Genre : Comédie
Durée : 112’
Acteurs : Franck Dubosc, Laure Calamy, Benoît Poelvoorde, Joséphine de Meaux, Kim Higelin...
Synopsis :
Michel et Cathy, un couple usé par le temps et les difficultés financières, ne se parle plus vraiment. Jusqu’au jour où Michel, pour éviter un ours sur la route, heurte une voiture et tue les deux occupants. Deux morts et 2 millions en billets usagés dans le coffre, forcément, ça donne envie de se reparler. Et surtout de se taire.
La critique de Julien
Quoi de mieux que de commencer l’année en compagnie d’un ours ? Et qui plus est dans le Jura ? Après avoir mis tout le monde d’accord avec son premier film en tant que metteur en scène, "Tout le Monde Debout", et nettement moins avec "Rumba la Vie" (2022), son second effort au cœur tendre ayant essuyé un échec commercial, Franck Dubosc vend la peau de l’ours avant de l’avoir tué en s’attaquant à la comédie noire, et incisive. Mais le comédien, coscénariste et réalisateur a plus d’un tour dans son sac, et réussit une nouvelle fois à (d)étonner en nous livrant sans doute, déjà, l’une des comédies de l’année.
Assumant pleinement son hommage au film "Fargo" (1996) des frères Coen, Franck Dubosc nous offre ici son propre western rural, tourné dans la France profonde du Massif du Jura, lui dont les décors étaient déjà à l’honneur ces derniers mois dans les films "Le Roman de Jim" des frères Larrieu et le récent premier film de Louise Courvoisier, "Vingt Dieux". Or, le cinéaste a mis ici la main à la patte, et partagé l’écriture à quatre mains. Et l’on comprend pourquoi, tant "Un Ours dans le Jura" a plus d’une corde à son arc et joue sur plusieurs registres différents, et nécessitait de pouvoir passer de l’un à l’autre avec fluidité, au regard du montage, lequel relevait, quelque part, du défi. Or, s’il n’y a déjà rien ne plus difficile que de faire rire, il fallait au film réussir cela tout en posant ses bases dans une intrigue où les relations humaines sont au cœur, et d’autant plus avec un certain rapport à une réalité bien ancrée, tandis que Dubosc devait trouver un équilibre entre comédie et film noir, histoire de ne pas trop déstabiliser son public. Or, malgré quelques ruptures de ton pas toujours adéquates, Franck Dubosc nous a concocté ici un film aussi réjouissant, touchant que cadavérique.
D’emblée, son film n’aurait pas la même saveur sans ses personnages aussi humains, désenchantés, et pas forcément tous gentils les uns que les autres. Il y a d’abord Michel (Franck Dubosc) et Cathy (Laure Calamy), un couple de gérants d’une sapinière, alors usé par le temps et les difficultés financières, parents de Doudou (Timéo Mahaut), eux qui ne se parlent plus beaucoup, jusqu’au jour où, un 20 décembre, pour éviter de percuter un ours, Michel heurtera une voiture, tandis que ses deux occupants mourront, par effet boule de (fausse) neige... Fuyant les lieux, Michel retournera dès lors chez lui pour tout expliquer à son épouse, fan de romans policiers. C’est alors qu’ils retourneront sur place, et découvriront un sacré pactole dans le coffre de ladite voiture, leur donnant, outre que le besoin de parler, l’envie de se taire, et de réfléchir ! En parallèle, le major de gendarmerie (Benoît Poelvoorde), enquêtera, lui, sur l’arrivée de migrants quelque peu constipés, et retrouvés seuls, dans les bois, lui qui essaie au quotidien de se rapprocher de sa fille adolescente (Kim Higelin), tout en étant aussi tracassé par le gigot qu’il doit préparer pour le Réveillon de Noël afin d’impressionner son ex-femme et son nouveau compagnon, dès lors invités. Enfin, il y a aussi la relation entre ce même major et sa collègue affutée, mais enrhumée, Florence (Joséphine de Meaux), et dévouée à son métier, et sans doute un peu trop. Sans compter sur d’autres personnages secondaires, tous aussi savoureux. Outre donc le Jura, tous auront ainsi, à un moment donné, un même dénominateur commun, à savoir l’argent, passant entre leurs mains d’une manière ou d’une autre. Les acteurs s’en donnent dès lors à cœur joie, de Calamy à Poelvoorde, en passant par Joséphine de Meaux et, forcément, par Dubosc, lesquels n’en font jamais des tonnes, et ont également eu la lourde tâche de faire rire, tout en jouant tout le temps au sérieux, dans un film qui se devait d’être drôle à des moments bien précis, et très souvent lorsqu’on ne devait pas l’attendre. Or, force est de constater que ce film, c’est du miel !
Plutôt bien ficelé, le scénario du film permet alors sans cesse de faire rebondir son intrigue entre comédie noire, drame social et film policier, tout en gardant toujours au fond de lui une grande part d’humanité, et d’absurde. On s’amuse dès lors de voir ce couple essayé de se dépatouiller comme il le peut pour s’en sortir et repartir un peu plus riche qu’il ne l’était, tout comme de voir finalement cette communauté villageoise en proie, non pas seulement à un ours, mais à un trafic [...], laquelle va dès lors réagir à hauteur des vies humaines simples et campagnardes qui la régissent. Avec un soupçon d’immoralité bien placée et d’irrévérence, ces réactions osées et terriblement naturelles apportent un certain mordant au film, lequel s’apprécie donc autant pour sa comédie que son ironie, tandis que Dubosc parvient aussi à y offrir un joli écrin aux hommes et femmes aux conditions marginalisées ou isolées. Ainsi, le cinéaste se permet aussi bien ici d’empaler une victime à un tronc d’arbre qu’à nous sortir des répliques aussi tendres que sensées ("le meilleur moyen de se retrouver, c’est de savoir où on va se perdre"), ce qui n’est pas pour nous déplaire !
Alors que le film avait fait l’objet d’une polémique incendiaire sur les réseaux sociaux durant son tournage après que des promeneurs aient critiqué la soi-disant utilisation par la production de polystyrène comme neige artificielle aux abords de la cascade La Billaude, près de Champagnole, alors qu’il ne s’agissait, en fait, que de cellulose totalement biodégradable (ce qui fut confirmé par l’Office français de la biodiversité du Jura), nous, nous vous conseillerons de ne pas vous fier aux apparences, et de découvrir, sans hésitation, "Un Ours dans la Jura" en salle, lequel devrait forcément rencontrer son public, et asseoir Franck Dubosc comme comédien et artiste de cinéma qui n’est jamais aussi bon que lorsqu’il dirige, et se dirige !