Genre : Thriller
Durée : 111’
Acteurs : Hugh Grant, Chloe East, Sophie Thatcher, Topher Grace...
Synopsis :
Deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado font du porte à porte dans l’espoir de convertir les habitants. Le soir venu, après une journée infructueuse, elles décident de frapper à la porte d’une maison isolée. C’est le charmant Mr Reed qui les y accueille. Mais très vite, les jeunes femmes réalisent qu’elles sont tombées dans un piège. La maison est un véritable labyrinthe où elles ne pourront compter que sur leur ingéniosité et leur intelligence pour rester en vie...
La critique de Julien
Scénaristes du phénomène "Sans un Bruit" (John Krasinski, 2018), réalisateurs du passable thriller "The Haunt" (2019) et du four commercial "65 - La Terre d’Avant" (2023), Scott Beck et Bryan Woods reviennent à une production bien moins onéreuse, qui plus est produite par la société gage de qualité A24, qu’on ne présente plus. Exit donc les dinosaures et bonjour ici à deux jeunes missionnaires de l’Église mormone, Sœur Barnes (Sophie Thatcher) et Paxton (Chloe East), lesquelles prêchent la parole du Livre de Mormon (Joseph Smith, 1830), soit l’un des ouvrages canoniques de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Confession religieuse mondiale restaurationniste (prétendant avoir restauré le christianisme originel ou cherchant à y parvenir) fondée dans l’État de New York des années 1820, le mormonisme se considère alors comme une religion révélée, c’est-à-dire - pour une religion monothéiste - comme une religion affirmant détenir la connaissance directement de Dieu. C’est ainsi que les deux sœurs se rendront sous une pluie battante au domicile d’un homme excentrique, M. Reed (Hugh Grant), lequel leur proposera d’entrer pour se mettre à l’abri. Sauf qu’elles ne peuvent entrer qu’à la seule condition d’une autre présence féminine dans la pièce. Or, ça tombe bien, puisque Madame Reed prépare une succulente tarte aux myrtilles. Commencera alors entre elles et M. Reed une discussion gênante sur la foi mormone et la nature de leurs croyances, le tout à proximité d’une bougie, qu’elles ignorent encore être au parfum de tarte à la myrtille...
Thriller religieux au goût de scepticisme, "Heretic" permet tout d’abord à Hugh Grant de camper un déstabilisant rôle à contre-emploi de fou à lier manipulateur, loin ainsi de l’image de séducteur qu’on lui connaît. Son personnage, en théologien charlatan, compte, en effet, remettre en question le bien-fondé de la foi de ses invitées, mais en faisant preuve à la fois d’hérésie et de sadisme. Scott Beck et Bryan Woods, motivés par le décès du père de Woods et les questions que cet événement a suscitées en eux (notamment sur la vie après la mort ou la réincarnation), nous offrent alors ici un huis clos davantage psychologique qu’horrifique, étant donné une mise en scène privilégiant manifestement plus le dialogue que l’action, malgré une seconde partie plus anxiogène. Les cinéastes prennent ainsi le temps de déconstruire et de semer le doute quant aux croyances des deux sœurs, avant de rentrer concrètement dans le vif du sujet, et de les confronter. Le film, qui soulève ainsi des questions intéressantes, s’avère dès lors intrigant et loin d’être vain dans sa démarche d’interpellation quant à l’existence et l’usage de la religion (monothéiste), ici en tant qu’outil de domination, de contrôle ou d’oppression des plus faibles. Autrement dit, c’est un film de genre qui, malgré une tension lancinante et un discours farfelu pas toujours assumé, propose un fondement de réflexion pertinente sur la foi (aveugle), sur l’usage du mensonge, ou encore du mariage plural, tout comme il nous offre une métaphore sur l’importance de la foi et de la force qu’elle peut soulever en nous, surtout lorsqu’elle est mutuelle. D’ailleurs, l’espoir est au cœur du film, plus spirituel qu’on n’aurait pu ainsi le croire. Porté également par ses deux actrices épatantes, que sont Chloe East et Sophie Thatcher, "Heretic" sort ainsi du lot des récentes productions du genre, sans pour autant parvenir à ébranler notre propre foi de spectateur, étant donné une écriture décousue qui retombe facilement dans les propres travers des croyances des studios à devoir impérativement créer de l’horreur...