Genre : Comédie dramatique
Durée : 101’
Acteurs : Julie Delpy, Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, India Hair, Jean-Charles Clichet, Ziad Bakri, Mathieu Demy, Marc Fraize, Brigitte Roüan...
Synopsis :
Au cœur d’un petit village breton, la municipalité décide d’accueillir une famille de réfugiés ukrainiens. Sauf que les réfugiés qui débarquent ne sont pas ukrainiens, mais syriens...
La critique de Julien
C’est l’année dernière que sortait sur les écrans le drame social "The Old Oak" du réalisateur britannique Ken Loach, lequel mettait en scène l’arrivée de réfugiés syriens dans une petite localité anglaise marquée par le chômage, étant donné la fermeture de la mine de charbon, ce qui allait alors déclencher à la fois de l’hostilité et de la bienveillance chez la population. C’est aujourd’hui au tour de la cinéaste et comédienne Julie Delpy de centrer son nouveau film sur l’immigration, mais au travers d’une comédie chorale. Il était donc une fois à Paimpont... Et l’harmonie règne dans cette charmante petite ville de Bretagne, couverte par la forêt de Brocéliande, où chacune et chacun est à sa place. Dans un élan de solidarité, ses habitants accepteront avec un enthousiaste (quasi) unanime d’y accueillir des réfugiés ukrainiens. Mais à la suite d’une "pénurie" ("les réfugiés ukrainiens sont très demandés sur le marché des réfugiés", peut-on entendre ici), ce sera pourtant une famille de réfugiés syriens qui arrivera dans la commune, ce qui ne sera pas vu d’un bon œil par toute la population, dont par le plombier alsacien - plus breton que les Bretons - Hervé (Laurent Lafitte), et ses "nouveaux amis". La professeure des écoles Joëlle (Julie Delpy), elle, fera tout ce qui est en son pouvoir pour les aider à s’intégrer, aidée par son amie Anne (Sandrine Kiberlain)...
Introduit et conclu par des vidéos du maire mielleux et influençable (Jean-Charles Clichet) de la commune, faisant dès lors son petit pitch, "Les Barbares" raconte ainsi comment un petit bourg tranquille va se retrouver sens dessus dessous suite à l’arrivée de réfugiés, ses habitants commérant sur ceux-ci ou y allant de leur petit grain de sel, voyant ainsi leur quotidien quelque peu perturbé par cette arrivée (alors que les premiers, eux, ont dû tout abandonner pour débarquer dans un endroit dont ils ignorent tout). Les différends de la population sur la question desdits réfugiés entraîneront alors des rancunes et autres règlements de comptes en son sein, la bien-pensance laissant désormais place à des vérités, lesquelles éclateront dès lors dans la vie bien rangée de ces paimpontais et paimpontaises...
Divisée en cinq actes, lesquels sont présentés par des tableaux peints liés aux guerres (à la prétendue supériorité blanche) et illustrés par de grands moments de musique classique (avec notamment Beethoven et Mozart), cette comédie au sous-texte social et politique se veut davantage observatoire qu’elle ne pose un jugement sur la réalité. En effet, Julie Delpy et ses coscénaristes Matthieu Rumani et Nicolas Slomka dessinent plutôt ici une galerie de personnages quelque peu caricaturaux et archétypes dans leurs attitudes, pour alors mieux en révéler notre et leur humanité, certains réagissant par peur de l’autre et de ce qu’il pourrait engendrer, plutôt que par méchanceté primaire. La réalisatrice nous y montre ainsi comment les réfugiés peuvent être reçus en Europe, soit dans une certaine animosité. Mais son film, s’il ouvre des portes, en claquent surtout beaucoup, et cela au travers d’une mise en scène bavarde et aux va-et-vient incessants, ce qui permet, certes, à ses personnages d’exister au-delà de leur image initiale, mais peine aussi à nous divertir et à nous tenir en haleine. Finalement, on comprend très vite les tenants et aboutissants du film. Heureusement, Julie Delpy ne délaisse jamais l’émotion et l’honnête de sa démarche, profondément humaniste, et sans doute un peu trop, quitte à rendre tout ce beau monde un brin trop lisse. C’est aussi un film féministe, où des femmes vont cesser de se taire, et ainsi se rebeller face aux hommes, à l’image de Géraldine (India Hair), l’épouse soumise et enceinte jusqu’au cou du plombier (joué par un excellent Laurent Lafitte), alors aux convictions renfermées, lequel se comporte comme un coq de basse-cour. Un rôle assez jubilatoire et paradoxalement effrayant, et pourtant si caractéristique...
Enfin, on l’aura vite compris, mais les barbares du titre sont bien ici ces hommes et femmes qui se tirent dessus, étant donné leur mentalité étriquée, leurs comportements excessifs et opinions tranchées, sans parvenir à se mettre une seule seconde à la place des véritables victimes, que sont ici les réfugiés. Dommage que ceux-ci n’aient cependant pas un aussi grand espace face à la caméra de Julie Delpy pour vivre, s’exprimer et faire entendre ainsi leur condition, comparativement aux paimpontais et paimpontaises, qui prennent toute la place, alors au sein de cette satire sociale pas bien méchante, et parsemée de jolis moments, malgré les douleurs réalistes partagées...