Genre : Comédie
Durée : 85’
Acteurs : Laetitia Dosch, François Damiens, Pierre Deladonchamps, Jean-Pascal Zadi, Anne Dorval, Mathieu Demy...
Synopsis :
Avril, avocate abonnée aux causes perdues, s’est fait une promesse : sa prochaine affaire, elle la gagne ! Mais lorsque Dariuch, client aussi désespéré que sa cause, lui demande de défendre son fidèle compagnon Cosmos, les convictions d’Avril reprennent le dessus. Commence alors un procès aussi inattendu qu’agité : le procès du chien.
La critique de Julien
Décidément, le cinéma francophone a du chien ! Un an après la Palme Dog à Cannes pour le border collie Messi (alias Snoop) dans le triomphe "Anatomie d’une Chute" de Justine Triet, c’était cette année-ci au tour du griffon Kodi dans le rôle de Cosmos de repartir avec le précieux sésame canin, et cela pour son rôle aux abois dans le premier film de la dramaturge et comédienne franco-suisse Laetitia Dosch. Dans "Le Procès du Chien", présenté dans la section Un certain regard en mai dernier, la réalisatrice s’y met également en scène, elle qui avait été révélée au grand public en 2017 avec le film "Jeune femme" de Léonor Serraille. Comédie questionnant par l’absurde notre rapport au vivant, "Le Procès du Chien" raconte ainsi l’histoire d’Avril, une avocate de quarante ans, alors peu sûre d’elle, et réputée pour défendre des causes perdues. Or, celle de Dariuch, un malvoyant qu’interprète François Damiens, répond particulièrement à ce critère, son chien étant accusé d’avoir mordu au visage une femme de ménage portugaise (Anabela Moreira), alors qu’il ne s’agissait pas de sa première attaque, qui plus est envers la gent féminine. Touchée par la relation entre ce maître et son chien, Avril se jettera dès lors corps et âme dans ce procès très médiatisé, elle qui tentera de sauver Cosmos de l’endormissement. À moins que ça ne soit finalement elle qu’elle souhaite sauver, en miroir de la condition de celui qu’elle défend, retrouvant ainsi, non pas comme cosmos son cri de loup, mais sa voix ? "Le Procès du Chien", c’est une curieuse histoire de procès offrant une juste métaphore de la place de tout en chacun dans la société, effaçant quant à elle notre instinct et ce que nous sommes réellement, pour alors nous domestiquer à son image, en suivant ses normes. Et Laetitia Dosch n’y va pas de main morte pour souligner pertinemment, et sur un ton mi-figue mi-raisin, le paradoxe qu’elle soulève...
Après avoir conçu la pièce de théâtre "Hâte" (2018, théâtre Vidy-Lausanne) jouée sur scène en duo avec un cheval, ainsi qu’animer l’émission de radio "Radio Arbres" (2021), Laetitia Dosch passe donc un cap, sous l’impulsion de son producteur suisse. Inspiré de faits réels autour d’une histoire de procès d’un maître de chien alors accusé de morsures répétées, son film présente d’emblée une version satirique de la situation légale des animaux en Suisse pour alors mieux appuyer les aberrations de l’humanité, et notre rapport aux animaux, que l’on se doit pourtant de changer au plus vite si l’on veut pouvoir se sauver nous-mêmes de l’extinction. Les animaux n’étant plus considérés par la Constitution suisse comme des choses depuis 1992, mais davantage comme des êtres sensibles, "Le Procès du Chien" avance pourtant le contraire, Cosmos étant préalablement assimilé ici à une chose, et non pas comme une personne pouvant se défendre à la barre. D’où la nécessité ici de changer son statut au plus vite, afin qu’il puisse être justement appelé à celle-ci, et se défendre, face à des humains finalement démunis pour le juger. Surréaliste, vous avez dit ?
Avec ce parti-pris assez cocasse et qui a du flair, Laetitia Dosch et sa coscénariste Anne-Sophie Bailly interrogent ici la société, qui devrait selon elle ne pas devoir changer, au contraire dudit toutou, lequel a pourtant perdu sa vraie nature pour pouvoir entrer dans ses rangs... Ainsi, Cosmos devrait-il être tué parce qu’il retrouve ses instincts ? Mais la mise à mort, elle, n’efface-t-elle pas notre humanité ? N’en est-elle pas, finalement, l’échec ? Heureusement que la mort change, elle, "le destin de ceux qui restent", d’après les mots de son héroïne... Tant de questions que posent ici les scénaristes au travers de ce film, lequel est à la fois léger, burlesque, coloré, moderne, d’intérêt commun et, sans doute aussi, trop généreux... En effet, en emboîtant le pas de sujets sociétaux d’actualité et greffés ici à la pelle, "Le Procès du Chien" cabotine et part un brin dans tous les sens. Ainsi, le film parle également de la violence en escalade dans notre quotidien, qu’elle soit ici verbale, physique, ciblée envers les femmes ou les enfants, tandis qu’il y est également question de solitude, à l’égard notamment du personnage de Laetitia Dosch, qui se parle davantage ici à lui-même qu’à autrui... D’ailleurs, cette voix-off n’est pas des plus réussies, tandis que la réalisatrice novice ne parvient pas toujours à convaincre dans ses ruptures de ton. Qu’importe, cette première réalisation invite à réfléchir en se posant des questions auxquelles on n’a pas l’habitude de penser, et cela malgré leur légitimité et importance fondamentale, tout en étant très pertinentes quant à notre humanité et à notre rapport à l’autre. Plein de promesses, à l’image finalement de sa metteuse en scène, dont on apprécie la singularité et la vivacité d’esprit, "Le Procès du Chien" mérite qu’on lui donne la patte !