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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Emmanuel Courcol
En Fanfare
Sortie du film le 04 décembre 2024
Article mis en ligne le 5 décembre 2024

par Julien Brnl

Genre : Comédie dramatique

Durée : 103’

Acteurs : Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco, Jacques Bonnaffé, Clémence Massart, Anne Loiret...

Synopsis :
Thibaut est un chef d’orchestre de renommée internationale qui parcourt le monde. Lorsqu’il apprend qu’il a été adopté, il découvre l’existence d’un frère, Jimmy, employé de cantine scolaire et qui joue du trombone dans une fanfare du nord de la France. En apparence tout les sépare, sauf l’amour de la musique. Détectant les capacités musicales exceptionnelles de son frère, Thibaut se donne pour mission de réparer l’injustice du destin. Jimmy se prend alors à rêver d’une autre vie..

La critique de Julien

Quand la musique est bonne ! "En Fanfare", c’est la comédie dramatique française événement de cette fin d’année, celle qui est sur toutes les lèvres et dans toutes les oreilles, en témoigne sa dizaine de prix du public remportés dans les festivals par lesquels il est passé, dont à Namur, où il avait été présenté en film d’ouverture. Or, après "Un Triomphe" (2021), adapté de l’histoire vraie du comédien suédois Jan Jönson qui, en 1985, avait monté la pièce "En attendant Godot" (1948) de Samuel Beckett avec des détenus d’une prison de haute sécurité, force est de constater que son cinéaste Emmanuel Courcol continue à donner de la voix aux marginaux par l’art, qu’il soit - forcément - cinématographique, théâtral ou, ici, musical. Et celui-ci va même plus loin avec "En Fanfare", aboutissant à une harmonie (re)trouvée entre deux frères que tout oppose (si ce n’est leur patrimoine génétique), eux qui ignoraient jusque-là l’existence l’un de l’autre... Et autant dire d’emblée qu’on applaudit la partition sans fausses notes de ce film aussi léger que profond, inscrit d’autant plus dans une réalité sociale urgente, et interrogeant avec émotion et déterminisme le pouvoir fédérateur et réparateur des maux par l’usage de la musique...

Tel un chef d’orchestre, Emmanuel Courcol dirige à la baguette ce film à la tonalité d’écriture et de mise en scène mesurée, sans cesse en équilibre parfait entre les genres auxquels il se greffe, telle une moelle osseuse dans le corps d’un individu malade, tout en prenant. Comédie populaire, comédie sociale, et surtout drame au diapason, "En Fanfare" nous raconte ainsi l’histoire d’un maestro de renommée mondiale qui, après s’être écroulé sur scène, va découvrir qu’il a été adopté, et séparé de son frère lorsqu’ils étaient enfants. Or, ce dernier pourrait aujourd’hui lui sauver la vie. Mais alors que Thibaut Désormeaux (Benjamin Lavernhe) voyage aux quatre coins du monde, celui-ci devra se rendre dans le nord de la France, à Walincourt, soit dans la ville natale de leur mère, afin de rencontrer Jimmy Lecoq (Pierre Lottin, déjà dans le précédent film du cinéaste). Modeste employé de cantine scolaire, Jimmy, séparé de la maman de sa fille adolescente, partage pourtant une même passion (même si à des niveaux différents) que celle de Thibaut, lui qui n’était encore, il y a peu, qu’un parfait et illustre inconnu, un "premier de la classe". Car Jimmy, lorsqu’il ne travaille pas et ne se bat pas pour la survie de l’usine locale, fait partie de l’Union musicale des mineurs de Walincourt, dans laquelle il joue du trombone. Un point d’attache entre les deux hommes qui, au-delà des liens du sang, pourrait leur permettre de réparer les injustices du destin...

Fruit de la collaboration entre Emmanuel Courcol et d’Irène Muscari, coordinatrice culturelle en milieu carcéral au Centre pénitentiaire de Meaux où avait été tourné "Un Triomphe", cette histoire de (ré)conciliation est de celles qui réchauffent le cœur et qui adoucissent les mœurs, malgré les drames qui s’y jouent. Le sublime pied de nez et parti-pris du film est d’ailleurs de contrer ici la maladie pour en faire un moteur de vie, pour en impulser une nouvelle à ses protagonistes, formidablement incarnés par un duo d’acteurs aussi généreux que peut l’être la vie. Tout comme l’équilibre qui se joue au sein de l’écriture, Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin forment une subtile fraternité devant composer avec les enjeux qui les réunissent, mais aussi ceux qu’ils n’ont pu développer durant toutes ces années. D’ailleurs, le film traite des privilèges que la vie peut offrir aux uns et non aux autres, à ceux ayant tiré "le bon numéro", même si, dans la finalité, la fatalité de la vie reprend toujours ses droits. On se retrouve dès lors happé par l’humanité qui se dégage de ce film faisant autant rire que monter les larmes, mais jamais avec voyeurisme. D’ailleurs, la dévotion dont fait simultanément preuve ces deux hommes l’un pour l’autre est ici d’une beauté sans nom, à l’épreuve ainsi de la vie, dans une quête d’harmonie mutuelle. Mais "En Fanfare" n’en oublie pas non plus le collectif, étant donné l’usine de Walincourt, en danger de fermeture à la suite d’une politique de restructuration, et contre laquelle se bat la CGT, dont font partie les membres de l’union musicale des mineurs, dont Jimmy. Pour autant, Emmanuel Courcol ne s’embarque pas ici dans un autre chemin que celui d’une rencontre musicale et fraternelle que tout oppose initialement...

Outre ainsi un montage aux petits oignons, un récit évitant tout pathos, et un jeu d’acteurs en parfaite cohésion entre un terriblement émouvant Benjamin Lavernhe et un Pierre Lottin en guise de révélation absolue (lequel prouve qu’il faudra dorénavant compter sur lui), "En Fanfare" est un film qui fait un bien fou au moral, ainsi qu’aux oreilles. Comme son titre l’indique, la musique s’offre une part de rêve dans ce film, qu’elle soit symphonique ou à base d’instruments de cuivre. D’ailleurs, le film ne pouvait ne pas se terminer autrement qu’en musique, et donc en apothéose. Mais une fois de plus, l’ensemble trouve ici la bonne note, et vise juste. Bref, voilà une symphonie cinématographique comme on aime en voir, et en suivre, et qui touche en plein cœur. Rideau, et applaudissements !



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