Synopsis : Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d’avocate au service d’un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu’à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s’ouvre à elle, aider le chef de cartel Manitas à se retirer des affaires et réaliser le plan qu’il peaufine en secret depuis des années : devenir enfin la femme qu’il a toujours rêvé d’être.
Casting : Karla Sofia Gascon (Emilia Perez), Zoe Saldana ( ) , Selena Gomez (Jessi), Adriana Paz (Epifania), Edgar Ramirez (Gustavo), Mark Ivanir (le docteur Vasserman)
Points particuliers :
- Prix du Jury et Prix d’interprétation féminine collectif au Festival de Cannes 2024
- 10ème film de Jacques Audiard
- Un film tourné intégralement en espagnol alors que Jacques Audiard n’en parle pas un mot
- Film tourné principalement en studio, à Paris
- Librement adapté du roman “Écoute” de Boris Razon
- Musique et chansons : Clément Ducol et Camille
- Chorégraphie : Damien Jalet
Emilia Perez, c’est la comédie musicale sur un mec qui change de sexe, hein ?
Ca, c’est le résumé des détracteurs du film par a priori, sans l’avoir vu.
Alors c’est vrai, il fallait séjourner momentanément dans une grotte, au sommet de l’Everest ou faire partie d’une mission spatiale, pour ne pas avoir entendu parler de ce film qui a été l’un des événements à Cannes.
Oui, ça se passe bien au Mexique, Manitas est bien un chef sans pitié d’un cartel de drogue qui veut changer de sexe pour devenir Emilia Perez. Pour réussir ce changement de vie (l’un ne va pas sans l’autre) dans le plus grand secret, il fait appel aux services d’une avocate, qui va l’aider dans toutes les étapes (choix du chirurgien, mise à l’abri de sa femme et ses enfants…)
Et alors ? Hé bien, même en connaissant l’histoire, en ayant tout entendu sur ce film, on est totalement saisi par l’effet de surprise, on ne sait pas à quoi s’attendre et on - enfin, je - suis totalement éblouie, soufflée par la manière dont Jacques Audiard embrasse la réalité violente du Mexique entre l’impunité des narco traficants, les enlèvements de celles et ceux qui gênent, la corruption et la misogynie ambiante.
Sa mise en scène est ample et intimiste, toujours au plus juste de ses personnages, la lumière aussi est très travaillée, crue et dure, dans le clair obscur qui met à nu les émotions de ses personnages.
Chaque plan, chaque scène est forte, inventive. Sans rien divulgâcher, admirez dans l’une des chorégraphies musicales, ce plan qui montre une multitude de personnes formant une constellation d’étoiles.
“Emilia Perez” est un film totalement hybride : c’est un thriller, drame intimiste et comédie musicale et c’est un chef d’oeuvre puissant sur la rédemption, qui revisite la comédie musicale, comme Lars Von Triers l’avait fait il y a 24 ans déjà, dans “Dancer in the dark”, avec Bjork et Catherine Deneuve. Dans une scène, Bjork dansait au rythme des machines et des pas de ses collègues.
Ici aussi, et grâce aux chansons et aux chorégraphies, il y a aussi ce même renouvellement du traitement des matières sonores et surtout, de l’environnement social : qui aurait imaginé une chorégraphie parmi les accessoires de ménage ?
Chorégraphies, chansons tout coule de source, tout s’emboîte à merveille pour, justement, montrer des vies qui ont du mal à s’emboîter comme il faut.
Le trio d’actrices (Adriana Paz est très bien mais n’a qu’un rôle secondaire) est absolument renversant.
Zoé Saldana, dans ce rôle d’avocate dont le destin bascule dans le secret et flirte avec les limites de ses valeurs morales, est remarquable
Selena Gomez, inattendue dans ce rôle, montre une profondeur inouïe.
Et quand à Karla Sofia Gascon, mais quelle claque et quelle révélation cette actrice !
Elle a un charisme dingue et propose un jeu tout en subtilité, en contraste : de la femme qui a un crush pour une autre et se comporte comme une ado de 15 ans à la femme louve, forte déterminée qui ferait n’importe quoi pour ses enfants.
Vraiment, ne pas avoir la curiosité d’aller découvrir Emilia Perez, c’est passer à côté d’un immense moment de cinéma.
