Genre : Comédie dramatique
Durée : 91’
Acteurs : Karim Leklou, Laetitia Dosch, Sara Giraudeau, Bertrand Belin, Noée Abita, Suzanne de Baecque, Andranic Manet...
Synopsis :
Aymeric retrouve Florence, une ancienne collègue de travail, au hasard d’une soirée à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Quand Jim nait, Aymeric est là. Ils passent de belles années ensemble, jusqu’au jour où Christophe, le père naturel de Jim, débarque... Ça pourrait être le début d’un mélo, c’est aussi le début d’une odyssée de la paternité.
La critique de Julien
Librement adapté du roman du même nom de Pierric Bailly paru aux Éditions P.O.L. en mars 2021, "Le Roman de Jim" est une comédie dramatique des frères Larrieu, lesquels l’ont présentée à Cannes Première en mai dernier, et cela après y avoir présenté trois ans plus tôt en séance de minuit leur (inédite et) précédente réalisation "Tralala". S’étalant sur 24 années, cette histoire, débutant en 1996, met alors en scène le personnage d’Aymeric (Karim Leklou), un jeune homme un peu naïf et passif, terriblement gentil et mélancolique, n’anticipant aucunement ses actions, et vivant de petits boulots, dont d’intérims. Après un passage durant 18 mois en prison pour avoir fait le guet lors d’un cambriolage, celui-ci retrouvera une ancienne collègue célibataire, Florence (Laetitia Dosch), de plusieurs années son aînée (quinze ans dans le roman), elle qui est enceinte de six mois, tandis que le père du futur nouveau-né (Bertrand Belin), ayant déjà une vie de famille sur le côté, a fui ses responsabilités. Alors qu’il prend des photos à l’aide de l’appareil argentique de son père, tout en accumulant - faute d’argent - les négatifs, Aymeric assistera à l’accouchement du petit Jim, étant donné la relation amoureuse qu’il entretient avec sa mère. Ils vivront alors, à trois, une vie simple et heureuse, dans le Haut-Jura, alors qu’Aymeric croyait bien devenir le père de Jim. Un bonheur indélébile qui se fracturera pourtant le jour où le père biologique du garçon réapparaîtra...
Même si l’on ne croit, nous, aucunement aux vingt ans de Karim Leklou au début de cette histoire (l’acteur en a quarante-deux), "Le Roman de Jim" est un poignant drame qui questionne la paternité, ou plutôt la paternité par substitution, soit ici lorsque l’on s’occupe de l’enfant d’un autre, au sein d’une relation amoureuse, et le considérant tout naturellement comme le nôtre, d’autant plus lorsque sa véritable figure paternelle est absente. Et dans le rôle de ce père qui n’en est pas un (mais qui le devient), Karim Leklou bouleverse, lequel interprète un compagnon généreux, un homme sensible, et un beau-père/parrain dévoué, tout en étant limité par sa condition et ses non-choix, mais lequel grandira alors tout long de son histoire, au même titre que Jim, lui qui n’est donc pas le personnage principal de son roman.
Sincère, et magnifiquement filmé dans les décors du Jura, le film des frères Larrieu nous confronte aussi aux aléas de la vie qu’ils filment subtilement par ellipses, mais aussi aux nouvelles qui nous concernent (in)directement, mais envers lesquelles on ne peut faire grand-chose, si ce n’est continuer d’avancer, même à contrecœur, surtout lorsque notre bonheur se doit d’être sacrifié pour celui - supposé - d’une personne qu’on aime, et son équilibre (familial), même si cela n’est, dans l’absolu, pas la meilleure des choses à faire ; les forces de l’équilibre ne se compensant pas aussi facilement qu’on l’espérerait. Ou du moins que l’espérait ici le personnage joué par Laetitia Dosch, Florence, spontanée et ne cherchant pas à se faire pardonner aux yeux d’Aymeric, étant donné les choix qu’elle prendra, elle, pour Jim, laquelle fera comprendre à Aymeric la nécessité de faire une place à un autre dans leur relation, et la vie de Jim. Sara Giraudeau étincelle également dans son rôle, soit celui d’Olivia, la nouvelle compagne d’Aymeric, laquelle danse sur de l’électro lorsqu’elle n’enseigne pas, et accepte "l’île aux secrets" de son compagnon. Noée Abita (la sœur DJ d’Aymeric), Andranic Manet (Jim à 23 ans) et Eol Personne (Jim à 7 et 10 ans) contribue également à la qualité des interprétations et des émotions dégagées par ce film, jouant, certes, avec les codes du mélodrame, mais sans pour autant jamais manipuler le spectateur. Mais outre le jeu des acteurs, ce sont aussi les répliques, les mots mesurés, les face-à-face et situations manquées et retrouvées qui nous émeuvent, au sein de ce film où rien n’est joué ni gagné d’avance. Tel que dans la vraie vie, finalement, que Jean-Marie Larrieu et Arnaud Larrieu réussissent ici à mettre en scène, avec la beauté, la simplicité, les contradictions et les intempéries insaisissables qui la composent. Bref, Pierric Bailly a bien fait de faire parvenir son roman - via son éditeur - aux cinéastes...