planète Terre avec son ami Timo (Steven Yeun), lesquels s’engagent comme membres d’équipage d’un vaisseau spatial dont le but est de coloniser une planète lointaine - et glacée - du nom de Niflheim. Sauf que Mickey n’a pas lu tout le contrat de la mission pour laquelle il s’est engagé. Or, il aurait dû ! C’est ainsi qu’il se retrouvera à être le cobaye d’une technologie interdire sur Terre, soit le clonage par réimpression. En effet, Mickey sera réquisitionné pour des expérimentations ou des missions mortelles, lui qui renaîtra alors à chacune de ses morts, mais avec des souvenirs restaurés. Après quatre années de voyage, et avoir entamé une relation amoureuse - pourtant proscrite - avec l’agente de sécurité Nasha Barridge (Naomi Ackie), Mickey, qui en est déjà à sa dix-septième itération, se verra alors charger d’entrer en contact avec les créatures qui habitent cette planète ; les "rampants".
Sauveur ou destructeur ? Qui est donc la véritable vermine ?
Difficile de savoir où Bong Joon-ho a voulu en venir avec "Mickey 17", tant son film, après une première partie pleine d’inventivité et d’efficacité, se perd dans un dédale d’idées malheureusement inabouties. Politiquement cynique, son film dépeint alors les horreurs du colonialisme et de l’extermination des espèces, via ici la figure d’un politicien raté, outrancier, autoritaire et égocentrique, interprété par un caricatural Mark Ruffalo (et son dentier), aux faux airs (volontairement) trumpistes, sans oublier son épouse (Toni Colette), d’autant plus vilaine. Inspirant à ses troupes la peur et la menace que représente l’inconnu, le politicien y est alors dépeint comme un être assoiffé par la conquête de nouvelles ressources, exploitant les aspirations des individus pour servir ses propres ambitions, quitte même à sacrifier les siens et à exterminer toute autre forme de vie pour y parvenir. Face à lui, le protagoniste désabusé de Robert Pattinson, Mickey (17), fait dès lors pâle figure, lequel n’est finalement qu’un pion, qu’une marionnette au service d’un système oppressif.
Science-fiction politico-sociale
Pour autant, Bong Joon-ho ne développe jamais explicitement ses enjeux, et se contente d’ouvrir des brèches, insufflant ainsi la réflexion, mais de manière éparpillée, et toujours avec des gants. En effet, on a connu le bonhomme plus corrosif. Les messages codés derrière son intrigue foutraque restent dès lors aussi flous que les intentions douteuses du personnage arriviste absolument grotesque de Mark Buffalo, aux sombres desseins. Pour autant, le cinéaste s’amuse à rebattre les cartes, et nous montre que celui qui maîtrise les règles du jeu n’est pas forcément le plus futé. Intimidations et coups de bluff inversent dès lors ici la tendance, au jeu du plus fort. On apprécie davantage lorsque Bong Joon-ho questionne l’existence, la définition de l’être humain, étant donné ici un homme dont le corps est sans cesse renouvelé par la science, perdant dès lors son libre arbitre, et aliénant ses libertés individuelles. "Mickey 17" traite dès lors en sous-texte de la chosification, de l’exploitation sans éthique de l’être humain par la société. Autrement dit, Bong Joon-ho nous tient en haleine, et développe des thèmes très profonds, voire philosophiques, et cela au sein d’un film d’auteur de science-fiction à très gros budget de production (118 millions de dollars). Or, cela est devenu tellement rare que c’est à signaler. Et cela devrait le devenir d’autant plus avec l’échec commercial que s’apprête malheureusement à devenir ce film...
Exécution en demi-teinte
Il y a à boire et à manger dans "Mickey 17", lequel nous immerge dans un univers futuriste en réponse aux tares de la société capitaliste dans laquelle nous vivons actuellement. Bong Joon-ho parvient alors sans mal à capter notre attention, étant donné des décors et effets numériques très réussis, et un récit qu’on ne peut (globalement pas) prédire, surtout lorsque les humains se retrouvent en contact avec les extraterrestres de Niflheim ; les "rampants", finalement assez mignons (comme c’est souvent le cas chez Joon-ho ; repensez à "Okja", sorti sur Netflix en 2017). Mais quand bien même Joon-ho aurait eu raison du montage final, on peine à s’en satisfaire. En effet, la seconde partie de son film fait l’effet d’un soufflé au fromage qui retombe, laquelle manque certainement de rythme, ou peut-être tout simplement de direction. C’est comme si le réalisateur du génial "Parasite" n’avait pas su quoi faire de son film et de son univers, pourtant très alléchant, et pertinent dans ce qu’il soulève de légères réflexions, tout en divertissant. Mais l’équilibre est loin d’être parfait, ce qui fait de "Mickey 17" un rendez-vous laissant comme un goût de trop peu, surtout au regard du CV de son metteur en scène. Cependant, son retard de production et ses reshoots auraient pu nous mettre sur la voie. Une petite déception, donc.