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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Michiel Blanchart
La Nuit se Traîne
Sortie du film le 04 septembre 2024
Article mis en ligne le 5 septembre 2024

par Julien Brnl

Genre : Thriller, action

Durée : 94’

Acteurs : Jonathan Feltre, Natacha Krief, Romain Duris, Jonas Bloquet, Thomas Mustin, Sam Louwyck...

Synopsis :
Ce soir-là, Mady, étudiant le jour et serrurier la nuit, voit sa vie basculer quand il ouvre la mauvaise porte et devient accidentellement complice dans une affaire de grand banditisme. Au cœur d’une ville en pleine ébullition, Mady a une nuit pour se tirer d’affaire et retrouver la trace de Claire, celle qui a trahi sa confiance. Le compte à rebours est lancé.

La critique de Julien

Qui a dit qu’on n’était pas capable de réaliser des thrillers d’action en Belgique ? La preuve du contraire avec "La Nuit se Traîne", soit le surprenant premier passage au long métrage du jeune cinéaste belge Michiel Blanchart, 31 ans, lequel nous livre ici un divertissement qui rivalise avec légitimité avec le cinéma de genre auquel les Français et les anglophones nous avaient habitués. Et on n’attendait pas mieux de sa part après son précédent (et cinquième) court-métrage multiprimé "T’es Morte Hélène" (2020), shortlisté pour les Oscars en 2022, et repéré dans la foulée par un certain Sam Raimi, pour en faire un remake américain. Et c’est animé par son penchant pour "les films portés par une contrainte" que le metteur en scène nous plonge ici au sein d’une course-poursuite effrénée le temps d’une nuit, dans les rues d’une Bruxelles, alors à feu et à sang étant donné des manifestations en soutien au mouvement Black Lives Matter. Mady, un jeune étudiant et serrurier la nuit, ouvrira alors une porte qu’il n’aurait pas dû ouvrir...

On ne va pas y aller par quatre chemins, étant donné que "La Nuit se Traîne" n’en emprunte qu’un seul. Nerveux et palpitant, Michiel Blanchart va donc droit au but, et nous plonge en temps réel au côté de son protagoniste, alors embarqué malgré lui dans un engrenage qui va le dépasser, après avoir fait confiance à la mauvaise personne. Mais comment dès lors s’en sortir lorsqu’on est (tombé) au fond du trou ? Sans avoir le temps de réfléchir, le jeune homme devra pourtant trouver rapidement la réponse à cette question, et passer ainsi au-dessus de la violence et des émotions extrêmes auxquelles il sera confronté, en faisant, par exemple, usage de sa ruse...

D’emblée, Jonathan Feltre, découvert dans l’inédit "Les Rascals" (Jimmy Laporal-Tresor, 2022), est littéralement la pierre angulaire de "La Nuit se Traîne", lequel a impressionné le scénariste et réalisateur du film lors du casting avant de nous impressionner à notre tour. De pratiquement tous les plans, l’acteur transcende son rôle, lequel est subtilement filmé au plus près par Michiel Blanchart, captant dès lors toutes ses émotions, allant de la peur à la détresse, en passant par la survie, la résilience, ou encore la loyauté. Et autant dire que l’acteur se donne à fond devant la caméra, vibrant en même temps qu’il prend des coups, tout en se relevant à chaque fois, histoire de nous rappeler que nous sommes bien là dans un cinéma de genre, mais tout en ne manquant pas d’esprit...

Si l’on se retrouve ainsi rapidement dans le vif du sujet, "La Nuit se Traîne" ne se limite pas, en effet, à une course-poursuite infernale, lequel profite astucieusement du climat social dans lequel il évolue, sans être pour autant un film engagé. Indirectement, mais sûrement, Michiel Blanchart nous montre sa colère vis-à-vis du racisme et des atteintes mortelles de personnes noires par des policiers, via le mouvement Black Lives Matter, Bruxelles étant, dans l’intrigue, bouclée de partout, les forces de l’ordre étant occupée à étouffer les manifestations qui y ont lieu, quitte à utiliser, à leur tour, de la violence. Autrement dit, Mady se retrouvera ici finalement seul, ne pouvant faire confiance qu’à lui-même, à moins de devoir s’allier avec quelqu’un d’autre pour survivre.

Le scénario de Michiel Blanchart profite alors à bon escient de son double décor et de la dangerosité de la situation dans laquelle il s’inscrit, laquelle se répercute sans arrêt sur les actions de Mady, et ses limites. Mais face à lui, les autres personnages ne sont pas en reste, dont l’antagoniste principal, joué par Romain Duris, droit dans ses bottes et lui-même pris au piège. Or, son personnage évite les stéréotypes du grand méchant, le cinéaste nuançant ici son écriture et le mystère qui l’entoure, tandis que Jonas Bloquet, en victime collatérale, est également convaincant dans son rôle, sans oublier Thomas Mustin dans un rôle à contre-emploi, ou encore Natacha Krief, révélée dans le drame "Ma Fille" (2018) de Naidra Ayadi. Mine de rien, "La Nuit se Traîne" articule parfaitement ses personnages au sein de son intrigue, en plus de les mettre en relation, malgré le conflit. Ainsi, dans un énième retournement de situation plein de bravoure, Michiel Blanchart surprend encore le spectateur, faisant ainsi passer son gentil petit serrurier raffolant de samoussas et écoutant du Petula Clark lors de ses déplacements, à un véritable héros, aussi romanesque que plein de maturité nouvellement acquise...

Si tout n’est pas crédible ici en matière d’écriture, "La Nuit se Traîne" se révèle par contre d’une efficacité sans bornes dans son montage et dans l’enchaînement de ses péripéties, tandis que ces dernières s’avèrent particulièrement réalistes, notamment dans l’usage des cascades. L’image prend ici des coups, passe à travers une verrière, ou tombe encore d’un balcon, et cela pour notre plus grand plaisir, offrant dès lors autant de tension que de rythme à cette histoire. Quant aux mouvements de caméra épousant la manière dont se déplacent les personnages dans Bruxelles, ces derniers ne passent dès lors pas non plus inaperçus, dont une scène où Mady descend à vélo, à toute allure, dans le métro, sans oublier l’esthétique granuleuse de l’image, renforçant la texture urbaine et sombre des rues de Bruxelles, et cela de l’ascenseur des Marolles au Palais de justice, comme vous ne les aviez encore jamais empruntés...

Il serait donc dommage de se priver de "La Nuit se Traîne", lequel est un projet qui porte haut nos couleurs dans le paysage concurrentiel du film de genre, dans lequel les budgets de production peuvent avoisiner les millions de dollars. Ici, pour moins de cinq millions d’euros (ce qui n’est tout de même pas rien dans le milieu du cinéma francophone belge), force est de constater que Michiel Blanchart offre au spectateur ce qu’il est venu y chercher. Espérons seulement que ce dernier n’oublie pas, à son tour, ses clefs en salles. Bien que ce serait l’occasion de retourner voir le film !



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